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Derniers remords avant l’oubli – Théâtre Le Proscenium

21 avril 2011
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DERNIERS REMORDS AVANT L'OUBLI

Quinze ans après, Hélène flanquée d’Antoine, son nouveau mari et de leur jeune fille ainsi que Paul venu avec Anne, rendent visite à leur ami Pierre, celui qui est resté et avec lequel ils devront s’entendre pour décider du sort de cette maison qui leur fut autrefois commune. C’est bien d’incommunicabilité dont il s’agit ici malgré les retrouvailles d’amis qui s’entendaient si bien et qui s’aimaient, on n’en doutera pas. Cet argument cache des enjeux, révèle des non-dits et fait que le spectateur immergé dans leurs retours passionnels sur eux-mêmes cherche à découvrir ce que dissimulent ces personnages aux drames intimes.

La Cie Kéops propose une version à double résonance de Dernier Remords avant l’Oubli de Jean-Luc Lagarce et nous rend témoins de ces êtres qui semblent communiquer entre eux puisqu’ils ont tout pour le faire mais qui au final sont des taiseux même lorsqu’ils s’invectivent.

Avec cette version bien particulière de la pièce de Lagarce, l’auteur est confondu. Voilà sa propre stratégie révélée : il refuse visiblement que des personnages réunis pour se parler se causent, eux qui pour mettre les choses au point et les points sur les i concernant la vente d’une maison autrefois achetée en commun, s’obstinent aujourd’hui à ne pas s’écouter !

« Il ne faut pas confondre l’apparence de la réalité avec la réalité même — justifie Christian Canot — metteur en scène inspiré. C’est le remords et c’est le passé que je devais mettre en scène et non pas l’anecdote proposée : vente, retrouvailles difficiles. Il m’a fallu dire combien l’image du passé ou sa représentation semble sacrée à ces amis retrouvés et montrer qu’ils veulent coûte que coûte la conserver chacun à leur manière. »

Mdicis-8224_Bis_GroupeOn aimera les jeux entre cinéma et plateau de théâtre : certaines scènes filmées sont projetées en « cyclo », elles montrent pourtant des sentiments entre les personnages, sentiments qui n’existent plus lorsque comme jaillis de l’écran ceux-ci apparaissent sur scène. Pierre et Paul, par exemple, ont à l’image des regards qui ne trompent personne sur la relation affective qui les a unis jadis. Le paradoxe est que les personnages muets sur la toile (cinéma) semblent y exprimer cependant davantage de volubilité que sur le plateau « En empruntant à la technique cinématographique, la vidéo qui imposait d’être plus généraliste, de ne faire ni dans le spectaculaire ni dans l’esbroufe, précise C. Canot. Rester sobre mais riche dans les mots, dépouillé dans la langue.

Dans cette confrontation de personnes engluées dans l’incommunicabilité, Christian Canot, en refusant de s’attarder aux faits recueille ce qui lui semble l’universalité de cette pièce à savoir qu’en fait, chacun au fond de lui-même se dit qu’il est dans le vrai.

A tour de rôle, pris dans un rai de lumière, chacun ira de sa justification devant les compagnons du passé et vis à vis d’eux-mêmes pour se convaincre chacun de sa bonne foi. Comme dans un tribunal fictif, chaque personnage se réfère à son seul passé avec le sentiment d’avoir raison. Les tentations de dialogues entre les personnages tombent à plat Il ne peut donc pas exister d’explications réelles puisqu’ils ne s’écoutent pas.

Les comédiens se sont accaparés ce texte avec beaucoup de bonheur. On découvrira une des premières prestations sur scène de Tatyana Alcide, aussi décalée que Christian Vurpillot qui a bien saisi son personnage plus gauche que bonimenteur loin des miasmes de tous et des plaintes affectives de Pierre (Thierry Brault) ou des émotions de Paul (Bruno Richy ou Gilles Pernet) autour de deux femmes touchantes (Monique Vérité et Corinne Ricard) qui s’épient et ne se pardonneront rien.

Patrick DuCome

Derniers remords avant l’oubli

De Jean-Luc Lagarce
Mise en scène de Christian Canot

Par la Compagnie KEOPS
Avec Monique Vérité, Christian Vurpillot, Tatyana Alcide, Corinne Ricard, Bruno Richy ou Gilles Pernet et Thierry Brault.

Jusqu’au 1er mai 2011
Du mercredi au samedi à 19h15 le dimanche à 15h15

De 9 à 14 euros
TARIF préférentiel : Artistikrezo : 9 € (il vous suffit de venir de notre part, et/ou d’imprimer cet article)

Résa : 01 40 09 06 77 – theatre.leproscenium@gmail.com


Théâtre Le Proscenium

2, Passage du Bureau, niveau 170
170, rue de Charonne – 75011 Paris
M° Alexandre Dumas

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