Une Légère blessure qui hurle en silence au Rond-Point
Une Légère blessure De Laurent Mauvignier Texte : Éditions de Minuit Mise en scène d’Othello Vilgard Avec Johanna Nizard Du mardi au samedi à 20h30, dimanche à 15h30 Tarifs : de 12 à 29 € Réservation en ligne Durée : 1h10 Théâtre du Rond-Point M° Franklin D. Roosevelt |
Jusqu’au 27 novembre 2016
Femme en quête d’amour Elle prépare sa table d’invités avec la légèreté et la délicatesse avec lesquelles on prépare un repas de fiançailles, arrangeant les fleurs, choisissant les nappes, les assiettes, comptant les adultes et les enfants. Quel âge a cette femme à l’allure gracile et forte à la fois ? Dans cette salle à manger où figure un coin de sa chambre, son dressing et une table basse, la voilà qui trottine, se déshabille, se rhabille, essaye des robes et boit du whisky. Satin vert d’eau contre coton rouge, talons bleus contre escarpins fauves ? À qui parle-t-elle ? De ses amours inachevés, de ses amants de passage, de sa posture de célibattante ? Une jeune femme étrangère – de ménage ? – semble préparer les plats dans la cuisine. Hors champ, on ne la voit pas, mais elle est le récepteur de cette parole qui se confie, interroge, appelle, veut comparer, confier. Étrangère à elle-même On ne saura jamais si la jeune femme, étrange, derrière le rideau du quatrième mur de la scène, existe vraiment. Ou si cette femme se confie à son double étrange, étranger, le double d’elle-même. Dans la petite salle Roland Topor perchée tout en haut du Rond-Point, la comédienne se confie aux spectateurs dans un rapport d’une intimité inouïe, qui procède d’un uppercut direct ou d’une caresse de chat, sur des sujets superficiels ou très graves. Johanna Nizard porte ce faux monologue avec la superbe et l’élégance d’une grande actrice, dans une maîtrise totale de ce que l’on maîtrise le moins : l’amour, les blessures narcissiques, l’abandon, le sexe, l’argent. La bourgeoise qu’elle incarne, cambrée sur ses talons en robe sexy, bardée de certitudes comme d’autres ont des diplômes, révèle pourtant une blessure secrète, une enfance morcelée. La petite musique de nos angoisses Physique, le corps ancré dans une chorégraphie chaloupée, la comédienne nous invite à un drôle de voyage, où les mots, glacés, révèlent d’autres espaces mentaux ou rêvés. Comme dans un labyrinthe où la lumière manque, elle nous embarque à reculons sur son histoire familiale jusqu’à nous révéler l’inavouable. C’est une remarquable performance que de porter un tel texte à ce niveau d’exigence et d’incandescence. Les spectateurs s’en trouvent bouleversés. Hélène Kuttner [Photos © Giovanni Cittadini Cesi] |
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