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Jouer avec le marché de l’art : entretien avec Anders Petterson, fondateur d’ArtTactic

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Jouer avec le marché de l’art : entretien avec Anders Petterson, fondateur d’ArtTactic

Le 1er mai 2014

Le 1er mai 2014

ArtTactic est une société d’analyse du marché de l’art, fondée en 2001 par Anders Petterson. Proposant des recherches sur-mesure, de l’investissement et des artistes spécifiques, l’entreprise prend en considération les goûts fluctuants qui animent le marché et consulte les figures de proue du secteur afin de fournir à ses clients les conseils les plus avisés.

En complément de son offre de services, ArtTactic a lancé en février dernier un nouveau quizz en ligne, Forecaster, qui permet aux participants de prédire le résultat des lots proposés lors des ventes aux enchères. AMA a eu l’occasion de rencontrer Anders Petterson afin d’en savoir davantage sur ces services et de recueillir son point de vue personnel sur le marché de l’art.

Racontez-nous les débuts d’ArtTactic et les projets sur lesquels vous êtes en train de travailler ?

Entre le milieu des années 1990 et le début des années 2000, j’ai travaillé chez JP Morgan, puis j’ai décidé de quitter ce secteur et ai lancé ArtTactic. Elle est devenue une plateforme qui regroupe deux de mes centres d’intérêt : le marché et l’art contemporain. Les premièrs pas d’ArtTactic ont été très instructifs. Lorsque nous avons commencé à travailler avec des collectionneurs, il est apparu qu’il y avait un réel besoin d’information et un espace à prendre dans le marché pour un service qui pourrait la fournir. À partir de là nous avons commencé à analyser le marché en partant d’une nouvelle perspective. Plutôt que de se baser sur les sessions de ventes aux enchères, nous voulions prendre une approche plus qualitative vis-à-vis de la recherche sur le marché. Je dirais que c’est l’équivalent en art de l’analyste pour les marchés financiers, adaptable à la dynamique du marché de l’art.

Une évolution précise s’est dessinée au fil des années. Entre 2000 et 2008, l’appréciation de l’objectivité et de l’indépendance du marché de l’art était limitée et les gens étaient dépendants de l’information qui venait des acteurs mêmes du marché, comme les marchands ou les commissaires priseurs, faisant peu cas des opinions extérieures. La crise de 2009 a mis en lumière le fait que les valeurs pouvaient basculer considérablement et je pense que ceci a fait émerger l’idée qu’il y avait besoin d’une tierce opinion qui n’était pas impliquée dans les transactions et dont le but était seulement de fournir des avis à propos de circonstances spécifiques, d’objets ou du secteur. L’entreprise a alors vu un changement dans sa clientèle, partant d’une base constituée par des particuliers et des collectionneurs en 2000-2008, vers une société plus ouverte ces dernières années : nous travaillons désormais avec une grande diversité de secteurs, des banques privées ou les compagnies d’assurance et de gestion. Étant un acteur neutre et objectif sur le marché, ces industries peuvent s’aligner sur notre société.

J’ai observé une corrélation entre la progression du marché de l’art et la croissance de la société ; le chiffre d’affaires annuel du marché de l’art était d’environ 20 milliards de dollars en 2002, un chiffre qui a atteint 60 milliards de dollars l’année dernière. Le besoin de recherche et le besoin d’information ont changé en parallèle avec les changements du marché, sa croissance et l’augmentation des prix en général. Dans un certain sens, il y a plus de risque à l’heure actuelle que dans le passé, ce qui signifie que la recherche est plus précieuse aujourd’hui qu’il y a cinq ou six ans.

ArtTactic propose différents modules : la recherche qualitative, les rapports réalisés sur les artistes, les perspectives, les podcasts, la formation et plus récemment, Forecaster. Pouvez-vous nous donner une vue d’ensemble de ces différents aspects de votre activité ?

Si je devais faire un panorama de tous les différents services d’ArtTactic, je dirais qu’ils sont tous liés par la recherche d’information. Le site Internet et le service d’abonnement permettent aux professionnels du marché de l’art de surveiller les marchés à une échelle globale, en prenant en compte le marché des enchères et les enquêtes de confiance : elles supposent d’interroger les prescripteurs clés à travers différents marchés au sujet de leur perception générale, de leur perception des risques et de leur perception sur les artistes. À travers ces informations, nous créons des rapports qui donnent une opinion plus individuelle sur le marché.

Étant donné que l’abonnement ne couvre pas tous les artistes, les collectionneurs nous demandent souvent des informations détaillées sur un artiste spécifique. Cette recherche prend la forme d’un rapport de commande fait sur-mesure selon les besoins du client, qu’il soit intéressé par une vente — un client cherchant à vendre une œuvre qui a été approché par différentes maisons de ventes aux enchères et qui a besoin de conseils pour savoir laquelle choisir — ou qu’il se prépare à enchérir lors d’une vente car son intérêt pour le potentiel d’un artiste est acquis, mais qu’il souhaite connaître les risques associés à une œuvre.

Construit depuis plus de dix ans, notre réseau fournit une plateforme pour les prescripteurs clés et les leaders d’opinion afin de fournir des conseils à un public qui n’aurait peut-être pas l’opportunité d’avoir accès à leur avis, ne pouvant pas assister aux conférences destinées aux professionnels du marché. Tout ce que l’on essaye de faire est de diffuser du renseignement au plus grand nombre de personnes possibles. Notre objectif principal est d’offrir de la formation aux gens : plutôt que de dicter des principes esthétiques, nous essayons d’amener le public à comprendre les aspects essentiels du travail de différents artistes et de marchés géographiques. En plus de l’abonnement, cette zone d’information est disponible par podcasts et à travers d’autres médias.

Lequel des ces éléments vous apporte le plus de revenus ?

À l’origine, l’abonnement était l’élément le plus profitable, avec un ratio de 70/30 en 2009, c’est-à-dire que 70 % de nos revenus venaient des abonnements. Désormais, les services sur-mesure sont notre principal atout. En 2010, le ratio a changé et est devenu 70 % pour la recherche sur-mesure et 30 % pour les abonnements. Notre base d’abonnements grandit graduellement, mais elle n’est dorénavant plus le noyau dur de nos revenus.

Pouvez-vous nous expliquer le système de tarification de la recherche d’information sur-mesure ?

Le coût pour la recherche varie énormément, selon la nature de ladite recherche et de son étendue. Un prix de départ peut se situer aux alentours de 1.000 £ et peut augmenter selon le temps passé sur les recherches. Nous n’établissons pas le prix en fonction de la valeur de l’œuvre en question, donc, que la pièce vaille 10.000 £ ou un million, les frais de recherche restent liés au temps que l’on y passe. Par ailleurs, nous ne prenons pas de commission sur les transactions, comme le client est prévenu des coûts de recherche dès le début, quel que soit le résultat final. Notre recherche n’est pas utilisée comme un document marketing, mais plutôt comme une représentation honnête de nos résultats.

Pouvez-vous nous en dire plus au sujet de votre nouveau service, ArtTactic Forecaster ?

Le projet initial a démarré il y a environ deux ans, mais il n’a été lancé officiellement qu’en février dernier, c’est donc encore un bébé. Nous attirons beaucoup de twittos (ndlr : au moment de l’interview, ArtTactic avait plus de 42.000 followers sur Twitter) et nous souhaitons connaître leurs intérêts. En 2012, Le Cri d’Edvard Munch a été mis aux enchères à New York et, pour nous amuser, nous avons demandé à nos followers de prédire le résultat de la vente. Environ 250 followers ont prédit un résultat autour des 123 M$, et au final, le résultat de la vente a été de 120 M$. Ce qui m’amène à me poser des questions sur la nature inhérente de l’expertise : y’a-t-il justement de la connaissance et de l’expertise dans la foule elle-même ? Mon expérience d’enseignant m’amène à penser qu’il est particulièrement intéressant d’explorer les possibilités constantes de formation du public et de le tester pour prévoir des résultats d’enchères. En utilisant les cadres analytiques et les connaissances qu’ArtTactic a acquises au cours des quatorze dernières années, nous avons intégré ce concept dans notre environnement et nous encourageons les gens à considérer le contexte d’une vente aux enchères selon leur propre analyse : que l’enchère se déroule dans une maison de ventes locale en France ou chez Christie’ s à New York, comment le lieu influence la valeur finale ?

Nous avons créé un jeu quizz qui donne l’opportunité aux gens de se tester eux-mêmes en prédisant le prix marteau de lots individuels, dans différentes catégories à travers différentes ventes. En ce moment, nous faisons une vente asiatique à New York et une à Mumbai. Aussi, les personnes sont exposées en permanence à différents marchés, que ce soit le marché occidental de l’art contemporain ou les impressions, œuvres sur papier, photographies, sculptures ou autre. L’idée est de créer un terrain d’entraînement sur lequel les gens peuvent s’adapter à différentes valeurs et sujets, ce qui est intrinsèquement difficile à pratiquer. Il s’agit d’utiliser des outils analytiques et des processus d’information afin d’en faire le meilleur usage pour nourrir sa propre analyse. Les gens s’inscrivent, se testent et sont classés en fonction de leur score. Quelque chose que nous n’avions pas prévu commence à se produire : une certaine compétition s’installe à cause du système de classement, créant une dynamique parmi les joueurs qui ont les meilleurs scores. Plutôt que de passer quelques minutes sur chaque quizz, les gens font des recherches et abordent leurs prédictions avec un regard éclairé.

Non seulement Forecaster offre l’opportunité d’apprendre, mais il apporte une marque de reconnaissance dans le monde extérieur : la semaine dernière, un professionnel d’une société de conseil en art nous a contacté à propos du joueur classé en première position et voulait savoir s’il était possible de le joindre. Le jeu est basé sur la méritocratie et est en constante évolution. Que ce soit un étudiant qui joue depuis sa chambre à Paris ou ailleurs, cela n’a aucune importance, le jeu est basé sur les compétences.

Dans quelle mesure les prédictions des acteurs sont-elles précises ? Êtes-vous surpris du niveau d’exactitude ?

Les capacités de ces différents acteurs sont vraiment considérables, bien que les personnes appartenant au top 10 semblent atteindre 62 % de précision de manière presque constante. De plus, si l’on compare cela à l’estimation des ventes aux enchères comme direction pour ce que le résultat devrait être, cela devrait être beaucoup plus faible. Un groupe a commencé à jouer et il est toujours à un niveau au-dessus de n’importe qui d’autre. Nous nous sommes entretenus avec eux pour comprendre leurs méthodes. La réponse est qu’ils ont tous investi du temps dans la recherche. La plupart d’entre eux ont développé une intuition à propos de la manière dont le marché fonctionne. Certains sont des étudiants qui ont été particulièrement actifs sur les marchés de l’art à une petite échelle, vendant des estampes ou travaillant avec le street art. Même s’ils sont jeunes et n’ont pas nécessairement de l’expérience, ils ont l’énergie d’essayer et de se forger un sens du marché et de savoir comment les outils analytiques peuvent être utilisés. Du point de vue du jeu, il faut un certain nombre de temps pour permettre aux joueurs d’acquérir des compétences. Mais, vous pouvez commencer à voir que certaines personnes excellent dans des domaines particuliers. Je pense que cela reflète le marché de l’art en général. Il n’est pas possible d’être spécialiste de tout et les personnes vont davantage chercher à se montrer sélectives sur certains aspects du marché qu’ils apprécient tout particulièrement.

Quelle est votre prédiction pour 2014, selon les perspectives que vous avez publié il y a quelques mois ?

Je pense qu’à première vue les personnes ont la conviction que le marché va continuer de la même façon qu’en 2013. Je crois qu’il y aura une certaine continuité des thèmes. Le marché, constamment sous pression, va améliorer ses résultats, par rapport à ceux passés. Les maisons de ventes subissent également le même type de pression. Les ventes new-yorkaises vont se dérouler en mai. Elles seront aussi importantes, si ce n’est plus, que celles de novembre. Il s’agit d’un cycle sans fin. Mais, ce cycle peut entraîner des faiblesses pour le marché. Il peut se contracter lui-même. Il y a donc une sorte de psychologie et de fragilité. Cette pression s’exerce bien évidemment sur les acteurs majeurs, comme Sotheby’ s et Christie’ s. Ils présentent constamment des œuvres d’art majeures, à des prix vraiment élevés, afin de le soutenir.

Occasionnellement, les personnes disent sommes dans une bulle. Je considère que dans une certaine mesure, c’est le cas. Mais, la question est de savoir pendant combien de temps la bulle peut durer. Si l’on met 2009 en dehors de notre équation, qui était une année exceptionnellement mauvaise, un boom s’opère sur le marché depuis 2004. Il a continué en 2013 et ce sera probablement le cas pour 2014. La liste de Forbes s’allonge chaque année, avec l’addition de millionnaires, qui ajoutent des milliards d’actifs. Il suffit d’une petite partie de ces actifs pour faire un grand impact sur le marché de l’art.

Dans l’ensemble, je pense que le marché en 2014 connaîtra certaines différences régionales. L’Inde devrait sortir du cycle négatif où elle est plongée depuis 2009, offrant certaines opportunités intéressantes pour ce marché. Pour sa part, la Chine récupère du ralentissement qu’elle connaît depuis 2011. En excluant les situations politiques potentielles qui pourraient venir perturber ces estimations, aucun nuage sombre ne vient gâter l’horizon, tel que je le vois pour cette année.

The Early Confidence Report est vraiment stable pour l’année dernière…

Oui. Le noyau d’artistes reste stable. En analysant les prédictions à propos du marché, nous demandons aux personnes que nous interrogeons la manière dont ils considèrent ce qui se passera dans dix ans et si ces considérations changent leur confiance sur le long terme. Je pense que ce groupe d’artistes est relativement stable et que cela le sera pour le long terme, aussi bien que d’avoir une trajectoire positive pour le long terme. Il existe aussi un groupe de personnes qui savent que le marché se porte bien, mais qui sont dans l’incertitude quant à l’avenir. La confiance actuelle accordée au marché est devenue beaucoup plus durable, créant une dynamique intéressante qui transforme la spéculation à propos d’un artiste en intérêt de la part des collectionneurs.

Art Media Agency (AMA)

[Visuel : © Ramesh Pathania / Mint]

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