L’Avare à l’ère des multinationales
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L’Avare De Molière Mise en scène de Jacques Osinski Avec Christine Brücher, Clément Clavel, Jean-Claude Frissung, Delphine Hecquet, Alice Le Strat, Alain Payen, Arnaud Simon et Thibault Vinçon Jusqu’au 15 janvier 2017 Du mardi au jeudi à 21h, vendredi 19h, samedi 15h et 20h30 Horaires variables en janvier 2017 Tarifs : de 10 à 30 € Réservation en ligne Durée : 2h Théâtre Artistic Athévains M° Voltaire |
Jusqu’au 15 janvier 2017
Dans une perspective très actualisée, Jacques Osinski monte la célèbre pièce de Molière dans un décor contemporain et dans une atmosphère de polar. Jean-Claude Frissung est un Harpagon saisissant de fragilité et de névrose à la recherche de sa “chère” cassette qui révèle la nostalgie d’une femme aimée et la précarité d’un monde où l’argent est roi. Noir comme un polar
Alors que Jacques Weber campait Harpagon la saison dernière dans une mise en scène plutôt comique de Jean-Louis Martinelli, Jacques Osinski plonge son personnage dans un univers délibérément sombre, glacé par la modernité technique et le monde de la finance. Entre chaque porte blindée, les personnages apparaissent et disparaissent comme des chats, glissant telles des ombres avec la discrétion d’espions et naviguant entre les strates névrotiques d’une paranoïa totale. On connaissait les soucis d’argent de Molière et ses rapports conflictuels avec son propre père. Jean-Claude Frissung incarne ici un vieil homme méfiant, amer et fragile, replié dans la coquille de sa famille et de son coffre qu’il étreint tous deux d’une main de fer. Pas de cassette dorée ni de jardin à la française façon XVIIe siècle. Ici, le coffre est savamment dissimulé dans une trappe murale, et c’est muni d’une lampe de poche de mineur qu’Harpagon, dans l’intimité jouissive d’une liaison amoureuse, tapote son code d’ouverture. Perdu par la mort de sa femme, transi d’angoisse de perdre son bien et sa famille, le vieil homme agit comme un enfant qui aurait peur de perdre son joujou vital. Dès lors, autour d’Harpagon, vieux fêlé qui terrorise sa progéniture, se dressent des personnages qui revendiquent tous d’exister à leur tour. Élise (Alice Le Strat) et Cléante (Arnaud Simon), ses enfants, manigancent à tout va, l’une avec son amoureux Valère (Thibaut Vinçon) qui fomente des coups, l’autre dans des débits d’argent à emprunter à crédit pour pouvoir se vêtir et séduire la jeune Marianne (Delphine Hecquet), produit d’appel que convoite Harpagon par le biais de l’entremetteuse Frosine (subtile Christine Brücher). C’est bien la problématique de cette pièce, l’une des dernières de Molière, de faire d’Harpagon un bourreau ou une victime. La mise en scène de Jacques Osinski oscille intelligemment entre les deux pôles, qui fait du personnage un pantin pitoyable, dépassé par le réel et le présent, délibérément têtu et puéril, ridicule et pathétique. Alors que son valet La Flèche (Clément Clavel) l’embobine comme un jeune banquier, seul Maître Jacques (Alain Payen), tour à tour cocher ou cuisinier – la même personne peut bien assurer deux emplois pour le même salaire ! –, reçoit les coups de bâton avec un dévouement fidèle, une tendresse intacte pour son maître malade. Trop vieux pour se révolter de son traitement, et trop fidèle pour trahir son vieux maître. Quand la bonté humaine résiste à tous les serpents de la cupidité qui sifflent aujourd’hui plus que jamais sur nos têtes. Hélène Kuttner [Photos © Pierre Grosbois] |
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Jusqu’au 15 janvier 2017
Noir comme un polar
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