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Two Gates of Sleep – film d’Alistair Banks Griffin

12 décembre 2011
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Two gates of sleep - Alistair Banks Griffin

Si vous ouvrez le numéro 670 des Cahiers du Cinéma daté de septembre 2011, vous y trouverez page 79 l’interview de trois génies issus de la génération new-yorkaise « Do it yourself », comme la nomme si justement la revue française sur sa couverture. Antonio Campos, Sean Durkin et Josh Mond sont les fondateurs de la maison de production ultra indépendante Borderline Films. Après l’aliénant Afterschool d’Antonio Campos et en attendant le sectaire Martha Marcy May Marlene de Sean Durkin, voici qu’arrive le spirituel Two Gates of Sleep d’Alistair Banks Griffin.  Ce qui rapproche avant tout ces trois films ? Non seulement un nouveau ton qu’ils ont réussi à insuffler dans le paysage du cinéma indépendant américain, mais aussi, et surtout, une image commune signée par le même chef opérateur Jody Lee Lipes.

Ces trois films pourraient à ce titre former une trilogie dite de l’enfermement où chacun des personnages principaux serait enfermé dans une bulle les aspirant vers un monde inconnu, les éloignant de la société moderne à travers des médiums tels que la vidéo, l’hypnose et la forêt.Tel est le cas avec Two Gates of Sleep, traité comme un voyage transcendantal magnifié par de longs travellings sublimement photographiés rappelant les clichés de Thomas Struth. L’image n’est pas seule puisque la musique bourdonnante des violons permet d’installer une atmosphère à la fois morbide et romantique, entrainant le spectateur vers des abîmes funestes et funèbres.

Deux frères pour un rêve ?

Le synopsis du film est aussi court que la durée du film (1h18), sans en dire trop sur les mystères qui l’entoure : A la frontière de la Louisiane et le Mississippi, deux frères entreprennent une expédition pour honorer la dernière volonté de leur mère. Voyage initiatique donc pour ces deux frères au caractère bien différents. Jack est un être fort et affirmé, proche de sa mère, tandis que Louis est en retrait et moins clairvoyant. Autour d’eux, Bess, leur maman, semble vivre dans un rêve, elle qui voit venir à grands pas la mort tout en se souvenant de son passé et de son ancien foyer ravagé par un incendie. Cette famille vit dans une société régie par d’autres règles inconnues de tous, mais qui pourrait bien trouver une connivence avec les cinq phases issues de la cosmologie des Wuxing. Le feu, le bois, l’eau, le métal et la terre sont en effet autant d’éléments que l’on retrouve au cours de ce périple mortuaire. Celui-ci ira même jusqu’à provoquer une confrontation frontale entre ces frères qui en viendront jusqu’aux mains.

Two Gates of Sleep n’est pas Two Gates to Sleep : il ne s’agit donc pas de deux passages pour accéder à un rêve, mais de deux rêves différents : celui de deux frères maintenant abandonnés de tous, livrés à eux-mêmes. Après plusieurs passages initiatiques, l’un sera touché par la grâce, l’autre par la foudre. À l’image de l’homme sauvage chassant sa proie, la dépeçant et la dévorant sans état d’âme pour survivre, jusqu’où iront donc nos faux-jumeaux ( ?) pour arriver à leur destination ? Et surtout, quel chemin devront-ils emprunter ? Là réside véritablement le mystère de ce film bien différent de celui d’un Gus Van Sant ou d’un Terrence Malick malgré les apparences. Rien qu’en cela, il vaut entièrement le coup d’être vu et d’être découvert sur grand écran.

Edouard Brane (Twitter: Cinedouard

Two Gates of Sleep

D’Alistair Banks Griffin

Avec Brady Corbet, David Call et Karen Young

Durée : 1h 18min

Sortie le 14 décembre 2011

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