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Les passions magnifiques de Tourgueniev au Déjazet

Hélène Kuttner 12 mars 2018
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© Michel Cordou

Dans une toute nouvelle traduction de Michel Vinaver, Un Mois à la campagne d’Ivan Tourgueniev est monté au Théâtre Déjazet dans une mise en scène éblouissante d’Alain Françon. Anouk Grinberg, Micha Lescot et India Hair sont parmi les magnifiques acteurs de ce spectacle qui embarque tous les cœurs.

Un Marivaux moderne

© Michel Cordou

Avant Tchekhov, Tourgueniev a su peindre les tourments des hommes et des femmes de la Russie du XIXe siècle, bourgeois esseulés et inactifs face aux paysans qui se faisaient fouetter dans les domaines de leurs maîtres. Amoureux de la France et d’une Française, c’est l’auteur le plus proche des écrivains naturalistes, de Flaubert et de Zola. Son héroïne, Natalia Petrovna, est une Bovary russe, et la pièce a d’ailleurs été censurée et traînée dans la boue par la critique, jusqu’à ce que le grand metteur en scène Stanislavski la monte à Moscou. Dès lors, c’est un classique aujourd’hui redécouvert dans une nouvelle et fraîche traduction de Michel Vinaver qui magnifie l’esprit, l’humour et la totale liberté de parole de ces dix personnages en quête d’eux-mêmes.

Casting formidable

© Michel Cordou

Des toiles peintes (Jacques Gabel) aux couleurs pastel, rose, vert, ocre, figurent les vieux murs d’une grande maison de campagne dans la belle lumière de Joël Hourbeigt. Un banc, un canapé, peu de meubles, mais des acteurs formidables. Anouk Grinberg, enveloppée dans une robe fourreau de coton blanc (costumes très réussis de Marie La Rocca) incarne Natalia, une maîtresse de maison romanesque qui s’ennuie et passe son humeur taquine sur son ami et confident Rakitine, amoureux de la belle, mais qui ne tarde pas à s’apercevoir qu’elle a les yeux ailleurs. Micha Lescot nous régale de son personnage de dandy d’une élégance folle, qui passe son temps à philosopher sans jamais passer à l’action. Anouk Grinberg est tour à tour insupportable et attendrissante, acide ou pitoyable, géniale de sincérité et de rouerie face au tsunami sentimental que provoque l’arrivée du jeune Beliaev.

Une tempête dans un verre d’eau

© Michel Cordou

Une gueule d’ange, une innocence angélique et une gentillesse à convertir le Diable, le tout jeune Alexeï Beliaev, joué par l’épatant Nicolas Avinée, est celui par qui le scandale arrive. Précepteur de Véra, la fille adoptive de Natalia, qu’incarne une sublime India Hair, il ne se rend pas compte qu’il déclenche chez la jeune fille un amour naissant et chez Natalia une passion foudroyante, doublée d’une féroce jalousie à l’égard de sa jeune rivale. Naturellement, comme chez Marivaux, on souffre, on frémit d’amour sans jamais passer à l’acte, mais on est maître de son discours. Les dialogues de Tourgueniev naviguent entre mélancolie et cruauté, entre la comédie et le drame, brillants et piquants. La mise en scène d’Alain Françon est tout à la direction d’acteurs, tous formidables, en nous les rendant proches et justes, d’une sincérité moderne, intemporelle et absolue. Quel beau spectacle !

Hélène Kuttner

 

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