0 Shares 2154 Views

Matthieu Dagorn : “Les résidences avec le 9ème Concept, ce sont de formidables colonies artistiques”

Barbara Legras 26 août 2020
2154 Vues

© Tryphon Latoune

Dans le cadre des 30 ans du 9ème Concept et de l’exposition rétrospective Vision d’Ensemble qui se tient jusqu’à la fin de l’année sur Fluctuart, Artistik Rezo poursuit ses interviews des artistes qui font l’âme du collectif. Aujourd’hui, entretien avec Matthieu Dagorn, aka LapinThur, qui nous parle de son parcours au sein du 9ème Concept : ou comment le travail commun de la ligne et de la courbe propre au collectif l’a amené à développer dans son travail personnel des formes en volume et en relief qui donnent l’impression d’un mouvement constant.

Quel a été ton parcours avant de rejoindre le 9ème Concept ?

En 2002, j’ai fait ma prépa à l’Institut Supérieur des Arts Appliqués de Paris avant de passer le concours des Beaux-Arts de Quimper en 2003. Ma rencontre avec le graffeur SRAM a marqué mon entrée dans le monde du graffiti et c’est aussi à ce moment-là que mon surnom de LapinThur a surgi : il me fallait un pseudo car il y avait trois Matthieu dans ma colocation et les gens trouvaient que j’avais une tête de lapin… En 2005, je suis retourné sur Paris où j’ai suivi pendant deux ans une formation aux Gobelins en graphisme pour commencer à travailler en freelance. En 2007, mon amie Elvira qui est proche de Jerk 45 (ndlr : l’un des co-fondateurs du 9ème Concept) m’a proposé de me présenter au 9ème Concept. C’était à l’époque de la résidence Peinture Fraîche à Beaubourg. En 2008, j’ai emménagé dans le 12ème arrondissement, juste à côté de l’arrière-boutique du 9e Concept, sans savoir qu’ils étaient là. Un jour, j’ai déposé mon book à Romain Froquet et Jules Hidrot. Le collectif avait besoin de remplaçants pour les tournées Desperados, on m’a donc proposé de les intégrer : cela a duré sept ans au total. En 2015, à l’occasion des 20 ans du 9ème Concept, le collectif m’a sollicité pour le catalogue de l’anniversaire : j’ai envoyé ma production pour une double page à la base, sans savoir si elle allait être acceptée, mais au final ce sont deux doubles pages que j’ai eues. Cela a été pour moi la réelle validation de mon intégration au sein du collectif.

Comment as-tu développé ta singularité artistique au sein du collectif ?

Pour moi, le 9ème Concept a été comme une seconde école. Tu es forcément influencé par les membres du collectif. Ned (ndlr : l’un des co-fondateurs du 9ème Concept) a un rôle de conseil important : il t’oriente sur ton travail. À l’époque, je travaillais le thème des animaux et des masques avec des bandes qui s’entrelacent.

Léon, 2016, pour Desperados

Mon travail a beaucoup évolué depuis, notamment dans la recherche de volume. C’est là que j’ai exprimé ma singularité. Il y a un point commun important entre mon travail personnel et le travail du collectif :  la ligne, la courbe. Ce qui m’a attiré personnellement  dans le volume, c’est l’univers imaginaire, qui permet de “sortir du mur” et de faire rentrer le public dans mon monde via l’immersion. En 2009, j’ai fait une résidence avec Romain Froquet, Théo Lopez et Alexandre d’Alessio, trois autres artistes du collectif, à Centrale 7, entre Nantes et Angers, l’occasion pour moi de commencer à faire des fresques en relief, avec des palettes, pour apporter un rendu immersif et un point de vue à 180°. Ma première oeuvre a été un lapin en bandes de papier et en carton, en référence à mon surnom. Je suis ensuite passé à la couleur, au bois, au forex (ndlr : lamelles de plastique utilisées pour les panneaux publicitaires que Matthieu récupère auprès des imprimeurs). En 2016, lors du Festival 12X12, j’ai créé ma première œuvre monumentale : une baleine pour le hall d’accueil du Novotel de la Gare de Lyon que j’ai ensuite déplacée sur la petite ceinture au niveau de la Porte de Charenton.

Installation Baleine, Petite Ceinture, Paris 12ème, 2016

En 2017 puis 2018, j’ai fait une installation pour la chapelle du LaBel Valette Festival à Pressigny-les-Pins.

Chapelle LaBel Valette Festival, Pressigny-les-Pins, 2017-2018

En 2018, j’ai installé au Carreau du Temple, à l’occasion de la troisième édition du Second Square Makers, une raie manta, baptisée Mantarog, de 12m de haut et 17m de large, et composée de matériaux de récupération. Je dénonçais le danger de la pollution et de la surconsommation sur notre environnement et les océans.

Installation Mantarog, Carreau du Temple, 2017

Grâce à cela, en 2019, une agence d’événementiel m’a contacté pour le festival Lightning in a Bottle à Bakersfield en Californie. J’y ai fait une installation intitulée Contemplation de 8m de haut et 20m de long. Aujourd’hui, je continue à être en perpétuelle évolution. Il est important de ne pas m’ennuyer dans mon travail, de ne pas stagner dans une recette. Je suis retourné à la peinture.

Quels événements avec le 9ème Concept t’ont le plus marqué ?

La résidence Aux Tableaux ! à Marseille, la résidence avant destruction au Carré Bonnat à Bayonne… Pour moi, ces moments de création et d’échange tous ensemble, les voyages en groupe, l’apprentissage des autres, ce sont autant d’éléments qui me donnent l’impression d’avoir participé à une formidable colonie artistique !

Quelles sont pour toi les valeurs que porte le collectif ?

Il n’y a pas d’histoire d’égo, ni de hiérarchie dans le collectif. Il faut savoir se remettre en question, accepter la critique constructive, travailler en groupe, c’est un peu comme une formation continue où on ne cesse jamais d’apprendre. Le 9ème Concept véhicule des valeurs de rigueur, de partage et de singularité, car nous sommes invités à travailler notre propre style. Il m’a apporté une certaine rigueur dans mon travail.

Quels sont tes projets à venir ?

Actuellement, il y a le mur du square Karcher avec l’association Art Azoï auquel j’ai participé avec Ned, The Blind, Romain Froquet, Big Jul, Alëxone Dizac, et qui reste visible jusqu’à mi-septembre.

Matthieu au square Karcher, juillet 2020 © Barbara Legras

J’ai également collaboré au tout début à l’œuvre collective Scratch Paper actuellement présentée sur Fluctuart dans le cadre des 30 ans du 9ème Concept, avec Joachim Romain, Max Tetar et Stew. Il y aura aussi une fresque à faire pour le Secours populaire. Je participe au festival Le Carrousel des Arts d’Antony en septembre prochain et à une exposition à l’espace Art & Liberté de Charenton en octobre et novembre de cette année. Enfin, j’ai une grosse installation prévue en intérieur à l’aquarium de Nancy en 2021.

Retrouvez Matthieu Dagorn sur son compte Instagram.

Propos recueillis par Barbara Legras

Retrouvez les entretiens précédents dans le cadre des 30 ans du 9ème Concept :
Interview des fondateurs
Interview d’Olivia de Bona et Jeykill
Interview de Clément Laurentin

Articles liés

Kyab Yul-Sa transcendent les fondements de la musique tibétaine : concert de lancement au Studio de l’Ermitage
Agenda
66 vues

Kyab Yul-Sa transcendent les fondements de la musique tibétaine : concert de lancement au Studio de l’Ermitage

Le trio Kyab Yul-Sa, lauréat du Prix des Musiques d’Ici 2021, révèlera “Murmures d’Himalaya” son nouvel album à l’occasion de sa sortie le 26 avril 2024 chez Nangma Prod / Inouïe Distribution. Cet opus sera présenté le jeudi 23...

“Our Way”, le nouvel album du trio mythique du Jazz, Helveticus, sort le 24 mai
Agenda
69 vues

“Our Way”, le nouvel album du trio mythique du Jazz, Helveticus, sort le 24 mai

Quatre ans après « 1291 », voici le deuxième album du trio suisse Helveticus, formé de trois musiciens exceptionnels de trois générations différentes et issus de trois régions différentes de la Suisse. Si le premier album a été enregistré dans l’urgence...

“La Danseuse” : Justine Raphet met en lumière la toxicité des relations amoureuses
Agenda
162 vues

“La Danseuse” : Justine Raphet met en lumière la toxicité des relations amoureuses

La Danseuse traite des relations amoureuses toxiques et de l’emprise au sein du couple en s’intéressant au parcours de vie de Noé et à sa relation amoureuse avec Adèle. Noé, jeune danseur, ne se sent pas en phase avec le...