Hommage à Berthe Weill, dénicheuse de talents au Musée de l’Orangerie

Cette saison, le musée de l’Orangerie nous invite à faire la connaissance d’une galeriste hors-pair, féministe et audacieuse : Berthe Weill. Et quelle découverte !

Berthe Weill, un nom bien inconnu du grand public. Pourtant, c’est grâce à elle que nous connaissons aujourd’hui si bien les noms Amedeo Modigliani, Émilie Charmy, Henri Matisse ou encore Pablo Picasso. En effet, c’est bien elle la première à avoir levé le voile sur ces artistes talentueux en qui personne ne croyait.

Crédit photo : Camille Dupont

Berthe, avec son œil artiste, son analyse précise et ses fameuses lunettes rondes a été une figure majeure de l’émergence de l’art moderne au XXème siècle. Son mot d’ordre « Place aux jeunes » a rythmé sa carrière : elle a su aller chercher et donner leur chance à ces artistes inconnus, sans reconnaissance, trop novateurs ou marginaux. Elle exposera de nombreuses artistes féminines, comme Suzanne Valadon et Jacqueline Marval, œuvrant à rendre aux femmes la place qu’elles méritent dans la sphère artistique.

Entourée de cette nouvelle génération d’artistes et avec la volonté de moderniser le monde de l’art jugé trop conservateur, Berthe Weill essuie bien des critiques et autres petits scandales. Lors de l’unique exposition de Modigliani de son vivant, en 1917, les nus peints par l’artiste font scandale à la galerie d’une certaine Berthe Weill … Les moeurs sont bafouées, les visiteurs sont offusqués, la police intervient et tous les nus sont décrochés. Mais ce n’est pas ce qui fera renoncer la galeriste …

«Monsieur le Commissaire vous «ordonne» d’enlever ce nu !
– Tiens ! Pourquoi ?»

Extrait du livre Pan, Dans l’œil …

Crédit photo : Alice Hanisch

D’une salle à une autre, l’audace de Berthe nous saisit et nous captive. Elle fait preuve d’une détermination à chaque épreuve : les difficultés économiques, les critiques. Et si, dans ce milieu si bien gardé par les hommes, on ne lui faisait pas une place ? Tant pis, elle la prendra seule ! Elle écrit, dans son livre Pan ! Dans l’œil …, ou trente ans dans les coulisses de la peinture contemporaine publié en 1933 :

«Avec 50 francs, je m’installe, et, pour ce faire, bien entendu, m’endette afin de payer les frais indispensables à l’ouverture d’un magasin : situation brillante comme on le voit ; mais il n’y a plus à reculer. Qu’est-ce que je risque ? de ne pas tenir ? Je tiendrai !!!»

Nous nous baladons dans les salles d’expositions comme nous nous baladerions dans le musée de sa vie : les différents lieux dans Paris lui faisant office de galerie, des photographies d’elle-même et de son cercle d’amis artistes lors de soirées déguisées, des dizaines d’œuvres d’art qu’elle a surement été la première à juger et même ses lunettes, posées simplement dans une vitrine. Pour une fois, ce n’est pas celle qui expose, c’est elle qui est exposée. Cette exposition est une ode à sa pugnacité, à sa force de caractère et à son travail.

À travers ce voyage dans sa carrière, Berthe Weill donne aux femmes d’aujourd’hui une leçon de courage et de détermination : prenons notre courage à deux mains et prenons les rênes de demain.

Le musée de l’Orangerie lève le voile sur un grand nom du marché de l’art en France et le fait avec brio. Nous nous souviendrons maintenant du grand nom de Berthe Weill.

Berthe Weill. Galeriste d’avant-garde, Par le Musée de l’Orangerie, en collaboration avec le Grey Art Museum de New York et le musée des beaux-arts de Montréal.

Exposition à voir jusqu’au 26 janvier 2026, au Musée de l’Orangerie.

Alice Hanisch