Morgane Tschiember – Rolls & Bubbles – galerie Lovenbruck
Comme à son accoutumée, Morgane Tschiember s’attaque à la peinture sans toile ni châssis mais avec un cortège de matériaux renouvelés, ceux de la construction : bois, verre et acier. Je dis volontairement « s’attaque », car la peinture est, pour tout artiste qui la respecte, une question qui relève de l’affrontement.
Avec les Rolls, série d’œuvres engagées tout récemment pour son exposition au CRAC de Sète, elle affirme elle-même chercher à « mettre la peinture en danger » en se frottant à l’hérésie, au mélange de la peinture à l’huile avec la peinture à l’eau. Défiant les lois de la physique, les deux matières non-miscibles se rencontrent à la surface de deux rouleaux d’inox tramé compressés l’un contre l’autre pour forcer le mélange qui, pourtant, résiste. De cette violence faite à la peinture par le frottement, l’écrasement mécanique, résultent comme des traces de lutte, les séquelles d’un dialogue de corps antagonistes à la communion impossible d’où seule la couleur sort vainqueur.
Face à ces rotatives absurdes qui ne produisent rien d’autre que la mémoire de leur contact, des protubérances paraissent éclore de socles laqués blancs à moins que, comprimées entre leurs parois, elles ne cherchent à s’en échapper. Ébauchée à l’automne dernier, cette série de Bubbles matérialise le souffle de l’artiste en des sphères dont la lascivité apparente n’est que feinte.
Issues d’une matière malléable en fusion, les bulles se sont figées dans un état proche de l’informe, ni réellement transparentes ni franchement opaques, elles sont subtilement colorées de reflets roses ou blancs. Là encore, la rencontre de deux matériaux, verre et bois, ne se fait pas sans heurts. L’un brûle l’autre tandis que ce dernier contraint le premier et que forme et contreforme se confondent. Le socle n’en est plus seulement un, il fait partie intégrante du processus de formation de l’œuvre : les globes sont soufflés contre lui et s’y insèrent autant qu’ilsy reposent. Et une fois encore, l’œuvre de Morgane Tschiember ne laisse pas de croiser peinture et sculpture en un même mouvement, un appel de la matière, troublé par l’attrait de la couleur, à moins que ce ne soit l’inverse…
Aude Launay
En début d’année, Morgane Tschiember (née en 1976, vit et travaille à Paris) a remporté le Prix Fondation d’entreprise Ricard en 2001 et a été lauréate du programme de Culturesfrance ISCP/Ateliers Newyorkais en 2009. Elle a récemment bénéficié d’une exposition personnelle, « Swing’nd Roll & Bubbles », au CRAC de Sète où a été, entre autres, produite l’œuvre monumentale Swing présentée actuellement à la fondation d’Entreprise Ricard. En 2012, le fonds national d’Art contemporain a fait l’acquisition de l’œuvre Unspecific Space (2010).
Morgane Tschiember – Rolls & Bubbles
Du 9 juin au 28 juillet 2012
Du mardi au samedi, de 11h à19h et sur rdv
Vernissage le vendredi 8 juin 2012, à partir de 18h
Galerie Loevenbruck
6, rue Jacques Callot
75006 Paris
A découvrir sur Artistik Rezo :
– Les vernissages organisés en juin 2012 à Paris
Articles liés

Orelsan et “Yoroï” : un nouvel art de se raconter
Avec Yoroï, Orelsan dépasse la musique pour façonner un univers cinématographique dense et personnel. L’artiste brouille les frontières entre fiction et réalité pour mieux se réinventer. Un tournant qui redéfinit sa place dans la culture contemporaine. Un peu plus...

“Détail d’un vase grec à figures rouges”, du théâtre déconstruit à l’Athénée
Ce spectacle n’est pas un spectacle. Ou peut-être que si ? En tout cas, ce n’est pas un spectacle. Inscrits avec humour dans une démarche de déconstruction de la représentation théâtrale, Flavien Bellec, Étienne Blanc, Clémence Boissé et Solal Forte...

L’adaptation du conte “Poil de Carotte” à l’Athénée Théâtre
À rebours d’une adaptation littérale du conte cruel de Jules Renard, Poil de Carotte, le trio Flavien Bellec, Étienne Blanc et Solal Forte s’appuie sur l’expérience de l’humiliation portée par le roman pour déconstruire la représentation théâtrale. Entre geste...





