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Doppelgänger de Céline Nieszawer – NextLevel Galerie

17 novembre 2012
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C.Nieszawer_Marie_and_Marie_2010

Doppelgänger : étymologiquement, le double déambulant, bref, le sosie, l’ombre de soi-même. Motif transversal de la littérature moderne, abordé aussi bien dans Docteur Jekyll et Mister Hyde  de Stevenson, Le Double de Dostoïevski, voire dans L’Etrange histoire de Peter Schlemihl ou l’homme qui a vendu son ombre de Chamisso, le Doppelgänger est le fantôme menaçant qui hante nos nuits.

Pour Céline Nieszawer, tout a démarré lors de la redécouverte d’une photo d’enfance, où elle pose aux côtés de sa soeur, rigoureusement vêtues de la même robe. Événement banal, déjà vu, mais qui effectivement nous fait penser au cliché « Identical twins » de Diane Arbus, ou aux jumelles terrifiantes du Shining de Kubrick (D’ailleurs l’exposition des deux robes utilisées lors du cliché-phare de l’exposition évoque les fantômes de ces horribles fillettes). Aussi, au long de 18 photographies et d’une vidéo, l’artiste tente-t-elle de définir un climat délétère, une ambiance mystique propice à la réflexion sur l’autre soi dans la famille. Chaque épreuve porte le double prénom d’une sainte, d’une femme historique, ou d’une projection culturelle (« Circé et Circé », « Lilith et Lilith », « Jeanne et Jeanne »…).

Sur fond de sororité et de rivalité, Céline Nieszawer mène un travail où les cheveux, les vêtements et le décor joue un rôle primordial. Le décor, toujours d’intérieur, est composé souvent de tapisseries à gros motifs, floraux, champêtres ; les quelques meubles peuvent évoquer une ambiance scolaire ou enfantine (chaises de classe, table en formica). Sur l’une des photos, « Claire & Claire », une des femmes empoigne la tête de l’autre et l’enfonce dans le tiroir d’un meuble d’archive. Ambiance de secret dévoilé dans la douleur.

LCNieszawer_Circe_and_Circe_BDe vêtement, mal adapté à la taille des modèles (l’artiste l’achetant en général au hasard la veille du shooting), permet une réflexion sur le voilé, le dévoilé, ce qu’on montre et ce qu’on nous fait exhiber. Ainsi, dans l’un des clichés, les deux modèles se font face, assises à une table, vêtues d’un soutien-gorge et de bas en dentelle blanche. L’une est penchée vers l’autre, ses cheveux à foison devant elle. L’autre a sagement enroulé les siens dans un vase transparent.

Les cheveux enfin, qui forment toujours un masque et préserve l’anonymat. Cheveux coiffés, en mouvement, mêlés ensemble dans un élan saphique. Souvent seul signe distinctif entre les deux modèles, (coiffés à l’identique, mais de couleur capillaire différente), avec également le vernis à ongle, sur certains clichés. Intéressant, car les cheveux et les ongles sont les seuls éléments du corps humains continuant à pousser quelques heures après la mort du corps… et que le prélèvement d’ongle ou de cheveux est une pratique courante dans la recherche de filiation par l’ADN.

L’artiste nous permet d’appréhender par son travail une approche personnelle du double en soi, du double à l’extérieur de soi : l’autre toujours étrange parce qu’intime.

Mathilde de Beaune

Doppelgänger de Céline Nieszawer

Du 8 novembre 2012 au 12 janvier 2013
Du Mardi au Samedi de 11h à 13h et  de 14h à 19h

Vernissage le 8 novembre, de 18h à 21h

NextLevel Galerie
8 rue Charlot
75003 Paris
M° Rambuteau ou Saint-Sébastien-Froissart

www.nextlevelgalerie.com

[Crédit photos : en haut, Céline Nieszawer, ‘Marie & Marie”, série Doppelgänger  2010 – 2011, courtesy NextLevel Galerie. En bas, Céline Nieszawer, ‘Circé et Circé”, série Doppelgänger  2010 – 2011, courtesy NextLevel Galerie]

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