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Condamnation judiciaire de l’artiste Clet suite à une plainte de la voirie de Douarnenez. La pilule ne passe pas pour le street artist

Malgré l’engouement dans le monde entier pour le street art et la forte notoriété de l’artiste Clet, la voirie du secteur de Douarnenez dans le Finistère a porté plainte, en décembre dernier, pour dégradation volontaire des panneaux de signalisation. Clet vient d’être condamné, le 10 mars 2022 à une amende par le tribunal judiciaire et la pilule ne passe pas… L’artiste a fait appel de cette décision.

“En réalité cette plainte n’est que la partie émergée de l’iceberg, localement, une lutte acharnée et méthodique est menée contre mon travail depuis quelques années, mes interventions hors agglomérations sont systématiquement enlevées avec un zèle ignorant le moindre doute.
Le doute au contraire est pour l’artiste un carburant essentiel car il questionne. La société change et évolue en permanence, chaque nouvelle génération a la nécessité de donner aux anciennes habitudes des formes qui leurs correspondent mieux, l’ordre établit n’est pas immuable. L’artiste, tel un outil révélateur perçoit ces évolutions, parfois les anticipe, il les formule en tous cas.
Évidemment, la nouveauté face aux habitudes obstinés, des fois ça cloche, et cette rencontre avec la justice est probablement une étape obligée.
C’est en tous cas une excellente occasion pour se confronter ouvertement et mettre les cartes sur table.” – Clet

Clet explique que lorsqu’il commence sa recherche sur le thème des panneaux de la route en 2010, son intention est en aucun de nuire aux conducteurs et s’impose deux règles
fondamentales : ne jamais faire de dégâts matériels et ne jamais empêcher la lecture du message originel.

Les autocollants en vinyle utilisés, plus coûteux, résistent mieux aux intempéries et ont surtout l’avantage de pouvoir s’enlever comme on enlève une chaussette, et ceci sans laisser la moindre trace contrairement aux autocollants papier qui peuvent laisser ensuite sur le support un amalgame de colle et de papier pratiquement indélébile.

L’artiste s’applique à ne pas couvrir plus de 15% de la surface totale des panneaux car dans une situation de stress ou d’urgence, l’œil comme le cerveau, tendent à synthétiser une information afin de n’en saisir que l’essentiel. Dans ces conditions, l’autocollant n’est tout simplement pas perçu, exactement comme s’il n’existait pas…

La détérioration n’est pas le cœur des installations de Clet mais plutôt la revalorisation du sens de ces panneaux de signalisation dont les messages qu’ils véhiculent manquent cruellement de profondeurs et par conséquent de considérations, ce qui n’est pas à leur avantage. La démarche de Clet est d’épouser leur contenu pour le plaisir de multiplier leur impact, de s’associer au contexte pour l’exalter, utiliser la créativité plutôt que l’agressivité.

“Mes adhésifs confèrent une unicité, esthétiquement et intellectuellement à chaque panneau, apportant ainsi une solution idéale pour rompre la monotonie et réveiller l’intérêt des conducteurs.”

Clet offre et associe à ces panneaux, aux ordres sans concession ni discussion possible, une pointe d’humour, de poésie et d’ironie. Une bonne occasion pour créer un lien là ou il y a le plus souvent un refus et de permettre une meilleure digestion de l’ordre imparti.

Le premier objectif d’un panneau de la route est d’être bien visible, d’où ses couleurs vives, formes géométriques nettes et une esthétique qui se doit d’être tranchante avec le contexte pour être remarqué. Cette signalétique est “communication” et si cette communication passe mieux, c’est la sécurité qui progresse, en particulier hors agglomération où le contraste esthétique est le plus dur et la vitesse à le plus besoin d’être tempérée.

Clet prend pour exemple les ronds-points qui, en rase campagne, provoquent la sensation désagréable d’un travail inachevé, en complète inadéquation avec le paysage.
Le fait de les rehausser et de les valoriser d’œuvres d’art en cohérence avec le code de la route, n’en ferait-il pas un lieu de culture ?

“L’homme à inventer l’art car il lui est indispensable, c’est l’occasion d’anticiper et de raconter librement un autre monde, lucide, avant les paradis artificiels. Devant une œuvre qui nous parle, on est finalement quelque chose de plus qu’un animal ou un robot, on est moins seul, on est moins nul, l’horizon s’élargit. Et mon art parle, à en juger l’engouement populaire qu’il génère, car c’est un art à la portée de tous, dédié en particulier à ceux qui quotidiennement n’y ont pas accès, à ceux qui en on donc le plus besoin.”

C’est toujours étonnant d’assister au fossé qu’un service public peut avoir avec son public, comme ici la voirie avec les automobilistes, car il suffirait d’être un tant soit peu attentif au retour de la population locale, ce qui de la part d’un service public devrait être la moindre des choses, pour découvrir que la grande majorité apprécient honnêtement mes interventions, ça ne suffit pas à les justifier bien sur mais ça interroge. Ainsi il ne faut pas s’étonner que le street art soit l’expression artistique de notre époque.

Il n’y a que des bonnes raisons pour que l’art s’insère dans le code de la route, pourvu bien sur, que cela se fasse dans l’attente d’une meilleure sécurité. Le travail de Clet s’inscrit dans cette démarche, de façon irréversible, vu le soutien populaire spontané et naturel qu’il déclenche.

Une chose est sûre, les panneaux de signalisation sont imparfaits vu le nombre d’accidents de la route, vouloir les améliorer est donc légitime, ne pas le vouloir tient de la paresse, ou pire !


Vanessa Humphries

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