Rigoletto : carton plein pour l’Opéra Bastille
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Rigoletto De Giuseppe Verdi Mise en scène de Claus Guth Avec Michael Fabiano, Quinn Kelsey, Olga Peretyatko, Rafal Siwek, Vesselina, Isabelle Druet, Mikhaïl Kolelishvili, Michal Partyka, Christophe Berry, Tiago Matos, Andreea Soare, Adriana Gonzalez, Florent Mbia En alternance à 19h30 ou mardi 10 mai à 20h30 Du 11 avril au 30 mai 2016 Tarifs : de 5€ à 210€ Réservation en ligne ou au 08 92 89 90 90 (0,34 mn) Durée : 2h35 (un entracte) Opéra Bastille |
C’est peut-être en souvenir de Jérôme Savary, clown génial mais pas triste, qui avait monté Rigoletto en 1996 à l’Opéra de Paris que le metteur en scène allemand Claus Guth a choisi de dédoubler le héros, un bouffon de roi. A l’instar du « Roi s’amuse » de Victor Hugo que Verdi admirait, son librettiste Piave rédige un portrait en action et en réantion du personnage principal en transposant l’histoire dans le duché de Mantoue. Comme Hugo, Verdi reçut aussi d’ailleurs l’interdiction de la censure en 1832, et l’oeuvre ne fut autorisée à être représentée que cinquante ans plus tard. La force de cet opéra, porté par l’immense talent du compositeur, réside dans l’humanité blessée du héros, moqué par une noblesse corrompue contrite de vanité. Dans cette production, Rigoletto ouvre une boîte de Pandore pour y retrouver les ombres de son passé, toujours vivantes. Vieux, décati, clochard terrestre au nez rougi et aux yeux cernés de noir, c’est sur le double muet de Rigoletto, incarné par un comédien formidable, que s’ouvre le spectacle avec le magnifique prélude dont la répétition entêtante du motif annonce déjà la malédiction du personnage. Ce double donc va ouvrir une boite de Pandore, qui est celle de ses fantômes. La mise en scène se poursuit donc par cette mise en abîme d’un monde disparu, celui d’une noblesse affairiste et corrompue qui précipitera Rigoletto dans l’abîme. Nous restons donc dans une boite, un gigantesque emballage de carton ondulé qui servira de décor (Christian Schmidt) au bal du Duc de Mantoue où ce dernier fera la connaissance de Gilda, la fille de Rigoletto.
Dès lors, c’est bien d’une trahison filiale dont parle cet opéra qui ne parle pas d’autre chose que de passion, de fidélité, de trahison et d’orgueil blessé. Verdi est amoureux de théâtre autant que de musique, et sa musique n’est que théâtre. La partition, romanesque à souhait, se suffit à raconter l’histoire de RIgoletto, un bouffon du pouvoir ridiculisé par tous, et surtout par celui qui lui prendra sa fille, le Duc de Mantoue. Le ténor Michael Fabiano incarne le Duc, physique de play-boy et voix qui se chauffe progressivement jusqu’à une aisance et une musicalité impeccables, dans un costume branché de trentenaire cocaïné. Sa cour, qui vire progressivement à la parade de Crazy Horse au deuxième acte (image un peu lourde) apparait délibérément contemporaine. Le pouvoir est dérisoire et vain, surtout quand il se moque de l’honnêteté. Il n’y a ni ors, ni fioritures dans le décor dépouillé de cette production, mais la distribution vocale mérite son pesant d’or. Quinn Kelsey se révèle bouleversant dans le rôle titre, timbre d’une chaleureuse densité, profondeur des harmoniques. Son humanité blessée, sa solitude désespérée sont d’une bouleversante simplicité rendue palpable dans le rapport salle scène de la configuration théâtrale. Dans le personnage de Gilda, en robe de fiancée toute blanche, Olga Peretyatko atteint des sommets de beauté vocale, avec une finesse délicate dans les piano et une tenue prodigieuse des trilles qu’elle module avec une douceur soyeuse de bel cantiste accomplie. Cette cantatrice fait vibrer le public conquis par sa sensibilité, sa beauté et son talent de musicienne ! Dès lors, on pourra bouder quelques vidéos à la naïveté facile et des images un peu téléphonées. L’orchestre de l’Opéra de Paris est fort bien dirigé par Nicola Luisotti, et Verdi ainsi joué nous rend très, très heureux. Hélène Kuttner [ Crédit Photos : © Monika Rittershaus-Opéra National de Paris] |
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