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Donner la parole à l’art, Martha Kirszenbaum nous le récite

Amélie Casas 31 janvier 2023
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Martha Kirszenbaum © Louis Canadas

Active et engagée, la commissaire d’exposition Martha Kirszenbaum participe au dynamisme international des témoignages artistiques. Fascinée par la culture visuelle américaine, elle se mêle très rapidement à sa scène artistique et, alors encore étudiante, intègre le MoMA comme stagiaire où elle fait notamment de la recherche sur la production vidéo dans le cadre de l’exposition de 2008 de Marina Abramovic.

Martha appartient à cette génération de curateurs qui a vu Los Angeles se développer, se gentrifier. Elle “participait à la création de quelque chose de nouveau” nous confie-t-elle. À New York, elle assiste à l’apparition de la performance et de l’art vidéo comme nouveau champs d’expression dans l’art contemporain et voit le festival de performance, Performa, naître. S’ensuivent de multiples expériences en institutions. On pourrait citer un stage dans le musée d’art contemporain de Varsovie ou encore sa présence au département photo du Centre Pompidou à Paris. Aussitôt diplômée de Sciences Po et en soutien à sa curiosité, elle retourne à New York où elle travaille pour le New Museum qui accueille en 2009 l’exposition Younger Than Jesus – une exposition internationale mais surtout générationnelle qui réunit des artistes âgés de moins de 33 ans. Parmi eux, Cyprien Gaillard et la peintre norvégienne Ida Ekblad. En parallèle, elle assiste les travaux de Joachim Pissarro, jeune commissaire d’exposition et professeur d’histoire du Hunter College. Elle prend rapidement conscience de son envie d’apprendre dans les institutions pour développer ses propres programmes d’exposition et tisse donc son réseau entre les États-Unis et l’Europe, où elle développe une pratique indépendante de commissaire d’exposition et s’affranchit de ses expériences en institutions, au profit d’une pratique curatoriale plus indépendante et anticonformiste. Dès 2013 et dans le cadre de projets en lien avec le réalisateur expérimental Kenneth Anger, elle quitte l’Europe pour Los Angeles et rencontre Elisabeth Forney la directrice de la fondation franco-américaine FLAX qui l’embauchera comme directrice et curatrice de Fahrenheit – centre d’art et programme de résidence qu’elle montera à Downtown LA. Fahrenheit, au même titre que FLAX, porte son soutien à la scène artistique contemporaine française et accueille de ce fait un certain nombre d’artistes y étant étroitement liés. Alors encore artistes émergents, elle présentera les travaux de Caroline Mesquita, Julien Prévieux, David Douard et collaborera avec les commissaires d’exposition Myriam Ben Salah, Dorothée Dupuis et Laure Prouvost. Des programmes publics sont également développés par la Fondation : organisation de talks, projections et performances.

Certains artistes avec qui, au-delà des collaborations, un soutien respectif lui vaudra son parcours d’une non linéarité choisie. En témoigne, en 2018, le souhait de Laure Prouvost d’être accompagnée dans l’invitation de représentation de la France sur le pavillon français de la 58e Biennale de Venise. Une expérience remplie de liberté. Sa pratique curatoriale se conjugue à la production artistique de Laure. Elles réfléchissent ensemble aux notions de représentation, d’identité au cœur des problématiques d’incarnation. Dans leur démarche, un principe invariable : celui de casser les hiérarchies où les allées des Giardinis adoptent encore un modèle de hiérarchisation des pays d’un monde d’après-guerre qui n’existe plus. L’image animée est présentée comme le dialogue entre les cultures et les générations, c’est le reflet d’une France étrange et mélangée. Ce voyage introspectif n’est autre que le reflet du vivre ensemble, où la question environnementale devient une composante centrale.

“C’est une double référence au sociologue polonais Zygmunt Bauman qui parle de liquidité moderne. Plus on avance dans un monde post-moderne régit par la technologie numérique, moins les interactions et les relations avec les autres sont présentes.” souligne Martha. Dans cet échange vif, intellectuel et créatif, la présence de la pieuvre comme figure métaphorique fait sens puisque unique animal chez qui les sensations et la pensée sont contenues ensemble dans ses tentacules. “Les degrés d’interprétation sont nombreux, les couches se superposent et les échos résonnent. La réalité rencontre la fiction, le rêve et la magie. C’est un projet rempli de complexité et de références.” nous confie-t-elle.

Récemment, et sans doute dans le but de continuer de se jouer du détournement, de l’interrogation et stimuler l’imaginaire, elle a accepté l’invitation d’Art Explora à développer une programmation dans la ville de Marseille – ville de laquelle partira le bateau-musée ArtExplorer de la fondation dès l’automne 2023 et qui voyagera dans une quinzaine de villes du pourtour Méditerranéen.

Commissaire d’exposition autodidacte, Martha ne cesse de s’exposer au questionnement du déplacement, de la mouvance.

Je remercie chaleureusement Martha pour son temps accordé et sa bienveillance.

Amélie Casas

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