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eadline – musée d’Art moderne de la ville de Paris

9 décembre 2009
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Voici le postulat de l’exposition : « En réaction aux traumatismes des guerres mondiales et emportée par la recherche du progrès, la société occidentale a tenté d’occulter la question de la mort et sa visibilité. A partir des années 80, l’apparition du SIDA modifie cette attitude. La prise de conscience soudaine d’une plus grande fragilité de la vie est alors ressentie, particulièrement dans le milieu “underground” et la scène culturelle. »

 

Maladresse conceptuelle

Une approche généraliste à l’évidence et soumise à débat. Jamais les artistes n’ont cessé de traiter la mort dans leurs créations même s’il est vrai que le SIDA a joué un rôle prépondérant dans l’évolution des mentalités. La mort s’immisçait alors dans l’acte d’amour, acte de vie par excellence, un paradoxe dont nous ne sommes pas encore remis. Dans ce cas, pourquoi ne pas concentrer l’exposition sur des artistes – suffisamment nombreux malheureusement – morts du SIDA (même si quelques exemples jalonnent l’exposition) ? Cette posture permettrait de recentrer le sujet et de l’observer avec plus de précision et même plus de nuances.

Ici, nous rencontrons des cas très épars, parfois proches du hors sujet, tout particulièrement pour Willem de Kooning qui cessa de peindre sept ans avant sa mort. Difficile, de fait, de confronter ses toiles aux créations des autres artistes qui eux étaient bel et bien en train de mourir au moment de leur production.

Le MAM manque ici de rigueur dans l’élaboration de l’exposition tout comme dans la scénographie un peu simpliste. Les œuvres s’enchaînent poliment sur les murs ; chacun chez soi, dans sa propre salle donc. Et si ces isolements, cette séquentialité des œuvres permet, reconnaissons-le, de montrer l’univers personnel de chaque artiste, elle dégage aussi, à regret, quelque chose de scolaire, laborieux, effet installé et confirmé par la petite salle de « documentation » à la fin de l’exposition.
 

Voir « Deadline » malgré tout

Pourquoi voir cette exposition alors, si son postulat n’est pas sérieusement traité ? Et bien, tout simplement, parce que si la structure est fragile et bancale, les artistes présentés, eux, suscitent l’intérêt. De plus, bien ou mal traité, le sujet mérite d’être soulevé, rappelé, soumis aux visiteurs. Ce sujet, qui a toujours hanté l’art, nous éclaire sur la vie et la perception que nous avons de sa finitude.

Les douze artistes présentés dégagent une grande puissance sensible. Chacun réagit différemment à sa mort prochaine. Un psychanalyste ne pourrait s’empêcher de retrouver au fil des œuvres certaines des cinq étapes qui s’enchaînent lorsqu’une personne s’entend dire qu’elle doit bientôt mourir.

Ainsi, si Absalon mise sur l’expression de sa colère, James Lee Byars exprime le dernier stade, celui de l’acceptation, une phase apaisée, contemplative, où l’esprit est empli de lui-même, lumineux, et où le corps a déjà disparu. Felix Gonzalez-Torres propose aux spectateurs de le toucher, à travers sa création, partager sa part d’humanité héritée de l’art. Mais, sans tous les citer, nous rencontrons aussi les cas plus troublants de ceux qui affichent le déni de leur état, comme Joan Mitchell, en continuant de produire comme si de rien n’était. Ou encore, le cas touchant et triste, de Chen Zhen qui montre la fragilité du corps, corps de verre, nourrisson étouffé dans son berceau, impuissant et délicat. D’autres, pour finir, préfèrent rationaliser la mort, comme Robert Robert Mapplethorpe qui puise dans son héritage artistique et nous replonge au cœur des immortelles Vanités.

« Deadline » au MAM est un projet inabouti en tant que tel, mais qui recèle des pépites, des perles égrenées une à une, sans ambages, au gré d’une exposition linéaire dont le sujet est plus évoqué que traité. Les visiteurs gagnent, cependant, à rencontrer, une fois encore, ces artistes disparus qui offrent la force de leur démarche personnelle, éclatée et qui mérite un petit détour. Sinon pour le projet, pour les artistes donc.

Lorraine Alexandre

 
Deadline

Œuvres de Martin Kippenberger, Hans Hartung, Felix Gonzalez-Torres, Robert Mapplethorpe, Gilles Aillaud, Hannah Villiger, Absalon, James Lee Byars, Joan Mitchell, Chen Zhen, Willem de Kooning et Jörg Immendorff

Jusqu’au 10 janvier 2010
Du mardi au dimanche de 10h à 18h
Nocturne le jeudi jusqu’à 22h

Plein tarif : 9€ // Tarif réduit : 7€
 

Musée d’Art moderne de la Ville de Paris
11, avenue du Président Wilson
75116 Paris

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