Les 39 marches
Les adaptations, les reprises et autres « remakes » sont très en vogue et tendent pourtant certains pièges évidents. L’original, quand il est jugé bon, bénéficie non seulement de la légitimité de sa nature d’original, mais bénéficie également de la patine du temps qui ne permet pas toujours d’appréhender sereinement la nouvelle version. De fait, si cette démarche peut attirer les admirateurs de l’original, elle leur donne un point de comparaison pour le moins exigeant. La tâche des auteurs de tels projets n’en est que plus ardue, nous le savons bien, ils n’ont pas vraiment le droit à l’erreur.
Quelle nouvelle approche pour Les 39 marches ?
La mise en scène d’Eric Metayer relève le défi et mélange sans complexe théâtre, cinéma et théâtre d’ombres trouvant ainsi le moyen de s’approprier le film dont il s’inspire en élargissant les limites de la scène. La référence cinématographique est donc évidente et donne une sensation de complexité formelle très particulière. La performance des comédiens est à souligner, car le parti pris de cette mise en scène les oblige, à eux quatre, à se laisser prendre dans un tourbillon de personnages. En effet, l’abondance de personnages est une composante acquise du cinéma mais peut, utilisée au théâtre, donner le vertige. Eric Metayer nous avait habitué à cette approche virevoltante notamment dans le récent : Un monde fou où il enchaînait des dizaines de personnages à lui seul sans changement de costume ni de décor. Ici, les costumes changent et trois autres comédiens le rejoignent dans cet éclatement des identités qui nous plonge au cœur même de la fonction du comédien. Leur jeu, parfois à la limite du cabotinage, fait plaisir à voir tant il fait preuve d’énergie créatrice.
Le plaisir que les comédiens expriment dans leur façon de jouer se communique facilement à toute la salle qui rit beaucoup et ce fait est très important au théâtre où la qualité d’écoute des spectateurs influence sensiblement la visibilité de la pièce.
Le parti pris du rire
Cette adaptation des 39 marches a choisi la forme de la comédie. Elle se distingue de fait de l’original, thriller dans la plus pure tradition hitchcockienne. Ce choix peut être dangereux, mais fonctionne bien car il dédramatise autant qu’il libère de l’emprise du « maître ». Notons que l’original, fait récurrent dans le cinéma d’Hitchcock, montrait des relation homme/femme et une situation politique aujourd’hui dépassées. Allons donc jusqu’à dire que le choix de la comédie rend viable une histoire difficile à admettre aujourd’hui sans avoir à choisir l’option d’un dépoussiérage : comprendre une réactualisation des situations.
Beaucoup d’adaptations ou remakes ont, en effet, changés les histoires originales pour les inscrire dans une nouvelle époque. Ici, tout le récit est conservé, c’est donc le rire qui rend l’histoire abordable sans la changer. Le rire installe le second degré et offre une vision à la fois très décontractée et plus critique d’un film auquel il rend hommage avec une désinvolture d’enfant espiègle.
Lorraine Alexandre
Les 39 marches
De John Buchan et Alfred Hitchcock
Adaptation de Patrick Barlow
Concept original de Simon Corble et Nobby Dimon
Adaptation française Gérald Sibleyras
Mise en scène par Eric Metayer
Avec Eric Metayer, Jean-Philippe Beche, Christophe Laubion et Harrade Von Meier
Molière 2010 de la pièce comique
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