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Marcos Prado – Les Paradis artificiels – rencontre

30 octobre 2012
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marcos prado

Marcos Prado a produit Tropa de Elite, Ours d’Or à Berlin en 2008, et sa suite en 2010 ; deux films qui ont eu l’effet d’une bombe au Brésil. On y suivait alors le parcours d’un jeune commandant intègre du Bataillon des Opérations Spéciales de Police à Rio de Janeiro en pleine guerre contre les narcotrafiquants.

Mais Marcos Prado est à Paris pour une autre raison. Le 31 octobre 2012 sort sur les écrans français son premier film en tant que réalisateur : Les Paradis artificiels. Puzzle narratif, on y suit le destin tragique d’un jeune garçon de la classe aisée et d’une jeune dj sur fond de trafic de drogue à Amsterdam et de rave party brésilienne. « J’ai réalisé ce film pour mon fils afin qu’il ne soit pas influencé par les trafics de drogue si répandus au Brésil ». Sept ans, c’est le temps qu’il aura fallu à Marcos Prado pour monter ce projet entre la production de nombreux autres documentaires et œuvres de fiction. « J’ai 50 ans et il s’agit de mon premier film. J’ai encore tout à apprendre. Ma vie n’a été faite que de rencontres de bonnes fortunes. »

Favoriser le progrès social et le débat

Engagé, cet artiste brésilien l’a été depuis ses débuts en tant que photographe. Pendant plusieurs années, il traine dans les fameuses décharges de la banlieue de Rio à photographier les catadores, ces ramasseurs de déchets recyclables. « Les photos ne suffisaient pas, il fallait que l’impact de ces témoignages auprès du public soit plus fort. Le cinéma s’est alors présenté à moi. » Ami de longue date avec José Padilha, les deux hommes deviennent producteurs et fondent la société Zazen productions (en hommage à la posture principale de méditation assise de la pratique du bouddhisme).

Leur objectif : favoriser le progrès social et le débat. Après plusieurs documentaires sociaux (The charcoal people of Brazil (1998), Bus 174 (2002), Brazil’s vanishing Cowboys (2003)), Marcos Prado réalise Estamira (2004) qui fait sensation à travers le monde. Ce documentaire suit Estamira, une catadores schizophrène qui vit dans les décharges brésiliennes depuis plus de 20 ans. Marcos Prado l’a connu au grès de ses différentes rencontres. « Je n’étais jamais tombé sur une personne aussi charismatique Elle est décédée l’année dernière et était comme une seconde grand-mère. Elle était l’équivalente d’un Klaus Kinski dans un film de Werner Herzog ! Un réalisateur qui s’avère être une de mes plus grandes influences ».

La bombe « Tropa de Elite »

MARCOS_PRADO_E_JOS_PADILHALe coup d’éclat surgit pourtant quatre ans plus tard avec Tropa de Elite. Traité de fasciste par les journalistes brésiliens qui le découvrent au Festival de Berlin, ce film violent et dérangeant remporte un succès colossal au Brésil avec plus de 10 millions de spectateurs. « Le film a été mal compris par une partie de la population. Tout le monde nous a critiqués : la classe moyenne, la police, les militaires, le gouvernement… Ils nous ont même intenté de multiples procès que nous avons à chaque fois gagné. Pourquoi ? Parce que pour la première fois dans l’histoire du Brésil, nous avons mis le point où ça fait mal. Il n’y a rien à contredire quand on montre la réalité de la vie.»

Fort de ce succès, Marcos Prado et José Padilha, devenu réalisateur, mettent en boîte une suite qui ne fera qu’aggraver la situation. « Avec ce deuxième épisode, nous touchions un point délicat qui était la corruption au sein de la classe politique. Ma voiture était pare-balles et j’avais plusieurs gardes du corps. Mais nous avions atteint notre objectif, à savoir susciter une conscience collective. »

Trafic de drogue camouflé, corruption de la police, du gouvernement, de journalistes véreux, critique de la gauche radicale et des ONG malhonnêtes, tous en prennent pour leur grade. Normal de ne pas se faire des amis avec un tel discours. Les films remportent malgré tout un tel succès que la situation s’améliore au fil des ans. « Non seulement ces films ont permis aux policiers d’être mieux compris par la population et plus intègres, mais la corruption a régressé et les tueries entre gangs et forces de police ont nettement reculé. A l’époque, rendez-vous compte qu’elles représentaient plus de 40’000 victimes par an ! »

Une révolution sensorielle

Aujourd’hui, certaines favelas redoutables sont devenues des centres artistiques aux couleurs bohèmes et touristiques. La drogue n’est pas pour autant sortie de la conscience collective et sévit toujours. D’où la réalisation de ces Paradis artificiels. Avec ses scènes de trips psychédéliques et ses séquences érotiques, le film rappelle un certain cinéma contestataire des années 70 issu du Nouvel Hollywood. Et même si Easy Rider et Zabriskie Point ne sont pas bien loin, le cinéaste s’en détache clairement. « Il ne s’agit pas d’un film politique. Il s’agit davantage d’une révolution sensorielle. J’ai été influencé par les livres de l’anthropologue Carlos Castaneda et par les nombreuses raves parties organisées à travers le monde. »

Pour ses recherches, Marcos Prado a fréquenté nombre de ces manifestations à commencer par celle du Burning Man aux Etats-Unis, le Boom Festival au Portugal et le Universo Paralello au Brésil où se déroule son film. « Les gens ont malheureusement une image sclérosée de ces manifestations. Plus de 30% des 10.000 personnes qui la fréquentent sont des étrangers. Tous viennent pendant 7 jours pour se couper de la société, à la recherche d’une même libération individuelle. » Force est de constater qu’avec Les Paradis artificiels la réalité n’est pas si rose qu’elle en a l’air. Mais comme son réalisateur l’affirme : « mieux vaut prévenir que guérir. »

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De Rio à Hollywood

Marcos Prado n’en a pas pour autant fini avec le social et s’apprête à tourner un film sur le milieu des hooligans brésiliens qui s’entretuent à l’issu de matchs de foot, sport si populaire dans son pays. « Je ne vais pas le tourner tout de suite, histoire de ne pas le sortir en même temps que la Coupe du Monde de Football en 2014. Cela donnerait définitivement une mauvaise image du Brésil ! »

En attendant, son ami et collègue Pablo Padilla est parti tourné à Hollywood le remake de Robocop. Quand on lui demande si lui aussi souhaite un jour partir aux Etats-Unis, il ne rejette pas l’idée. Pour le moment, il est 12h45 et Marcos Prado ne cherche qu’une chose : une place pour écouter Laurent Garnier au Rex ce soir. Welcome to Paris. Welcome to paradise !

Edouard Brane
Twitter : Cinedouard

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