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« Notre Terreur », la Révolution face à nous-mêmes au Théâtre de la Colline

3 octobre 2009
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Pourquoi « Notre Terreur » ? Parce que cette pièce qui parle de la mort de Robespierre révèle des failles qui traversent aussi notre propre système politique aujourd’hui. De vagues allusions aux trucages des urnes, aux déchirures internes des courants politiques, à l’extrémisme de la défense des valeurs qui conduit à verser le sang humain… A travers l’histoire des débuts balbutiants de la République, la pièce parle de l’humain, elle expose les dérives individuelles d’hommes qui deviennent fous par appétit du pouvoir tout en montrant comment chaque homme, poussé par les meilleures intentions, peut finir par commettre des actes ignobles et par faire échouer les plus beaux projets de l’humanité.


Les débuts balbutiants de la République


La mise en scène rend compte de cette rencontre entre événements historiques décisifs, idéaux humanistes d’une grande importance et fragilité humaine de manière très efficace. Tout commence par un monologue étourdissant expliquant la situation de Robespierre devant se défendre face à la foule, foule qui, semblable aux conceptions de Hobbes, devient un animal grondant et soufflant, duquel émerge parfois un homme parlant pour le corps ainsi formé, toujours susceptible des mouvements les plus violents, les plus incontrôlés.


Après cette introduction monumentale, à la hauteur du sujet abordé, la pièce alterne entre moments de vie quotidienne réalistes et moments tragiques sublimés par une mise en scène déconcertante. On découvre le comité de salut public cacophonique en pleine réunion, en costume très XXe, les uns parfois parlant en même temps que les autres, bafouillant, hésitant, mais aussi mangeant, fumant, buvant.


Entre sobriété et démesure


En parallèle à ces moments de la vie quotidienne, dans lesquels nous sommes plongés comme par voyeurisme (les gradins sont disposés tout autour de la table, comme si nous regardions par le trou de la serrure), émerge des moments grandioses venant souligner le texte, les idées abordés ainsi que l’évolution de l’action. Un article de journal accusant le comité est « slamé », la folie de Robespierre évoqué par un retour de Danton chanté par un contre-ténor accompagné d’un violoncelle, la préparation de Saint-Just à la guerre évoquée à grand coup de galops autour de la table, un grand coup de rideau rouge venant parfois ponctuer quelques accusations… C’est comme si la mise en scène relativement sobre et réaliste la plupart du temps explosait tout d’un coup à plusieurs reprises, comme si la pièce était prise de moments de folie, à l’image de ces hommes nourris de valeurs qui finissent par agir en fous sanguinaires.


Cette mise en scène binaire permet d’aérer un texte très beau par moment mais très difficile aussi. A la fois sobres et démesurés, les choix scéniques sont toujours justifiés et donne du rythme à cette pièce au sujet profondément historico-philosophique. Interprétée par des acteurs tout à fait à la hauteur de ce décalage, la pièce, telle un petit bijou précieux, nous envoûte et nous absorbe du début à la fin, dans son univers singulier.


Chloé Goudenhooft



Notre Terreur
création collective d’ores et déjà
mise en scène : Sylvain Creuzevault
avec : Samuel Achache, Benoit Carré, Antoine Cegarra, Éric Charon, Sylvain Creuzevault, Pierre Devérines, Vladislav Galard, Lionel Gonzalez, Arthur Igual, Léo-Antonin Lutinier


Petit Théâtre
du 16 septembre 2009 au 09 octobre 2009
du mercredi au samedi à 21h, le mardi à 19h et le dimanche à 16h
01 44 62 52 52


La Colline – théâtre national
15, rue Malte Brun 
75980 Paris Cedex 20 
métro Gambetta

 

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