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Mohamed Bourouissa – All In – galerie Kamel Mennour

4 février 2013
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galerie Kamel Mennour

Mohamed Bourouissa définit en creux, par ses contours, notre modèle de société. Dans une relation critique à l’image mass-média, il prend pour sujet de ses photographies et de ses vidéos des personnes laissées pour compte à la croisée de  l’intégration et de l’exclusion. Dans la série photographique « Périphérique », il met en scène le quotidien des jeunes de banlieue en s’inspirant de la peinture d’histoire.

Il rompt néanmoins avec son esthétique léchée dans deux vidéos : Temps mort, un échange intimiste avec un détenu via des téléphones portables ; et Légende, dans laquelle des vendeurs de cigarettes de contrebande, qu’il a équipés de caméras cachées, filment leur activité. Plus récemment, avec « L’Utopie d’August Sander », projet mené entre Marseille et Gennevilliers, il a investi le monde des demandeurs d’emploi. Il leur proposait de devenir un monument en réalisant leur statue à l’aide d’imprimantes 3D.

Pour sa seconde exposition personnelle à la galerie kamel mennour, Mohamed Bourouissa aborde le thème de l’argent. Intitulée « All-in », elle reprend le titre d’une vidéo réalisée à l’occasion de Nuit Blanche pour la Monnaie de Paris, filmée dans les salons du Quai Conti et à l’usine de Pessac où sont frappées les pièces de l’euro. 

Construite comme un clip, cette œuvre est cadencée par la chanson « Fœtus » de Booba, l’un des tenants du rap français. Elle est aussi rythmée par les différentes étapes de la fabrication d’une pièce à l’effigie du rappeur, et s’achève par le déversement de cette pièce sur les vestiges d’une fête. Cette vidéo, alliance ponctuelle entre l’institution et l’une des figures de la contre culture urbaine, indexe, selon les termes de Mohamed Bourouissa, un « anarchisme libéral » où la réussite individuelle passe par l’argent comme paradigme de nos sociétés occidentales.

Les images de l’usine de Pessac introduisent dans le travail de Mohamed Bourouissa, certes de manière indicielle, la représentation du pouvoir. Elles constituent le point nodal d’une mise en tension satellitaire de relations à l’argent sur lesquelles se construit l’exposition. Le mobile « Un poids deux mesures », œuvre issue d’une collaboration avec l’artiste David Hominal, est à ce titre exemplaire. Deux images accrochées l’une et l’autre aux extrémités d’un bras tournoyant dans les airs s’opposent. À la froideur de la photographie d’une machine à frapper la monnaie répond, sous forme de calembour visuel, la peinture d’une patate exécutée dans une gamme de brun par de larges touches délibérément grossières. L’altération de l’expression populaire « deux poids, deux mesures » dans le titre de l’œuvre est signifiante. Elle pointe la relativité de la valeur de l’argent. Dans la salle adjacente, les deux photographies présentées, « Le Stock #1 » et « Agnès », rejouent la violence de cette dualité. La vue panoramique et monumentale du stock de monnaie de l’usine de Pessac, d’où toute présence humaine est bannie, est confrontée au portrait d’une jeune femme chichement vêtue comptant ses sous dans un intérieur suranné.

Dans la vidéo Le Produit, un homme debout en chemise cravate est appuyé contre un bureau. Le cadrage est serré, son visage n’apparaît pas. Il explique les mécanismes de son business, la vente d’un produit bio. Nous comprenons très vite qu’il s’agit de commerce illicite comme possibilité d’engranger du « blé ». Sa stratégie, la vente d’un produit de qualité au juste prix, le bon équilibre entre l’offre et la demande, est propre à toute activité commerciale.

Mohamed Bourouissa n’a pas la prétention de dresser le réseau exhaustif et complexe des relations qui nous lient à l’argent. Il cherche avant tout à pointer son attractivité et son pouvoir comme moteur et modèle d’intégration, de réussite mais aussi, dans une dimension dichotomique, la force et la violence de sa capacité à exclure. Avec le jeton à l’effigie de Booba, vendu deux euros à Nuit Blanche, ici cerclé dans une plaque de métal et raréfié dans une édition limitée, il n’exclut pas l’art de cette problématique. Tout en évitant l’écueil de la réprobation morale qui accompagne souvent ce sujet tabou, il indexe une constellation de situations qui laisse au sens une articulation plus large.

Mohamed Bourouissa (Né en 1978, vit à Paris).

Son travail a été présenté au sein de nombreuses expositions personnelles et collectives en France comme à l’étranger entre autre: au Centre Pompidou (Festival Hors Pistes 2013), au Musée d’art moderne de la Ville de Paris, au Palais de Tokyo, à la Galerie Édouard Manet à Gennevilliers, au Palazzo Grassi – François Pinault Foundation à Venise, au MAXXI à Rome, au New Museum of contemporary art à New York, au Philadelphia Museum of Art, au SCAD d’Atlanta, au Finnish Museum of Photography d’Helsinki, au Muzeum Sztuki à Lodz, au Foto Museum à Rotterdam, à la Nikolaj Kunsthal de Copenhague, au KW Institute for Contemporary Art de Berlin ainsi que dans le cadre de la Biennale de Berlin et de la dernière Biennale internationnale d’art contemporain de Venise.

Mohamed Bourouissa expose actuellement au sein de l’exposition “Ici ailleurs” (Friche de la Belle de mai, Marseille) à l’occasion de Marseille 2013.

Mohamed Bourouissa – All In

Du 2 février au 16 mars 2013
Du mardi au samedi, de 11h à 19h

Vernissage le 2 fevrier 2013

Galerie Kamel Mennour
47, rue Saint-André des Arts
75006 Paris

www.kamelmennour.com

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