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Bonheur rêvé au musée Maurice Denis

Fatma Alilate 11 octobre 2021
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Le musée Maurice Denis © Fatma Alilate

Le musée Maurice Denis vient de rouvrir après d’importants travaux de rénovation financés par le Département des Yvelines.

Le peintre Maurice Denis (1870-1943) est le principal théoricien du mouvement nabi, né à la fin du XIXe siècle, en réaction à l’impressionnisme et à la peinture académique. Les Nabis – “prophètes” en hébreu -, interprètent les émotions, une intériorité, le Divin. Ils sont considérés comme les précurseurs de l’art moderne : simplification des formes, lignes décoratives, couleurs en aplat, cloisonnement des motifs. Pour Maurice Denis, la peinture est une création de l’esprit : “Il ne faut pas reproduire la nature, il faut la représenter, – par quoi ? Par des équivalents plastiques.” Le musée est installé dans un ancien hôpital royal pour indigents édifié au XVIIe siècle, par Madame de Montespan. C’est en 1914 que Maurice Denis acquiert l’ensemble de la propriété avec son jardin qu’il nomme Le Prieuré.

Institut médico-pédagogique “Les Grillons du Prieuré” dirigé par Bernadette Denis de 1945 à 1973 © Archives privées

Une maison d’artiste devenue musée

Après des aménagements, la famille du peintre s’installe dans la demeure. Maurice Denis conçoit des œuvres, reçoit des artistes, des élèves. Il constitue aussi une collection d’œuvres de ses maîtres (Gauguin, Redon, Delacroix…) et également de ses amis artistes. Après le décès du peintre en 1943, Bernadette Denis (1899-1987), une de ses filles, qui a été son modèle pour nombre de tableaux et de photographies, fonde et dirige une institution pour enfants. Les chambres sont transformées en dortoirs, d’autres pièces en salles de classe.
En 1976, le musée est créé à la suite d’une importante donation de la famille du peintre au Département des Yvelines. Inauguré en 1980, l’édifice, classé au titre des Monuments historiques, est entouré d’un jardin verdoyant, à flanc de colline. Labellisé depuis 2017 Maison des Illustres, le musée présente par des cartels les fonctionnalités des pièces de la maison familiale.
À l’accueil-billetterie, nous sommes dans les anciennes cuisines ; dans l’escalier monumental à double révolution, une immense photographie invite à “entrer” dans la bibliothèque du peintre. Ces correspondances sont enrichies par des tablettes digitales à thèmes : l’historique du bâtiment, l’atelier, des photographies de famille… La variété des œuvres exposées (peintures, vitraux, pièces de mobilier…) rappelle la volonté des artistes Nabis de décloisonner les arts. C’est aussi la vie intellectuelle et artistique qui est évoquée par des œuvres de Sérusier, Ranson, Vuillard… L’exposition Maurice Denis, bonheur rêvé permet de découvrir le peintre en sa “maison”, au fil de sa vie et de son œuvre.

Vue du vieil hôpital, 1910 © Fatma Alilate

“Ce bonheur est un rêve”

Très croyant, Maurice Denis souhaite dédier son œuvre à Dieu. Il s’affirme face à ses parents par le choix d’une vocation qui ne relevait pas de son milieu familial, il impose également son mariage. De l’enfance – jeunesse à la Seconde Guerre mondiale, nous découvrons l’évolution de l’œuvre, ses sources d’inspiration et les lieux d’habitation, à Saint-Germain-en-Laye. Toute une partie du parcours est consacrée aux années Prieuré où le peintre vécut les trente dernières années de sa vie. Par une palette lumineuse et onirique, le “Nabi aux belles icônes” révèle les maternités, l’enfance, la femme… Après un voyage à Rome, le peintre opte pour un nouveau classicisme. Décorateur reconnu, il réalise de nombreux décors profanes (Théâtre des Champs-Élysées, Petit-Palais, résidences privées…) et religieux (Vincennes, Le Vésinet…).

À l’étage du musée, la peinture monumentale L’Éternel Printemps est un véritable décor retiré de son emplacement d’origine. Désormais, sont présentées en miroir La petite Eve de Rodin et La Valse de Camille Claudel. La vie a apporté du bonheur au peintre, ses peintures ont été ses “plus beaux rêves”. Sa passion amoureuse avec Marthe Meurier (1871-1919) l’a beaucoup inspiré ; il a été comblé et très entouré par ses enfants et petits-enfants. Maurice Denis a peut-être réalisé tous ses rêves dont l’achat du “vieil hôpital”. Mais le choix du titre de l’exposition fait écho aux épreuves : sa première épouse – la Muse de ses toiles -, a été malade de longues années. Il a fallu surmonter des moments douloureux. Le bonheur a été plus souvent rêvé que vécu, l’art est devenu un refuge : “Cette pensée consolante qu’un peu de beauté se manifeste ainsi dans notre vie.”

L’Éternel Printemps : La petite Eve de Rodin et La Valse de Camille Claudel © Fatma Alilate

Cette nouvelle exposition rend hommage à Maurice Denis dont la vie est intimement liée à son art. La visite de la chapelle du musée est incontournable. Cette œuvre intimiste a été restaurée par Auguste Perret qui a dessiné le plan du chœur et les boiseries. Plusieurs élèves des Ateliers d’Art sacré (fondés en 1919 par Maurice Denis et George Desvallières) ont participé à la réalisation du décor. La terrasse du jardin est parsemée de sculptures de Bourdelle et mène à l’atelier construit dès 1910 par Auguste Perret ; il sera prochainement restauré et ouvert au public. Des marches permettent d’accéder au Théâtre de verdure où a été déposé L’Eté sans bras, une sculpture de Maillol, un des amis de Maurice Denis qui venait souvent au Prieuré, la maison du peintre devenue musée.

Fatma Alilate

Le Catalogue Maurice Denis, bonheur rêvé sous la direction de Fabienne Stahl, publié en co-édition avec la Réunion des Musées Nationaux – Grand Palais, présente l’ensemble des œuvres exposées et des documents inédits sur l’intimité de Maurice Denis. 160 pages, 120 illustrations, 25 €. Préface d’Éric-Emmanuel-Schmitt, parrain du 150e anniversaire de Maurice Denis.

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