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Blue Note de Levalet – Le Cabinet d’Amateur

Agathe Louis 6 décembre 2017
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Levalet n’est pas qu’interprète. Il cumule les rôles d’auteur-compositeur de thèmes aux lignes mélodiques tout aussi populaires que complexes. Ses partitions recèlent les contre-chants, couches sédimentaires de son propre vécu, de ses influences, de ses intuitions et de ses références. Empreintes de facétie et de réserve, les créations de Levalet ne se dévoilent pas au premier regard…

Sympathy for the blue devils

Un soleil de plomb, des plantations à perte de vue, des larmes de sueur, une voix entonne : « Le tempo, le tempo libère mon imagination »… Plus loin, un compagnon enchaîne : « Me rappelle que ma musique est née dans un champ de coton »… Un vibrant chorus s’élève, rempart et refuge dressés face aux idées noires et aux démons responsables de leurs bleus à l’âme, leurs blue devils. «Po-o Boy Lo-Ong Way F’Um Home. » Une guitare ou un harmonica joignent au chant leur son « rural », enrichissant la gamme musicale conventionnelle d’une note discordante, héritée des ancêtres, la « note bleue ». Celle-ci s’affranchira des codes et bouleversera – entre autres – le monde musical. Le blues allait briser ses chaînes et s’enraciner dans les métropoles, donnant naissance à de multiples pousses telles que le be-bop, « I don’t dig the word. It doesn’t mean anything, it’s just scatting like hi-de-hi-de-ho or se-bop-baty-iou », le jazz et son label historique Blue Note records, « The Lucky Label » et le rock, «The blues are the roots. The rest are the fruits. »

Où le polymorphisme du personnage Levalet révèle une nouvelle facette. Chineur de vide-greniers, déballages de rue ou centres Emmaüs, à l’appétit inassouvi de matériaux, muse de créations futures. Avec une prédisposition certaine pour les instruments de musique marqués par le temps, les doigts malhabiles et les accords maîtrisés. Il les accumule, les cajole, leur conte fleurette et au détour d’une idée, les promeut au statut d’œuvre d’art.

Le piano droit Pleyel 1877 récemment acquis en est l’illustration. Habité de musiciens aux talents multiples, il abrite en son sein une histoire dont le prochain chapitre restait à écrire. Et voilà notre homme parti à dépecer la bête… Touches et cordes, étouffoirs et marteaux, chevalets et caisse, table d’harmonie et plateau de clavier, tout élément démontable sera prélevé avec dévotion ; le casting, un line-up, sans concession. Tous et toutes au service du « facteur Levalet ». Chaque composant particulier apportera un supplément d’âme aux œuvres prochaines, tiendra son rôle de décomposition / recomposition.

« Bande-son de l’art moderne », blues et jazz se sont trouvé de nombreux compagnons de route. Au cinéma : Crossroads inspiré de la vie deRobert Johnson, O’Brother, Mississipi Blues ou Paris Texas pour le blues. Ascenseur pour l’échafaud, A bout de souffle, Les Liaisons dangereuses sont des temps forts des sonorités jazzy prisées des réalisateurs de la Nouvelle vague. Sur les cimaises, de Matisse à Haring, de Mondrian à Pollock, et bien d’autres encore, les peintres ont célébré l’esprit anticonformiste de cette musique. Les arts graphiques et la bande dessinée ont également révélé de belles complémentarités : Crumb vs Coleman, Cabu vs Cab Calloway, Muñoz et Sampayo vs Billie Holiday, Siné vs Armstrong, Louis Joos – artiste bruxellois dont l’atelier tient du studio d’enregistrement et qui interprète du Monk comme personne – vs Coltrane etc.

Son assemblage « Le griot » cligne de l’œil au romancier et poète guadeloupéen Ernest Pépin auteur du Griot de la peinture, roman sur la vie de Basquiat. Les pièces « Sacrifice » font écho à la performance d’Arman, co-instigateur du Nouveau réalisme, fracassant lors d’un vernissage en 1962, un piano droit à coups de masse pour ensuite en rassembler les débris constitutifs du tableau Chopin’s Waterloo, en signe de rejet de la musique dite « bourgeoise » à l’instar d’un Dali pour qui cet instrument symbolisait la décadence de l’art au service de l’oligarchie ! Le tableau « Bird’s Lament » est éponyme du morceau composé par l’ébouriffant « Viking de la 6e avenue » Moondog, en hommage posthume à son ami Charlie « Bird » Parker…

Levalet démontre as usual que, nonobstant sa passion, les fausses notes ne pourraient figurer qu’à son répertoire de musicien amateur, paraphrasant Thelonious Monk : « The piano ain’t got no wrong notes! »

La « Note bleue » de Levalet, c’est effectuer le pas de côté, celui qui désacralise et laisse entrevoir le monde sous un angle original et singulier.

Jean-Luc Hinsinger

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©Levalet

Levalet

Charles Leval, dit Levalet, est né en 1988 à Epinal. Il grandit en Guadeloupe, région où il entre au contact de la culture urbaine, puis des arts plastiques. Il poursuit ses études d’arts visuels à Strasbourg ; son travail, alors davantage tourné vers la vidéo, se nourrit d’une pratique théâtrale assidue. Il obtient l’agrégation en 2012, année où son travail commence à prendre place dans les rues de Paris. Il a depuis participé à de nombreuses expositions dont plusieurs Solo shows, et participé à quelques rencontres internationales.

L’œuvre de Levalet est avant tout un travail de dessin et d’installation. Il met en scène ses personnages dessinés à l’encre de chine dans l’espace public, dans un jeu de dialogue visuel et sémantique avec l’environnement présent. Les personnages interagissent avec l’architecture et se déploient dans des situations frôlant souvent l’absurde.

[Source : communiqué de presse]


Retrouvez notre dossier sur les vernissages de décembre ici.

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