0 Shares 1520 Views

Solness, le constructeur – Théâtre Hébertot

14 octobre 2010
1520 Vues
weber-1

 

Dans un décor blanc fonctionnel, celui d’un bureau d’architecte moderne, Solness contemple son empire. Entouré de son personnel, qu’il foule au pied pour mieux se mettre en valeur, et de sa femme (excellente Edith Scob), étouffée par la personnalité solaire de son mari, Solness sent la vieillesse arriver – et refuse de céder à la succession naturelle de la jeune génération. Comme toujours avec Ibsen, la reconnaissance sociale est sous-tendue par des zones d’ombres : c’est la mort de ses fils qui a provoqué la réussite de Solness, et c’est de cette culpabilité que se nourrit le constructeur pour toujours dépasser les limites de l’humain.


D’emblée, Hans Peter Cloos annonce la couleur : il lit Solness comme un comédie, et non comme la tragédie que l’on y voit traditionnellement. Si le parti pris semble intéressant, il s’avère vite, finalement, assez réducteur : Jacques Weber joue Solness comme un monolithe, et s’il convainc dans l’émotion au moment de révéler la mort de ses fils, cet état de grâce ne dure qu’un instant. Le reste du temps, il a tendance à forcer le trait, négligeant les subtilités, les ambiguïtés d’un personnage qu’il aplanit et simplifie à outrance. Solness, le constructeur - Theatre HebertotDommage, car sa présence, sa diction parfois imparfaite, mais d’autant plus naturelle, confèrent une véritable épaisseur physique à Solness.


La révélation de cette production, c’est Mélanie Doutey, interprète de la jeune Hilde, symbole de lajeunesse qui vient bousculer les convictions du constructeur. Fraîche, naïve, elle virevolte sur la scène comme un elfe rieur, insouciante des conséquences que provoque sa venue. Elle est là pour bousculer, pour redonner à Solness la gloire de sa jeunesse, avant qu’il ne construise son empire sur la destruction de sa famille. Elle causera sa chute, au sens propre comme au figuré…  Le duo avec Weber est touchant, mais manque de profondeur : on aurait aimé y sentir plus d’ambiguïté, plus de passion.


Si Hilde ramène Solness à la vie, elle est aussi la raison de sa chute, de sa mort. La mise en scène de Cloos souligne ce paradoxe, sans pour autant mettre en lumière les subtilités du personnage de Solness et de sa relation avec la jeune Hilde. Dommage, car la confrontation entre Jacques Weber et Mélanie Doutey aurait pu faire date. On appréciera cependant de voir à Paris cette pièce d’Ibsen, trop rarement jouée…


Audrey Chaix
enjoy the theatre



Solness, le constructeur
D’Henrik Ibsen
Mise en scène de Hans Peter Cloos
Avec
Jacques Weber, Mélanie Doutey, Edith Scob, Jacques Marchand, Thibault Lacroix, Nathalie Niel et Sava Lovov

Durée : 1h40


A partir du 3 septembre 2010
Du mardi au samedi à 21h, le samedi à 17h30
Location au 01 43 87 23 23 ou au guichet du théâtre.
Tarifs : de 10 à 48 €


Théâtre Hébertot
78 bis boulevard des Batignolles
75017 Paris
Métro Villiers (ligne 2 et 3)


www.theatrehebertot.com

 

Articles liés

“Les Paravents” à l’Odéon : sublimer les morts et les parias de la terre
Spectacle
526 vues

“Les Paravents” à l’Odéon : sublimer les morts et les parias de la terre

Dans un spectacle magnifique, Arthur Nauzyciel rend hommage à l’œuvre scandaleuse de Jean Genet, créée il y a soixante ans. Pour incarner quatre heures de performance intense qui nous fait voyager sur des montagnes russes, entre enfer et paradis,...

Après un beau succès en tournée et au Lepic, “Pour le meilleure et pour le dire” revient au Café de la Gare !
Agenda
869 vues

Après un beau succès en tournée et au Lepic, “Pour le meilleure et pour le dire” revient au Café de la Gare !

Après deux Festival d’Avignon en 2019 et 2021 et 50 dates de tournée et 3 mois au théâtre Lepic, “Pour le meilleur et pour le dire” revient au Café de la Gare à partir du 22 juin. Quand une...

“La Culotte” de Jean Anouilh, mis en scène par Émeline Bayart, à voir au Théâtre Montparnasse
Agenda
153 vues

“La Culotte” de Jean Anouilh, mis en scène par Émeline Bayart, à voir au Théâtre Montparnasse

Les femmes ont pris le pouvoir : elles souhaitent émasculer tous les hommes soupçonnés de phallocratie. Entre les cochons et les furies, les déviants ne sont pas toujours là où on les attend… Guerre des sexes terrifiante et cruellement...