Une Cerisaie magnifiée au Monfort
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La Cerisaie De Tchekhov Mise en scène de Lev Dodine Avec Jusqu’au 18 avril 2015 Tarifs : de 10 à 28 € Réservation au Durée : 3h avec entracte Le Monfort Théâtre M° Porte de Vanves |
Jusqu’au 18 avril 2015
Le Standard Idéal conçu par Patrick Sommier invite la Russie dans son festival, avec un des maîtres du théâtre en la personne de Lev Dodine. Avec sa troupe du Théâtre Maly de Saint-Pétersbourg, il présente une Cerisaie de toute beauté, à faire chavirer les cœurs. Dodine accueille les spectateurs dans des fauteuils recouverts de draps blancs, face à un plateau lui-même bordé de meubles recouverts de draps. Quelques sources de lumière directe mais douce, il flotte dans l’atmosphère un air de complicité fraternelle lorsque les personnages débarquent de la salle, au milieu des spectateurs. Sommes-nous bien au cœur de ce monde qui bascule ? De cette Russie de 1900 qui verra bientôt les révolutionnaires confisquer le pouvoir du tsar, en même temps que les bourgeois et les marchands vont remplacer les aristocrates ? Tchekhov brosse de façon impressionniste ce monde en fin de course à travers l’arrivée romanesque de Lioubov Andréevna et de son frère Gaev, propriétaires pour quelques heures encore de cette Cerisaie en fleurs qu’on ne verra jamais derrière le rideau blanc, sauf en film, comme un mirage ou les lambeaux d’un jardin d’Eden. Au bord du plateau noir et vêtus de cotonnades blanches, la sœur et le frère, accompagnés d’Ania, la fille de Lioubov âgée de 17 ans, ressemblent à de grands enfants au rire désarmant et au regard effrayé par le réel. Bientôt, Lopakhine, le “moujik”, qui tentera tout au long de la pièce de convaincre les gentils propriétaires de faire construire des villas de location afin que la Cerisaie ne soit pas vendue, la rachètera victorieusement. Ce fils de serf, dont le père a été maintenu en esclavage, crie victoire en rachetant avec l’argent de son travail la villégiature privilégiée des nantis. Alors que le personnage de Lopakhine est d’habitude traité de manière brutale et grossière, comme un arriviste sans manières et sans sentiments, Danil Kozlovski l’incarne de manière bouleversante, élégante et fiévreuse, comme un jeune homme patient et réaliste, conscient du changement imminent d’un monde qui lui tend les bras tandis que des adultes écervelés et superficiels jouent encore au jardin. La lente maturation de sa décision, le renversement de la situation des propriétaires terriens devenus sans statut, lui procurent une ivresse scénique mémorable qu’il traduit par une danse sur la chanson des années 70 My way. Lopakhine, beau garçon au physique d’acteur de cinéma, devient le héros de la pièce. Il faut dire que le metteur en scène a judicieusement rajeuni le casting, en choisissant Ranievskïa Xenia Rappoport, une jeune et superbe comédienne, pour jouer Lioubov, alors qu’en général elle est jouée par une femme mûre. Dynamique, coquine et très fraîche, Lioubov rivalise donc avec Lopakhine pour croquer la vie à pleines dents. L’un le fait avec des poches pleines, la seconde à fonds perdus. Quant aux autres comédiens de la troupe, ce qu’ils accomplissent relève d’un pur bonheur. Chaque réplique est vivante, naturelle et simplement amenée. Aucun artifice, aucune ironie dans la lecture de la pièce qui se rit de la Russie elle-même de manière tragi-comique. Tchekhov lui-même était fils et petit-fils de serfs, son enfance était pauvre et il accorde autant d’importance à l’angoisse du vieux serviteur Firs, habitué toute sa vie à servir ses maîtres, qu’à l’ambition de Lopakhine libéré grâce à l’argent. “Nous avons 200 ans de retard”, dit un des personnages en pointant la Russie. Pour l’heure, les Russes servent le théâtre de Tchekhov avec une vérité et une liberté réjouissantes, dans une scénographie élégante et simple, en portant très haut la beauté de leur langue et du texte. Hélène Kuttner [Photos © Le Monfort] |
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