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L’Etudiant un drame de Darezhan Omirbayev

28 février 2014
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etudiant

L’Etudiant

De Darezhan Omirbayev

Avec Nurlan Baitasov, Maya Serikbayeva, Edige Bolysbaev

Durée : 90mins

Sortie le 5 mars 2014


L’action se déroule de nos jours dans un Kazakhstan, cette ancienne république de l’URSS grande comme cinq fois la France, en proie à la corruption et à la misère, double constante dans la quasi totalité de ces pays rendus à leur autonomie en 1991. Un étudiant commet une petite faute sur un tournage sur la personne d’une starlette et se voit molesté par un oligarque, compagnon de la donzelle. Humilié, offensé, il s’enferme dans une solitude de plomb. Désargenté, il finit par tuer l’épicier du coin et une cliente qui passait par là. Le sentiment de culpabilité va alors grandir en lui…

letudiant2L’ombre de Bresson

C’est le thème de l’argent qui sert de colonne vertébrale à tout le film. Cet argent dont Bresson avait tiré un film somptueux (inspiré d’un autre Russe, Tolstoï) et qui constitue une des œuvres préférées d’ Omirbayev. Cet argent qui dès la chute de l’empire soviétique après le putsch contre Gorbatchev en 91 va couler à flots pour ceux qui ont les sacs pour les ramasser. Ce symbole du capitalisme naissant dans cet empire désormais éclaté va suinter de partout dès la première séquence avec l’humiliation du personnage principal, avant de devenir la cause de son crime. Cet argent qui chez Dostoïevski est également très présent, tant dans son œuvre que dans sa vie (rappelons que le romancier écrivait pour manger et devait souvent fournir de la copie pour s’assurer le couvert, d’où cette écriture très syncopée et urgente qui constitue son style) car le 19e siècle russe connaît le capitalisme.

Avec un art consommé de l’ellipse, le cinéaste, qui qualifie lui même son travail d’antihollywoodien, laisse au spectateur le libre arbitre de son imaginaire, évitant ainsi une violence gratuite qui aurait parasité son propos. Il se focalise sur son personnage, ce Raskolnikov des temps modernes, auquel Nurian Baitasov apporte une présence à la fois très réelle et hors du monde. Tout ce qui tourne autour de lui est suggéré, les silences parlent avec autant d’éloquence que les grands discours, le détail est roi. Exactement comme chez Bresson, auquel Omirbayev rend d’ailleurs un bel hommage au cours d’une séquence. En revanche, lorsqu’il s’agit de dresser un état des lieux de la société kazakhe d’aujourd’hui, le réalisme s’impose dans toute sa cruelle vérité. Une société où les classes moyennes ont sombré dans la misère et sont devenues les larbins des oligarques. Dans ce juste dosage, le cinéaste réussit l’équilibre parfait.

Franck Bortelle

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[Visuel : ©Les Acacias]

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