0 Shares 1722 Views

Claire Tabouret – L’île – Galerie Isabelle Gounod

16 décembre 2011
1722 Vues
Claire Tabouret - L’île - Galerie Isabelle Gounod

Les images sont aujourd’hui contenues dans un flot ininterrompu, charriant tout et son contraire. Claire Tabouret s’installe sur la rive et pose ses filets. Extraites de la masse mouvante, ses captures sont travaillées, recadrées, mises en parallèle avec d’autres jusqu’à devenir sujets à part entière. Les migrants agglutinés dans de frêles embarcations sont ainsi sortis du flux pour prendre place dans l’espace de la toile. Sans nier le hors champ historique, Claire Tabouret décale son point de vue pour y voir mieux. À la question de la compassion inévitable, elle répond par le portrait, donnant identité et regard à chacun. À celle du devenir des hommes, elle propose l’image d’un voyage inachevé, laissant la situation sur le fil entre la douleur de l’exil et la liberté rêvée. À cet instant, le mouvement est en suspend. L’eau est étale, l’embarcation immobile. Déjà ailleurs mais encore nulle part, les hommes passent d’un monde à l’autre sans un bruit.

Le voyage donne au temps une consistance, une matérialité inaccessible autrement. Le déplacement du corps – a fortiori par les voies maritimes – impose une lenteur salvatrice. Le temps d’exécution des œuvres de Claire Tabouret est long, a dessein. Inlassablement, les couches d’acrylique fluide sont apposées, le glacis donnant toute sa profondeur aux teintes. Le chevauchement des traits d’encre structure l’espace des dessins et l’accumulation des passages accentue la richesse des couleurs. Le rythme régulier et calme de la peinture n’est possible que dans la solitude et la liberté qu’elle offre. Il faut parfois s’isoler des regards derrière les pans de toile d’une tente, suivre seul une route la nuit tombée, faire un pas de côté pour se retrouver soi. Oser être nulle part pour être présent au monde.

Isolée du continent, l’île est à la fois un espace clos aux frontières non négociables et le refuge du naufragé. Entourée d’eau – ici élément intrinsèque du voyage et masse envahissante – elle est un lieu riche de toutes les évasions possibles. Point de départ de l’exil ou aboutissement de la traversée, elle est le lieu ultime alliant contraintes d’espace et liberté de temps. Entre chien et loup, les tableaux de Claire Tabouret proposent de s’y échouer pour un instant infini.

C. Taillandier, octobre 2011

Claire Tabouret – L’île

Du 7 janvier au 28 février 2012
Du mardi au samedi de 11h à 19h

Vernissage le 7 janvier à partir de 16h

Galerie Isabelle Gounod
13, rue Chapon
75003 Paris

www.galerie-gounod.com

[Visuel : Claire Tabouret, Le Passeur, 2011. Acrylique sur toile. 200 x 250 cm. Photo Irwin Leullier. Courtesy galerie Isabelle Gounod]

Articles liés

« Terrasses » : le chant des morts et des vivants de Laurent Gaudé à la Colline
Spectacle
116 vues

« Terrasses » : le chant des morts et des vivants de Laurent Gaudé à la Colline

Le 13 novembre 2015, la salle de spectacle Le Bataclan a été le théâtre d’un massacre total perpétré par des tueurs jihadistes. Une centaine de morts, plus de quatre cents blessés, dans une salle bondée de 1200 jeunes gens...

“Le Dieu des causes perdues”, un spectacle poétique au Théâtre de l’Athénée
Agenda
111 vues

“Le Dieu des causes perdues”, un spectacle poétique au Théâtre de l’Athénée

Anna part à la recherche de son frère, Maxime, dont elle n’a plus de nouvelles depuis ses douze ans. En quête de signes, elle se lance dans une épopée initiatique mue par une seule question : quand l’absence et...

“Our People” : Frederick Ballentine & Kunal Lahiry explorent la résistance des communautés LGBT
Agenda
215 vues

“Our People” : Frederick Ballentine & Kunal Lahiry explorent la résistance des communautés LGBT

Inauguré en 1896, classé monument historique et réputé pour son acoustique exceptionnelle, le Théâtre de l’Athénée Louis-Jouvet compte parmi les plus belles salles à l’italienne de Paris. Il est connu pour son esprit laborantin, son goût des rencontres artistiques...