Balada Triste – Alex de la Iglesia

Balada Triste est un objet étrange. D’emblée, dès les premiers plans, on est chez Goya, dans un poème saturnien, dans un spleen sans idéal. Grâce à la photographie sans défaut de Kiko de la Rica, nous voilà transportés dans un tableau de maître, dans un clair-obscur, où les profils sont perdus, où l’œuvre est au noir. Dans le tourbillon héroïque de la guerre civile, le sang commence à couler quand les saltimbanques partent en guerre.

Puis le héros enfant grandit et devient, comme son père, clown, mais clown contrarié, comme on est gaucher contrarié. Destiné à être Auguste, le voilà clown triste. Contrarié dans ses amours aussi, puisqu’il convoite la belle Natalia, la trapéziste, malheureusement apparié avec le cruel Sergio, Auguste violent, humiliant et dominateur, même avec son acolyte. Bientôt les soubresauts de l’Histoire rencontrent ceux de la passion, et la mascarade peut prendre place, comme dans un tableau de James Ensor ou de Fernand Pelez.

Le héros connaît une renaissance furtive et bucolique (comme dans Le Parfum), durant laquelle il croise Franco, mais cela ne suffira pas à les sauver. Pris dans la hantise du terrorisme des seventies, les personnages se débattent vainement. L’Histoire ne se laisse pas réécrire, et une histoire commencée et vécue dans le sang ne peut se terminer que dans les larmes. Tyrans, prélats, bouffons, chacun en prend pour son grade. Ils sont bien loin les rivages de Cythère, quand les deux homme se se déchiraient autour de la femme-fleur, devenue trophée de guerre. Devenus fous du Roy, bouffons gores, hallucinants et baroques, les clowns nous font passer un mauvais quart d’heure, qui durent bien plus longtemps que dans nos souvenirs d’enfance. Un grand film, bizarre, passionné, à voir incontestablement.

Mathilde de Beaune

A lire sur Artistik Rezo :
– Interview de Alex de la Iglesia

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Balada triste

D’Alex de la Iglesia

Avec Carlos Areces, Antonio de la Torre et Carolina Bang

En salle depuis le 22 juin 2011