“Le Triomphe de l’amour” aux Bouffes du Nord
© Pascal Gély
Sur un plateau bucolique, Le Triomphe de l’amour révèle en réalité les échecs cuisants de l’amour dès lors qu’il se pare de masques et de tricheries. Cette comédie entre soupir désabusé et rire franc plonge le public dans un marivaudage classique.
En ouverture de la pièce, le contexte et l’intrigue sont exposés longuement par le personnage principal, alias Phocion, une jeune femme travestie en homme qu’interprète avec prestance la comédienne Leslie Menu. La malicieuse androgyne explique qu’elle recourt à ce stratagème afin de séduire le bel Agis et le soustraire à un lieu de retraite. Mais pour cela, il lui faut conquérir Hermocrate et sa sœur Léonide, qui sont les tuteurs du prince désiré et gardiens du lieu en question. Ils ont créé un enclos philosophique et paisible, où ils vivent loin des mondanités en s’étant juré de ne plus s’occuper d’amour afin de se tenir loin des folies et désastres qui vont avec. Dans un cabanon entouré d’herbes folles et d’un ruisseau que l’on imagine aisément, ils vivent modestement, devisant et évitant tous les sujets de conversation et objets de tentation qui désordonnent l’esprit. Ils se croient définitivement guéris des élans du cœur et égarements des sens, mais il suffit de bien peu pour que leurs résolutions s’effondrent.

© Pascal Gély
Phocion s’emploie sans limites à séduire le frère et la sœur afin qu’ils l’autorisent à entrer et même demeurer quelque temps dans leur domaine dédié à la concorde. Experte en la matière, la jeune menteuse pousse loin le procédé tant et si bien que tout ce petit monde, qui voulait être sagement à l’abri de l’amour, se retrouve pris à son piège des pieds à la tête. La surenchère à la supercherie n’en finit pas et chacun au final se retrouve dépité.
Denis Podalydès, qui régulièrement passe à la mise en scène, s’attache ici à rester au plus près du texte et à fournir une version délibérément académique de Marivaux. L’ensemble compose un ouvrage de belle facture avec une équipe de comédiens rusés, servant les mots dans un phrasé parfait. Les domestiques s’en donnent à cœur joie et ouvrent des parenthèses de rire, tandis que les amoureux dupés sont exquis dans leur confondante naïveté.
Cette pièce, avec tous les ingrédients habituels de Marivaux, nous révèle la subtilité du jeu amoureux avec sa dose de cruauté, et le metteur en scène, accompagné d’Éric Ruf à la scénographie, la cerne et la dissèque avec l’esprit raffiné du XVIIIe siècle. On y sent la volonté de ne pas l’entraîner dans des ressorts qui pourraient presque s’apparenter à Feydeau, tant les situations équivoques et les quiproquos sont énormes pour les spectateurs d’aujourd’hui. Semblant vouloir éviter un risque de lassitude car les ficelles de Marivaux frisent à notre époque le ridicule, on se retrouve soudainement avec la chanson Plaisir d’amour ne dure qu’un moment…, romance certes contemporaine de Marivaux, mais aux accents néanmoins désuets. Au final, on peut penser que ce sont les adeptes de Marivaux pur jus qui seront incontestablement séduits par cette pièce autour de l’amour qui n’a de triomphe que le nom.
Émilie Darlier-Bournat
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