0 Shares 2254 Views

Confession d’un enfant du siècle – Théâtre du Marais

8 mars 2013
2254 Vues
confession_enfant_du_siecle

Silence progressif de la salle. Obscurité, toux. Soudain la belle voix caverneuse de Bertrand Farge s’élève « Je suis un enfant qui souffre ». 

Le comédien n’est plus un enfant, mais c’est un jeu pour lui de raviver les souffrances de la jeunesse, cette maladie incurable, en se glissant avec talent dans la peau d’Octave, ce double sombre d’Alfred de Musset. En réduisant ce roman de quelques trois cents pages à une prestation de une heure et demi, que retenir ? Comment traduire ce mal du siècle, ce romantisme presque frénétique ? Comment être le fils d’une génération de héros ?

Didier_Goudal« Alors ces hommes de l’Empire, qui avaient tant couru et tant égorgé… se regardèrent dans les fontaines de leurs prairies natales, et ils s’y virent si vieux, si mutilés, qu’ils se souvinrent de leurs fils, afin qu’on leur fermât les yeux.
Ils demandèrent où ils étaient ; les enfants sortirent des collèges, et ne voyant plus ni sabres, ni cuirasses, ni fantassins, ni cavaliers, ils demandèrent à leur tour où étaient leurs pères.
Mais on leur répondit que la guerre était finie, que César était mort, et que les portraits de Wellington et de Blücher étaient suspendus dans les antichambres des consulats et des ambassades, avec ces deux mots au bas : Salvatoribus mundi. Alors s’assit sur un monde en ruines une jeunesse soucieuse. »

Alors la grande affaire de cette génération, ce sera l’amour. Surtout le premier, puis le suivant. Octave, le héros, souffre, fait souffrir, est trahi, une fois, plusieurs fois… Dans cet écrit cynique et déchiré se lit toute l’amertume de la rupture avec George Sand.

Dans un décor simple et luxueux, aux nuances de feuille d’automne, Bertrand Farge conjugue emphase et puérilité pour exprimer une virilité naissant dans le vertige de la débauche. Par un jeu habile avec le public (invité lui aussi à « trinquer »), le comédien communie corps et âme dans cette corruption de la chair. Paradoxalement, c’est à une forme de vertu que le héros accède par l’ascèse de sa douleur : jalousie, torture, fuite, il échoue toujours intensément sur cette ligne de crête amoureuse où il s’est laborieusement hissé.

De ce monologue fascinant on sort envoûté et nourri de beauté. La puissance du texte lié au talent du comédien enchante et rappelle, pour une heure, qu’on peut croire mourir d’amour.

Mathilde de Beaune

Confession d’un enfant du siècle

Musset adapté et mis en scène par Frédéric Vossier

Avec Bertrand Farge

Jusqu’au 28 avril 2013
Du jeudi au samedi à 21h
Le dimanche à 17h

Tarif : 20 euros // Tarif réduit : 14 euros

Durée : 1h30

Théâtre du Marais
37, rue Volta
75003 Paris

theatredumarais.fr

[Photos : Didier Goudal]

Articles liés

Palette de vie : notre sélection de films en juin
Agenda
137 vues

Palette de vie : notre sélection de films en juin

Le cinéma nous rappelle les innombrables formes de vie qui convergent en créativité, technologie et humanité. Ce mois-ci, avec le Festival de Cannes, nous avons suivi, de près comme de loin, cette croisière qui, pour la 77e fois, rassemble...

Ce week-end à Paris… du 31 mai au 2 juin
Art
197 vues

Ce week-end à Paris… du 31 mai au 2 juin

Avis aux amateurs d’art, de spectacle vivant, de cinéma, de musique… ce week-end sera placé sous le signe de la culture ! Pour vous accompagner au mieux, l’équipe Artistik Rezo vous a programmé une sélection d’événements à ne pas...

The SuperSoul Brothers en release party au New Morning pour leur nouvel album “By The Way”
Agenda
137 vues

The SuperSoul Brothers en release party au New Morning pour leur nouvel album “By The Way”

Mélodies bien senties, arrangements léchés, la déferlante Deep Soul béarnaise se réinvente pour mieux nous faire danser et rêver. Une Release Party façon feu d’artifice, où, quand l’esprit de Memphis s’invite à Paris… En passant. The SuperSoul Brothers est...