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The Blind : “Au sein du 9ème Concept, il y a une incroyable ouverture vers de nouvelles idées artistiques”

Barbara Legras 15 septembre 2020
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© Samos

Dans le cadre des 30 ans du 9ème Concept et de l’exposition rétrospective Vision d’Ensemble qui se tient jusqu’à la fin de l’année sur Fluctuart, Artistik Rezo poursuit ses interviews des artistes qui font l’âme du collectif. Aujourd’hui, entretien avec le trublion The Blind, artiste du collectif 100 Pression et créateur du graffiti pour aveugles, qui nous explique pourquoi il se sent comme un poisson dans l’eau au sein du 9ème Concept.

Quel a été ton parcours avant de rejoindre le 9ème Concept ?

Je viens du milieu du graffiti vandale, cela fait 20 ans que j’y opère. J’ai fait une école d’art à Nantes mais je n’y suis pas resté longtemps : ils m’ont gentiment remercié (rires).  J’ai rejoint le collectif nantais 100 Pression en 2003. En 2006, j’ai créé le graffiti pour aveugles. Le graffiti était mal vu à l’époque, ce n’était pas dans les mœurs. Je me suis dit que les graffs devaient pouvoir être vus par tous, dans un esprit de culture accessible à tous, donc pour moi il était important que les non-voyants puissent en profiter. C’est aussi une façon de mettre tout le monde face à une situation de handicap et de donner des clefs pour comprendre. Il y a un côté “provoc” aussi dans cet acte. J’ai réalisé des œuvres comme “Ne pas toucher” sur le mur de l’école des Beaux-Arts ou le “Pas vu, pas pris” sur le palais de Justice de Nantes. Le message inscrit est toujours en lien avec le lieu sur lequel il est apposé. J’ai posé mon braille partout dans le monde, comme à Tchernobyl par exemple. En 2007, j’ai fait avec le collectif 100 Pression l’exposition Glasnost Dead qui a voyagé à Nantes, Rennes, Toulouse, Lille, etc.

Palais de Justice de Nantes – 2006

En 2010, j’ai croisé Romain Froquet dans une librairie à Nantes pour le catalogue des 20 ans du 9ème Concept. Je connaissais bien le collectif. Je me suis incrusté à une conférence avec Jerk 45, Ned et Stéphane Carricondo (ndlr : les fondateurs du 9ème Concept). Je les ai revus sur Nantes plusieurs fois par la suite. J’ai collaboré depuis régulièrement avec le 9ème Concept. Ma première participation, c’était la Tour Pleyel à Saint-Denis en 2014 pour le projet 25ème étage où j’étais invité avec une vingtaine d’autres artistes à produire une fresque sur les 600m² alors délaissés de cet étage. Puis en 2015, la Résidence avant destruction au Carré Bonnat de Bayonne. J’ai eu un moment de “rupture” avant de réintégrer les événements du 9ème Concept comme pour le projet des Francs Colleurs ou le M.U.R de Bordeaux avec la galerie Magnetica Artlab en février dernier. J’ai des liens très forts avec Stéphane Carricondo : comme moi, il aime la relation à l’humain, créer du lien, fédérer. Pendant le confinement, le 9ème Concept m’a proposé d’intégrer officiellement le collectif. Je suis du coup un peu le petit dernier (rires). J’ai fait partie avec mes compagnons de 100 Pression du line-up de l’exposition Scratch Paper sur Fluctuart pour les 30 ans du collectif en juillet dernier.

Love is blind – Venise, 2010 – © The Blind

Que t’apporte le collectif du 9ème Concept par rapport à ta singularité d’artiste ?

Un super apport d’expérience, un réseau parisien, des moyens techniques et des budgets pour créer des événements collectifs. C’est l’occasion d’avoir accès à des tas de projets, de partager un certain savoir-faire. L’entente est super au sein du collectif, il y a une belle capacité d’écoute, c’est collégial tout en donnant un cadre de professionnalisme incroyable. Je suis moi-même à la tête d’un collectif avec 100 Pression à Nantes, où l’on a une patte graphique commune alors qu’au sein du 9ème Concept, on s’ouvre individuellement.

The Blind – Métro parisien, 2019 – © Mathias Bones

Quels événements avec le 9ème Concept t’ont le plus marqué ?

Les Francs Colleurs, car les opérations de stickage m’ont emmené partout en voyage. Le M.U.R à Bordeaux car j’ai pu développer une relation plus intime avec Stéphane Carricondo qui est lui-même bordelais. Les fondateurs sont comme des frangins pour moi. J’ai plus de 15 ans d’expérience de mon côté, notamment en collectif, on partage donc nos expertises et j’ai pu apporter des compétences propres, comme la sérigraphie par exemple. Chacun a vraiment sa place, il n’y a pas de meneur, on observe. Il y a un partage de valeurs entre mon collectif personnel et le 9ème Concept, je m’y sens donc comme un poisson dans l’eau.

Le M.U.R Bordeaux – Galerie Magnetic Artlab, 2020 – © Samos

Quelles sont justement pour toi les valeurs que porte le collectif du 9ème Concept ?

C’est un boost, cela redonne de la confiance. Le partage, l’échange sont des valeurs fortes. Le conceptuel aussi : on ne fait pas comme les autres, on n’est pas dans le moule du marché de l’art. Il y a une incroyable ouverture vers de nouvelles idées, des propositions artistiques différentes. Et puis c’est un lieu de rencontres, de découverte de nouveaux artistes talentueux.

Et si on parlait un peu de technique, toi qui développes un concept artistique très singulier ?

J’utilise le relief en plâtre. Ma ligne directrice est toujours liée aux sens : la vue, le toucher. J’ai appris le braille en autodidacte sur le net. J’aime les messages forts, porteurs de sens, provocateurs : “Tu touches, tu payes”, “Ferme-là et ouvre l’oeil”, “Came à yeux” (ndlr : en référence au livre d’Alëxone Dizac, autre artiste du collectif). Mais j’utilise aussi la sérigraphie et je suis d’ailleurs rentré dans un gros atelier de sérigraphie à Nantes avec lequel je travaille sur une collaboration avec le Hellfest. J’étudie aussi actuellement l’intégration de procédés sonores et olfactifs dans mes œuvres en collaborant avec une aromathérapeute pour mélanger les huiles et les encres. Je m’investis beaucoup dans les projets à portée sociale comme les jeunes en difficulté, l’art en prison. J’ai un projet pour une clinique spécialisée dans le cancer du sein où j’apposerai des seins en silicone sur les murs avec le message “Ne pas toucher” ; je recherche des mécènes pour le mener à terme.

Sérigraphie Ophtalmologie, 2019 – © The Blind

Quels sont tes projets à venir ?

Il y a actuellement le mur du square Henri-Karcher réalisé avec d’autres membres du 9ème Concept. Je prépare depuis deux ans un livre sur mes 10-15 ans de voyage à travers le monde, avec mes messages en braille. Et une exposition est prévue début 2021 à la galerie Vincent Tiercin.

The Blind au mur du square Henri-Karcher – © Barbara Legras

Retrouvez The Blind sur son compte Instagram.

Retrouvez le collectif 100 Pression sur leur site internet.

Propos recueillis par Barbara Legras

Retrouvez les entretiens précédents dans le cadre des 30 ans du 9ème Concept :

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