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La Grotte des Rêves Perdus – film de Werner Herzog

13 septembre 2011
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La Grotte des Rêves Perdus

Dans ce nouveau film de Werner Herzog, cinéaste au mysticisme revendiqué, tout commence par la découverte d’un trésor caché et préservé pendant 20’000 ans. Toutefois, ce n’est pas le butin d’un pirate sanguinaire qui émerge, mais une richesse bien plus profonde. C’est une voie ouverte vers la compréhension des mystères qui entourent les origines de l’humanité : des peintures rupestres vieilles de 36’000 ans, les plus anciennes jamais retrouvées.

Le 18 décembre 1994, lorsque les spéléologues Jean-Marie Chauvet, Eliette Brunel et Christian Hillaire s’aventurent par un étroit boyau dans la grotte qui prendra le nom du premier, ils ne s’attendent pas à découvrir de telles merveilles. Des ossements d’animaux préhistoriques jonchent le sol d’une grotte déjà magnifique sur le seul plan géologique. Plus loin, ils découvrent sur les parois les empreintes de mains des premiers hommes, des murs entiers recouverts de peintures d’animaux superbement conservées. Un trésor de culture humaine enfoui au cœur de l’Ardèche.

Cinéaste passionné depuis l’enfance par l’art préhistorique, Werner Herzog pénètre dans ce sanctuaire, dont l’accès n’a jamais été autorisé qu’à une poignée de scientifiques triés sur le volet, avec l’émotion de l’explorateur en train de faire cette prodigieuse découverte. La grâce, la légèreté, la puissance évocatrice des peintures fascinent sa caméra. Le livre-manifeste bien connu du peintre Vassily Kandinsky, fondateur du courant de l’expressionnisme abstrait, s’intitulait Du Spirituel dans l’Art. Or c’est bien dans une quête de compréhension de la spiritualité de l’humanité que se lance Herzog, en scrutant les parois de la grotte Chauvet : il tente d’interpréter les rêves de ces hommes qui y gravèrent les silhouettes d’animaux fougueux, qui en déposèrent sur la pierre les crânes, comme pour leur dédier des hommages rituels. Herzog écoute le silence de la grotte, et y décèle le recueillement d’une chapelle. Il y fait résonner les battements d’un cœur qui pourrait être le nôtre, ainsi qu’une musique aux accents sacrés. Il nous invite à partager cette émotion devant le mystère, et nous en transmet la passion, parce qu’il parvient heureusement à dépasser le cadre de la fascination béate pour s’amuser un peu avec son sujet. Ainsi l’on suit hors de la grotte un maître-parfumeur qui tente de découvrir d’autres cavernes aux merveilles grâce au fabuleux odorat qui fit sa renommée. On écoute un scientifique jouer l’hymne américain sur une flûte pentatonale taillée dans un os d’aigle, pour démontrer que le son est proche de celui d’un instrument aujourd’hui. On ricane avec Herzog qui constate que les Vénus de l’époque n’avaient pas les proportions des starlettes d’Alerte à Malibu.

C’est un plaisir supplémentaire que de voir enfin utilisé à bon escient la 3D, nouveau dada de tous les faiseurs de films en mal d’inspiration. Car grâce à ce procédé, Werner Herzog crée, consciemment ou non, l’une des plus belles initiatives de démocratisation culturelle que l’on puisse imaginer : sans abîmer ce lieu habituellement réservé à l’élite du monde scientifique, il convoque dans ce périple tous les curieux, touristes, et férus d’archéologie, pour peu qu’ils s’équipent d’une simple paire de lunettes adaptées. Intégrés à l’équipe cinématographique et scientifique d’Herzog, ils louvoient alors entre les rochers ; se faufilent précautionneusement sur les étroites passerelles destinées à protéger le sol fragile et précieux de la grotte ; lèvent la tête et se dévissent un peu le cou pour tenter d’apercevoir l’autre face du dessin de corps de femme tracé sur une stalactite.

Un hommage rendu à l’art rupestre avec d’autant plus de justesse qu’il en souligne le caractère précurseur, animé, presque déjà cinématographique. Les pattes des chevaux, qu’on pourrait entendre hennir, comme le souligne Dominique Baffier, semblent galoper ; les cornes des rhinocéros s’entrechoquer ; les lions feuler. Ainsi l’art et le spirituel sont toujours inextricablement mêlés dans l’objectif de la caméra d’Herzog : les origines de l’un et de l’autre sont explorées, nourries de réflexions passionnantes et d’analyses scientifiques qui montrent la volonté du réalisateur de percer à jour le mystère. Mais la beauté du phénomène est que l’énigme demeure insondable, chaque question résolue en suscitant une autre. Ainsi, ce beau documentaire séduira non seulement tout public un tant soit peu intéressé par l’incroyable destin de l’Humanité, mais il ne serait pas étonnant qu’il suscite également quelques vocations.

Raphaëlle Chargois

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La Grotte des Rêves Perdus

Film de Werner Herzog

Avec, dans leurs propres rôles : Werner Herzog, Jean Clottes, Dominique Baffier et Jean-Michel Geneste

Sortie le 31 août 2011

A découvrir sur Artistik Rezo :
– les films à voir en 2011

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