Violentes femmes : diptyque de récits au féminin
Violentes femmes De Christophe Honoré Mise en scène de Robert Cantarella Avec Pauline Belle, Florence Giorgetti, Pauline Lorillard, Nicolas Maury, Valérie Vivier et Johanna Korthals Altes Scénographie : Philippe Quesne Jusqu’au 15 février 2015 Tarifs : de 10 à 28 euros Durée : 2h10 Réservations au 01 46 14 70 00 Théâtre Nanterre-Amandiers
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Jusqu’au 15 février 2015
La pièce Violentes femmes est une exploration de la femme et/ou du féminisme par l’auteur Christophe Honoré. Quoique rentrée, diffuse et en mots de velours, la violence y est. Les deux partitions qui se donnent en parallèle ne se mêlent pas. D’un côté, l’une a trait à une tuerie qui eut lieu au Canada en 1989, perpétrée par Marc Lépine dans l’Ecole Polytechnique de Montréal. Le tueur voulait éliminer les femmes qui accédaient au savoir, il en tua quatorze avant de se suicider et après avoir laissé une lettre dans laquelle il explique que les féministes ont ruiné sa vie. L’autre partition est celle d’une femme qui raconte les apparitions de la Vierge Marie qu’elle eut en 1947, alors qu’elle était enfant, à L’ile-Bouchard, village de Touraine. Les récits se succèdent, s’entrecoupent. Pour le premier, une association de féministes reçoivent la mère de l’assassin pour l’interroger, discuter, essayer de comprendre ou l’agresser, comme par exemple en lui demandant comment elle a pu engendrer un tel monstre. Des dialogues se nouent, fondés sur le documentaire. L’autre récit tient entièrement sur un monologue, grand morceau où Florence Giorgetti excelle en illuminée au sommet du ridicule. Le meurtre et le miracle sont donc ici deux facettes qui se répondent en partant de deux histoires réelles. Elles viennent se réfléchir l’une et l’autre quant à la question de la pureté ou de l’impureté dite féminine, puis quant à la sacro-sainte vertu du sacrifice mais aussi la revendication exacerbée et le regard masculin. Concernant ce dernier, un homme, un seul, intervient et tombe dans les mains des féministes qui le déshabillent pour le vêtir en femme et lui faire ressentir cette appartenance à l’autre sexe. Plus tard, en tailleur et chaussures fines, il incarne longuement Romy Schneider à travers une scène troublante et forte, pour laquelle Nicolas Maury atteint une impressionnante tonalité. Côté jardin, la scène est occupée d’un côté par une longue table, des chaises, un atelier où se fabriquent des statuettes, puis un arrêt de bus en plexiglas qui donnera lieu à une scène érotique par transparence. Côté cour, se dresse une haute sculpture indéterminée, glacier ou totem, pouvant également faire penser à une chaire et posée sur un plateau tournant où le manège de la féminité est mis l’air de rien à rude épreuve. Le spectacle s’appuie sur sa nature volontairement hybride. Les histoires vraies qui le composent ne se répondent pas directement et l’ajout de Romy Schneider s’effectue également selon cette notion de tissage sans trame logique. L’actrice, qui décline un pan de sa vie amoureuse, y est elle-même ambigüe mais ce surgissement n’est pas sans déranger, car s’il débouche sur un texte fort, il n’en repose pas moins sur le ton péremptoire de Christophe Honoré. C’est là, dans le non-dit de l’auteur, que le spectacle trouve ses limites. Car l’auteur, aussi pertinent soit-il quant à sa structuration d’écriture, se place à mi-chemin entre l’observateur et celui qui se livre à un déplacement d’introspection. Biaisant avec lui-même, il s’empare de femmes ayant existé, il les triture par sa subjectivité et sans être totalement impliqué, il ne cesse d’être là, plantant son propre regard sans oser s’engager. Derrière cette parole très dense, il juxtapose des notions de féminisme, il violente des images et finalement se réfugie derrière des faits sans oser ni se montrer ni se cacher. Le paradoxe crée un flottement que le compagnonnage passionnant avec le metteur en scène Robert Cantarella ne peut éviter, malgré des émotions et de hauts moments de jeux. |
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