Germinal, d’Halory Goerger et Antoine Defoort au 104
Germinal De Halory Goerger et Antoine Defoort Du 4 au 19 mars 2014 Tarif plein : 25 € Le 104 |
Quatre personnages, propulsés sur un plateau quasi vide, ont deux heures pour tout réinventer. Une aventure jubilatoire, orchestrée par Halory Goerger et Antoine Defoort. “Germinal n’a aucun rapport avec le roman d’Emile Zola. Quoique.” Ce post-scriptum mutin des Belges Halory Goerger et Antoine Defoort donne le ton de leur dernière création : fausse gravité et légèreté trompeuse. En inventifs maîtres du jeu, ils catapultent leurs personnages dans une épopée toquée, métaphore de la construction de l’homme dont ils ont redistribué les cartes, se délectant du brouillage des repères et des décalages. Une ambition démesurée qui ne se prend pas au sérieux. Quoique. Le néant, ou le noir. Puis des flashs lumineux. Sur un plateau quasi nu, trois garçons et une fille s’appliquent, en silence et chacun pour soi, au maniement de consoles de mixage. Soudain, l’un des jeunes hommes marque un arrêt : un bouton de sa tablette n’active aucun projo. A la place, des mots s’inscrivent sur un panneau, en fond de scène : ses pensées projetées en lettres, comme par une futuriste télépathie. Plus qu’une découverte, c’est un big bang : l’acte de naissance de cette communauté ultra réduite, dont l’univers se résume au plateau : huit mètres sur dix. “On va pouvoir dialoguer”, s’enthousiasme Ondine. “Mais alors… je suis moi !” s’alarme Antoine. Communication, conscience de soi : l’humanité commence là. Près de deux heures durant, on va assister à son éveil. Par où commencer quand tout reste à faire ? Langage, science, sociabilité, sentiments : Antoine Defoort et Halory Goerger inventent un dispositif ingénieux et inattendu, pour une double métaphore ; l’acte théâtral, dont la naissance et la fin sont ici signifiées, est aussi une allégorie de l’histoire de l’homme. Mais dans ce monde miniature qui reste à construire, les règles du jeu sont passées à la roulette numérique et scénique : l’électricité précède l’invention du feu ; le micro ou la guitare celle de la roue. Nos quatre premiers Hommes ne s’étonnent de rien. Les découvertes s’enchaînent. Il faut faire vite : ce monde-là ne durera que le temps d’un spectacle. Après la découverte du texte (ou de la pièce), des premiers compromis (qui aura la meilleure place ?) vient celle de la voix. Comme une première lecture. On ferme la glotte, “essaye pour voir… bouge les lèvres”, et les mots jaillissent “c’est tout bête, en fait”. Bientôt vient le chant, et puis comme une envie de classer cet environnement pourtant pas large : nos héros choisissent deux catégories : ce qui fait “poc poc” quand on le frappe, et ce qui fait pas “poc poc”… Disques durs dont on aurait effacé la mémoire vive, ces quatre explorateurs en jeans-tee-shirt de l’espace théâtral découvrent amplis et ordinateur, manuel de construction du monde compris, sans ciller. Etrange et jubilatoire spectacle que celui de quatre contemporains partant de rien, consciences vierges évoluant dans un improbable vivarium 2.0, sous nos yeux aisément experts d’homo sapiens sapiens du XXIe siècle. L’absurde n’est jamais loin : métaphysique ou dialogues faussement ineptes cohabitent, créant des décalages comme autant de ressorts du rire. Un objet théâtral frais et créatif, mené sans temps mort. Un Germinal revigorant. Christelle Granja [Visuel : Germinal. Defoort-Goerger – Alain Rico] |
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