Les aventures extraordinaires d’Adèle Blanc-Sec – film de Luc Besson
Pour sûr, Adèle Blanc-Sec, l’héroïne frondeuse et revêche de l’excellent Tardi, est un sacré bout de femme ! Jugez du peu : cette miss catastrophe, feuilletoniste de son état – nous sommes en 1912 – toujours à fourrer ses jupes et ses chapeaux extravagants là où il ne faut pas, permet à Luc Besson, magnat français du cinéma du 21e siècle, d’offrir à son public (très familial)… allez… quoi… son meilleur film depuis longtemps. Tout simplement.
« Les aventures extraordinaires d’Adèle Blanc-Sec », adaptation par Besson lui-même des tomes 1 (« Adèle et la bête ») et 4 (« Momies en folie ») de la saga est une sorte de synthèse, débonnaire et dynamique, de son univers mental (l’émerveillement enfantin, sans le discours lénifiant) comme de sa dextérité technique (débarrassée de ses mouvements tape à l’œil). Synthèse qui, de fait, a été adoubée par Tardi. C’est dire si la surprise est bonne, tant, a priori, la machine de guerre qu’est la « Besson Incorporated » semblait à mille lieues du petit monde libertaire et documenté de la BD originelle !
Naturellement – faut-il s’en étonner ? – le côté sombre d’Adèle a été quelque peu gommé. De fait, l’anarcho-féminisme de la donzelle, relié aux noirs écarts de l’époque (la Première guerre mondiale n’est pas loin), est un peu trop abyssal, du strict point de vue du… divertissement. Sans trop trahir l’irrévérence de son personnage, Besson fait donc le choix de la réactualiser. Nul hasard si c’est l’ex-Miss Météo de Canal +, l’accorte Louis Bourgoin, qui incarne la rouquine pourtant peu badine. Elle la tire, forcément, vers davantage de séduction, sinon d’humour. Mouais… Un peu raide, quand même, dans sa façon de jouer : on lui aurait préféré la gouaille plus ample, plus fine, d’une Sylvie Testud !
Indiana Jones (au féminin)
Rien de grave, car au fond ce qui marche dans ce nouvel opus estampillé Besson, c’est qu’il nous fait littéralement du cinéma, d’hier comme d’aujourd’hui. Intrigue densifiée mais riche. Scénario multipistes mais fluide (sauf que l’on perd le méchant, assez génialement incarné par Mathieu Amalric, en cours de route, dommage). Décors exotiques mais nullement sidérants (reconstitution savoureuse du Paris de 1912). Effets spéciaux accomplis sans être ostentatoires : c’est bel et bien un film d’aventures, truffé de blagues et de courses-poursuites, de savants fous et de paltoquets ridicules.
Bonne pioche, l’homme du « Grand bleu », qui se rêve George Lucas depuis toujours, lorgne du côté de Tintin et… d’Indiana Jones (au féminin). Donc de Spielberg, citations directes à l’appui. Il connaît ses gammes, sa grammaire. Mieux que cela : il les maîtrise, voire les transcende. « L’aventure extraordinaire » du titre, ne serait-ce pas cela ?
Comme Flaubert et son Emma, un jour, peut-être, Luc Besson pourra dire : « cette Adèle-là, c’est moi » !
Ariane Allard
A découvrir sur Artistik Rezo :
– le portrait de Jacky Nercessian
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Les aventures extraordinaires d’Adèle Blanc-Sec
De Luc Besson
Avec Louise Bourgoin, Mathieu Amalric
Sortie en salle le 14 avril 2010
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