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Dans l’enfer de Séoul : The Chaser

22 mars 2009
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Forcément référentiel, le premier essai de Na Hong-jin s’inscrit dans la lignée du cinéma de David Fincher et de la nouvelle vague coréenne, Bong Joon-ho en tête. Impossible de ne pas penser à l’enquête laborieuse de Zodiac, dans un climat délétère évoquant l’Amérique pluvieuse de Seven, ou le « vigilante flick » coréen de Park Chan-Wook sur sa trilogie vengeresse. Reprenant toute la mythologie du polar, Na Hong-jin plonge son récit dans un Séoul déliquescent, règne de la corruption et du vice criminel. Ainsi ses personnages d’ex-flics reconvertis proxénètes, de putes affables et de tueurs crypto-religieux, stéréotypes anti- manichéens du cinéma asiatique, ou sa trame galvaudée de chassés-croisés chronométrés. Mais à l’instar de Bong Joon-ho sur The Host, le réalisateur exploite toutes ces images de références au service d’une mise en scène sensitive et efficace. Car avant d’être une « bête de festival », caution de film de genre pour les cravatés de Cannes, The Chaser est un pur midnight movie.

 

Une atmosphère anxiogène

L’histoire, elle aussi balisée, d’une enquête limitée dans le temps et dans l’espace, permet au réalisateur d’insuffler une véritable intensité à chaque séquence. La perspective de la libération d’un suspect, ajoutée au confinement de l’action dans un environnement restreint offre une dimension quasi claustrophobique au récit. Caméra à l’épaule, Na Hong-jin suit les mouvements de ses personnages, des faces à faces psychologiques aux courses poursuites dans les rues labyrinthiques d’une “favela bourgeoise” sur les hauteurs de Séoul. Sans répit, le réalisateur étire le temps au maximum et distille un sentiment de menace insidieuse, tout en évitant l’écueil du polar stylisé et inepte comme A Bitersweet Life. Dans une atmosphère anxiogène, servie par une photographie poisseuse, Na Hong-jin filme sans complaisance les forfaits criminels de son tueur, christ de pacotille obsédé par son impuissance récurrente. Ainsi cette scène hallucinée de la découverte, par la victime et en temps réel, de l’antre du tueur, sorte d’antichambre de l’enfer. Les parenthèses humoristiques, incisives et grotesques, plutôt que d’annihiler la tension du récit, servent au contraire à justifier les caractères pathétiques de ses protagonistes.

 

L’impossible pardon

Jouant sur l’ambivalence archétypale héros/gangster, Na Hong-jin parvient néanmoins à provoquer l’empathie pour ses personnages, enfants malades d’une société coréenne corrompue. Une collusion d’histoires et de parcours intimes, où tous sont motivés par la rédemption. Rédemptions de ces filles de rue qui souhaitent arrêter, de ce proxénète qui recherche sa dernière part d’humanité ou de ce tueur prêt à se confesser, et qui culminent dans un climax final nihiliste et sans possibilité de pardon.

Romain Blondeau

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