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Agrume, peintre et narrateur d’histoires éphémères

Jade Vigreux 22 avril 2020
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Subtilement, ses œuvres se fondent dans l’environnement urbain et interrogent sur le rapport que l’homme entretient avec le vivant. Rencontre avec Agrume, artiste pluridisciplinaire à la poésie singulière. 

Ton œuvre est principalement faite d’autoportraits ; pourquoi vouloir s’auto-représenter ? 

Tout d’abord et simplement pour une raison pratique. C’est parfois compliqué, lorsque l’on débute dans le figuratif, de trouver des modèles ; l’auto-représentation est donc venue assez naturellement. Avec le temps, mon image n’incarne plus mon être, mais davantage un personnage récurrent, un motif qui caractérise mon style artistique. C’est aussi une question de cohérence ; le travail de création est, par définition, une sorte de projection de soi-même et de son caractère. 

© Alban Rotival

Un peu comme les Romantiques, l’art te permet de véhiculer tes émotions ? 

Complètement. Même si je n’ai pas commencé à peindre dans cette intention particulière, cela est assez instinctif d’évoquer ses propres ressentis. Ma parole me semble plus juste, notamment lorsque je me fis à mon vécu et à mes sentiments présents pour traiter de certains sujets.

La nature est le thème central de tes œuvres ; pourquoi l’oiseau est-il si omniprésent dans ton travail ? 

Avant tout, représenter les rapports entre l’humain et le vivant est ce qui m’intéresse le plus. Je trouve que notre relation à la nature devient de plus en plus difficile et, en peignant, j’essaye de replacer l’humain dans un rapport, plus humble, au vivant. L’oiseau est quelque chose de très vulnérable, d’éphémère ; son envolée est rapide et son passage insaisissable, j’aime la poésie qu’il dégage. Lorsque je le figure mort, je fais échos à certaines réalités écologiques ; le vivant n’est plus respecté et le nombre d’oiseaux ne cesse de diminuer. C’est une disparition silencieuse sur laquelle je veux insister. 

Quelles sont tes sources d’inspirations, tes références ? René Magritte peut-être ? 

Elles sont très vastes. C’est autant des choses visuelles qu’auditives, des lectures, des impressions… Un mélange assez dense ! Quand je développe une image, j’essaye de créer du sens, des symboles, un peu comme Magritte effectivement, auquel on m’a déjà rapporté, mais ce n’est pas le but recherché. 

© Alban Rotival

On retrouve une ambivalence dans ton travail, entre la douceur, l’univers du songe et ce qui relève de l’angoisse. Que peux-tu en dire ? 

Ma personnalité est elle-même dans cette espèce de dualité. J’aime cette contradiction, cette proximité entre le rêve et la peur ; je pense que les choses sont toujours nuancées, un personnage ne peut être tout blanc ou tout noir. Je me plais à peindre des éléments qui se répondent sans cesse puisque, dans le monde qui nous entoure, tout est formé de cette manière. 

Il y a un an, tu présentais ton exposition Temporel. Quel rapport ton art entretient avec l’idée du temps ? 

Le temps est quelque chose qui est inhérent à chaque être humain et, en même temps, chacun à sa propre perception de son écoulement. La temporalité est finalement la composante de mon travail. J’apprécie ce qui est fugitif, ce qui ne dure pas, je trouve qu’il y a une grande beauté dans les choses éphémères, tel que le papillon. Le temps me ramène également aux concepts du souvenir et de la mémoire, une dimension qui me passionne tout autant. 

© Alban Rotival

As-tu un parcours artistique classique ? 

Pas vraiment, dans le sens où je n’ai pas fait d’études artistiques. J’ai toujours été assez lunaire et sensible en réflexion ; l’art me semblait le moyen le plus accessible pour exprimer ces émotions. De l’illustration, j’ai évolué vers la peinture, et à force d’exigence envers moi-même, j’ai acquis une plus grande technicité et une meilleure cohérence entre le fond et la forme. Mon vocabulaire graphique s’est enrichi en même temps que je me suis diversifié dans mes approches. 

Qu’est-ce que t’apporte l’espace urbain en termes de potentialités artistiques ? 

Je me suis mis à la réalisation de collages dans la rue, afin d’être davantage au contact des publics, de toucher des personnes qui ne se rendraient pas habituellement dans les galeries. J’aime l’idée de déposer mon collage et laisser se faire les choses ; l’usure, le regards des passants… On peut aussi retrouver des supports et des luminosités extrêmement variées en fonction des lieux ; j’aime adapter la transparence de mes collages au cadre environnant. L’art urbain peut être une façon de renouveler la façon dont nous nous inscrivons dans notre réel.

© Alban Rotival

En tant qu’artiste, comment vis-tu les contraintes d’isolement actuelles ? 

Malgré toutes les incidences négatives, je pense que l’enfermement est propice à la réflexion et peut beaucoup apporter aux artistes en termes de créativité. En ayant la chance d’être confiné à la campagne, j’essaye de tirer profit de ces instants si particuliers ! 

Plus d’informations sur l’artiste, site internet et Instagram

Propos recueillis par Jade Vigreux 

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