0 Shares 1111 Views

Mademoiselle Julie – Théâtre de l’Odéon

18 juin 2012
1111 Vues
Mademoiselle Julie - Juliette Binoche - Théâtre de l'Odéon

 

Des gens modernes

Le drame de classe écrit par Strindberg en 1888 semble avoir été écrit hier, sauf peut-être pour la langue, très soignée, belle. Mais la modernité des problématiques psychologiques qui oppressent ou obsèdent les personnages nous frappe. L’identification est possible. L’humour très présent. La salle rit, s’identifie, c’est étonnant, profondément actuel. C’est d’ailleurs le parti pris du metteur en scène, Frédéric Fisbach, que de mettre cette modernité en avant. Il propose un intérieur d’architecture ultra moderne, et le bal donné par Julie pour ses domestiques avec qui elle danse, se mélange, s’apparente à n’importe quelle soirée d’ajourd’hui (playlist y compris). Les protagonistes du drame, Julie et son valet Jean, forment un duo électrique. Julie, morte d’ennui, perdue, abandonnée, est prête à tout pour exister dans les yeux de quelqu’un qui lui dicterait enfin qui elle doit être et la vie qu’elle doit mener. Jean s’impose comme la figure forte en ce soir de la Saint-Jean, où Julie « est vraiment folle », désaxée. C’est le drame d’une nuit, intemporel, entre deux êtres d’une classe sociale différente. Leur relation danse sur la perpétuelle oscillation du désir et du dégoût, de l’amitié et de la haine. Nicolas Bouchaud crée un Jean d’une passion complexe et charismatique, se confrontant à celle de sa jeune maîtresse ; leur combat d’égo nécessitait des comédiens à la hauteur.

Mystère

Le charisme y est, la justesse du jeu aussi, mais quelque chose manque… Le mystère. Oui, cette aura de mystère que entoure le personnage de Julie semble absent de la scène, absent. Or, Mademoiselle Julie regorge de mystères, malgré son exubérance et ses récits d’enfance, malgré ses questionnements partagés avec l’assistance, elle conserve une part de secret qui devrait apporter à sa présence cette singularité propre. La Julie de Juliette Binoche serait-elle trop légère, trop dans la démonstration ? La dualité du personnage est très bien approchée et comprise, les passages hystériques et rêveurs réussis, mais voilà, il a manqué le mystère qui confère une supériorité naturelle au personnage et provoque un choc plus intense à la fin.

Contre-point

Kristin, la cuisinière, officieusement fiancée à Jean, s’endort pendant la fête, laissant libre cour aux divagations et au drame psychologique qui vont se tenir en son absence. Son personnage interprété par Bénédicte Cerutti, donne un parfait contre-point aux deux êtres belliqueux qui l’entourent. Son réveil sonne le glas de la rêverie nocturne, des passions et du décloisonnement des classes. Elle impose un retour au respect, à la rigueur et aux bonnes meurs avec une simplicité d’une grande subtilité.

Une très bonne version de Mademoiselle Julie, même si quelques exigences seront peut-être déçues, beaucoup seront franchement dépassées. Nicolas Bouchaud est magistral. Allez-y, bientôt, la fin des années Py !

Nathalie Troquereau

Mademoiselle Julie

D’August Strindberg

Mise en scène de Frédéric Fisbach

Avec Juliette Binoche, Nicolas Bouchaud et Bénédicte Cerutti
 
scénographie et lumière : Laurent P. Berger // Costumes : Alber Elbaz pour Lanvin // Dramaturgie : Benoît Résillot 
Traduction : Terje Sinding // Collaboration artistique : Raphaëlle Delaunay

Du 18 mai au 24 juin 2012
Du mardi au samedi à 20h 
Le dimanche à 15h

Tarifs : de 6€ à 32€

Durée : 1h50

Théâtre de l’Odéon
Place de L’Odéon  
75006 Paris   

www.theatre-odeon.fr 
 

[Visuel : Christophe Raynaud de Lage]
 

Articles liés

“Artificial Dreams” : Une exposition inédite de la création artistique assistée par l’IA et les algorithmes dès le 16 mai au Grand Palais Immersif !
Agenda
192 vues

“Artificial Dreams” : Une exposition inédite de la création artistique assistée par l’IA et les algorithmes dès le 16 mai au Grand Palais Immersif !

Soutenue par Microsoft, “Artificial Dreams” est une exposition-performance inédite qui dresse un panorama de l’art génératif et de la création assistée par algorithmes et intelligences artificielles (IA). Un événement qui interroge les nouvelles pratiques artistiques de notre ère. À...

“De soi à l’autre”, le micro-format de la IVe édition du festival itinérant “Le Vivier” à la Bellevilloise !
Agenda
341 vues

“De soi à l’autre”, le micro-format de la IVe édition du festival itinérant “Le Vivier” à la Bellevilloise !

La Compagnie des CriArts vous invite pour un micro format du festival Le Vivier : édition IV, “De Soi à L’Autre” – une expérience artistique et sociale incontournable.  La Compagnie des CriArts est fière d’annoncer la quatrième édition du...

La galerie Skarstedt expose Cindy Sherman avec l’exposition “Cindy Sherman : Film Stills (1977-1980)”
Agenda
204 vues

La galerie Skarstedt expose Cindy Sherman avec l’exposition “Cindy Sherman : Film Stills (1977-1980)”

Skarstedt présente “Cindy Sherman : Film Stills (1977-1980)”, une exposition rassemblant 23 œuvres consacrées au travail précurseur de Cindy Sherman et qui explore des notions d’identité et de genre, dans lequel l’artiste se met en scène par le biais...