“Mur Mure” à la Michodière : un régal de comédie romantique
Laurence Arné et Clovis Cornillac dans "Mur Mure" © Émilie Brouchon
Et si les murs nous aidaient à vivre et à nous aimer ? Si vivre caché nous permettait de mieux nous entendre, de mieux nous comprendre ? Partant d’une situation de cohabitation difficile, Lilou Fogli imagine un quatuor de personnages en quête d’eux-mêmes et de reconnaissance amoureuse, tout en partageant la même solitude affective. Jérémie Lippmann met en scène de manière savoureuse cette brochette de quadras névrosés où triomphent Clovis Cornillac et Laurence Arné.
Face au mur
Quand Machine, la jeune et jolie pianiste, s’installe dans son nouveau deux pièces parisien au 5ème étage sans ascenseur, elle ne se doute pas qu’un voisin maléfique, Machin, ne lui laissera pas une minute de paix. Des bruits bizarres, une catapulte, un véritable orage sonore traversent les murs dès qu’elle souhaite dormir, se reposer ou travailler. Bon, l’appartement est fait de bric et de broc, et les cloisons ressemblent à du papier crépon. Mais quand le cadre d’un tableau vient à pivoter, elle s’interroge sur le bien fondé de son installation et sur nature des fantômes qui viennent la hanter. Elle s’est pourtant persuadée d’être capable de vivre seule, alors qu’elle vient de fuir son mentor de compagnon, un musicien autoritaire et possessif censé la préparer aux concours de musique. Et quand elle se met à jouer du Chopin, voila que son voisin se met à hurler comme une bête ! A travers ce mur, qui agit comme une caisse de résonance, Machin rugit comme un lion en cage, et comme s’il ne supportait ni voisinage, ni présence qui puisse perturber sa solitude et sa misanthropie.
“On se voit mieux sans se voir”

© Émilie Brouchon
Laurence Arné, Machine, et Clovis Cornillac, Machin, campent ces deux personnages à l’opposé l’un de l’autre, mais qui sont tous deux à la recherche d’une vraie relation. La blonde comédienne déploie sa silhouette longiligne dans le joyeux décor signé Jacques Gabel, à gauche un deux-pièces bohème et féminin, à droite un studio aux créatures et aux inventions psychédéliques inquiétantes. Le décor est donc coupé en deux et séparé par un mur, ce qui fait que les comédiens ne se voient jamais. L’une, virevoltante et gracieuse, cherche le compromis et l’accord tacite avec ce voisin rugissant, l’autre, sauvage et râleur, ne supporte aucune promiscuité humaine. Clovis Cornillac excelle dans ce personnage de misanthrope bougon, critique de notre modernité, qui refuse même de sortir faire les courses. Seul son vieux copain, joué par Arnaud Maillard, lui monte sa pitance quotidienne.
L’amour à travers un mur

© Émilie Brouchon
La pièce de Lilou Fogli interroge nos paradoxes et nos névroses quotidiennes. Car ces deux là, comme le soleil et la lune, vont finir par se parler, par se désirer, et par s’aimer. Le mur, obstacle à la communication visuelle, fait naître paradoxalement un flux de paroles et un intense besoin de communiquer, fonctionnant comme la contrainte qui va aiguiser la surprise et le désir. Ces deux solitaires, qui tiennent autant à leur liberté qu’à la sincérité d’un lien unique, vont trouver par la musique et l’idéalisme un chemin vers la rencontre charnelle. Tirée du film Un peu, beaucoup, aveuglément, la pièce est très drôle et remarquablement interprétée, Lilou Fogli campe la sœur hystérique et possessive et Boris Terral le mentor fou. Jérémie Lippmann orchestre avec délice ces situations au burlesque détonnant et à la folie revigorante. C’est une vraie réussite.
Hélène Kuttner
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