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Karin Viard déménage dans “Vera” au Théâtre de Paris

12 mars 2018
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© Tristan Jeanne-Valès

Dans le rôle de Vera, wonder woman surpuissante qui gère son agence de casting comme elle le fait du turnover d’aides-soignantes autour de son vieux père, Karin Viard est formidable d’énergie et d’effronterie réunies. Élise Vigier et Marcial Di Fonzo Bo ont monté la pièce de Petr Zelenka dans une scénographie très imagée, à l’image du zapping à la télévision. Un spectacle efficace, puissant, drôle, dans l’adaptation de Pierre Notte, qui est un témoignage en direct de notre monde individualiste et carnivore.


Wonder woman

Petr Zelenka est un dramaturge et scénariste tchèque. Le monde qu’il décrit, autour du personnage de Vera, une directrice d’agence de casting survoltée, moulée dans sa robe en zigzag rouge, des nattes platine collées autour de la tête, ressemble à une foire d’empoigne ou un ring de boxe, où il faut beaucoup respirer avant d’être envoyé K.-O. C’est la loi du « marche ou crève », un miroir éclatant du « business » adopté par la nouvelle République tchèque qui joue à fond la loi de l’offre et de la demande pour embaucher des gens et débaucher le personnel en un quart d’heure. Vera (Karin Viard) n’a pas le temps de souffler car elle a fait fusionner son agence avec un gros groupe londonien. Pour exister au top, elle ment, vire, injurie, manipule, dissimule, jusqu’à accepter de faire passer une jeune actrice pour une call-girl, pour les besoins d’une star de cinéma.

© Tristan Jeanne-Valès


Multiplication des décors et des personnages

À part Karin Viard qui joue Vera de son apogée à sa décadence, deux heures durant, tous les acteurs interprètent plusieurs personnages. Les costumes et les perruques sont changés rapidement, la vidéo, très présente, multiplie les plans, en noir et blanc ou en couleur, pour diffracter l’image ou l’accélérer, donnant ainsi au spectateur l’impression d’un vertige scénique qui fait se parasiter le virtuel et le réel. Helena Noguerra, Lou Valentini, Pierre Maillet, Marcial Di Fonzo Bo et Rodolfo de Souza composent une galerie de personnages plus vrais que nature, burlesques et touchants, qui gravitent pour le meilleur et pour le pire autour de Vera. Acteurs cabots, figurants crève-la-faim, paternel socialiste et amant impuissant, assistante survoltée et docile comme un chien, tous sont broyés et méprisés par l’héroïne dont le désir de puissance et de réussite n’a d’égal que sa déchéance.

© Tristan Jeanne-Valès

Une fable cruelle

La pièce, qui multiplie les points de vue et les séquences à la manière d’un Fassbinder, dessine une société en forme de cirque cruel, farcesque, délirant, qui s’achève dans une décharge publique où vient échouer Vera. On ne révélera d’ailleurs pas toutes ses aventures, car le rire ici, rabelaisien et caustique, côtoie souvent la mort. Bien sûr, la mise en scène a tendance à rallonger inutilement certaines scènes en forçant le trait, mais le jeu des comédiens, l’engagement total de Karin Viard, généreuse, monstrueuse mais tellement vivante, sont totalement réjouissants. On rit, on est effrayé, on s’interroge : quel est ce miroir tendu par Vera ? Est-ce le nôtre ?

Hélène Kuttner

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