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Cannes 2014 : compte rendu du jour 1

15 mai 2014
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Festival de Cannes 2014

Du 14 au 25 mai 2014 

Premier jour de Cannes : comme chaque année, il faut entrer dans l’œil du cyclone pour ne plus en ressortir…

Cannes, c’est un tourbillon. Et c’est compliqué de définir ce royaume du cliché autrement qu’avec des phrases clichés. Ici, on trouve des producteurs de films qui ne quittent pas leurs lunettes de soleil (parfois jusque dans les salles), des nymphettes qui se dandinent en robe de latex perchées sur des talons de 15 cm en espérant trouver le grand amour. Les journalistes râlent. Même les plus professionnels diront au moins une fois “c’est un chef-d’œuvre !” ou “c’est une merde !” de films qui, une fois de retour à Paris, ne seront en fait ni l’un ni l’autre. Il y a l’alcool, la drogue, le sexe. Il y a les plans foireux qui vous font trinquer à la bière tiède dans un coin de rue avec des journalistes de renom.

Cannes, c’est le temple du cliché. Du champagne qui coule à flots, des plages avec DJ qui jouent toute la journée, des évènements qui n’ont aucun sens, de la pluie aussi.

Le cliché, on se vautre dedans. Il faut l’embrasser, s’en recouvrir. Alors, par snobisme, on sort ses lunettes de soleil, les robes habillées dès 15h, on a un avis tranché sur les films dès qu’on a mis le pied dehors alors qu’on sait très bien qu’un avis ça se mûrit.

C’est un univers parallèle dans lequel il faut entrer. Cet exercice demande un engagement total. Même le plus profond mépris pour tout ça demande un engagement total. C’est une pose, une posture. Il faut choisir son camp.

Moi, je choisis de le vivre à fond. Je pose ma valise dans ma chambre et j’enfile une robe qui ne laisse pas beaucoup de place à l’imagination. Je sors les talons hauts alors que je sais que dans 15 minutes je vais me maudire. Mais il faut jouer le jeu.

Et si le trajet en train laisse s’installer une douce mais déprimante torpeur, il ne faut pas une minute pour me jeter dedans à corps perdu. La machine s’emballe. Récupérer les clés de la colocation, filer au bureau des accréditations, m’exclamer et embrasser tous les camarades que je croise dans la rue. Ils sont tous là, déjà. La fête peut commencer.

Et très vite, la fête peut effectivement commencer avec le premier film de la compétition officielle présenté à la presse : Timbuktu d’Abderrahmane Sissako.

J’ai été touchée par la grande poésie et l’humanité que le réalisateur a insufflées dans ce portrait de ville troublant. Timbuktu raconte comment une ville change de visage quand les jihadistes prennent le pouvoir. Les hommes restent des hommes mais les règles se font plus intrusives, plus annihilantes, plus humiliantes que jamais. Et à côté de ça, sans manichéisme aucun, il y a la beauté qui reste, quelques esprits frondeurs, des gens qui souhaitent vivre tout simplement.

C’est un film nécessaire, accessible, profondément beau, dont une scène en particulier va probablement me hanter (en bien) pendant de longues semaines, c’est une partie de football sans ballon. Les jihadistes interdisent la balle mais ils ne peuvent interdire l’esprit du football, l’envie de jouer ensemble, le rêve d’un ailleurs qu’il représente. C’est une métaphore qui prend vie sous nos yeux. Un grand moment de poésie au cinéma.

carte1LA RENCONTRE DU JOUR :

Cannes, c’est aussi des rencontres. Improbables, souvent. Toujours heureuses chacune à sa manière. Pour comprendre pourquoi cette rencontre en particulier est importante, il est nécessaire de la remettre dans le contexte. J’arrive de Paris, la grisaille dégouline sur ma triste mine et mes vêtements (trop chauds), et j’arrive dans une nouvelle colocation (je ne connais ni l’appartement ni le propriétaire). Ayant trouvé le bon plan sur Le bon coin, j’ai imaginé dans le train les pires scénarios de plan catastrophe (dont certains avec un proprio serial killer ou encore avec un appartement avec des chatons cloués aux murs). Je découvre une charmante maison, m’installe dans la cour et me fait alpaguer de la fenêtre du rez-de-chaussée. L’appartement du rez-de- chaussée est en effet habité par un groupe de festivaliers mexicains dont Pablo Gleason. Il est jeune, sympathique mais surtout réalisateur. Il gère aussi une association qui fait la promotion d’un cinéma tourné sur l’autre et s’occupe aussi de la programmation des “Jeudis du doc”, une sélection de films documentaires mexicains présentés à l’Action Christine à Paris. Nous parlons peu de cinéma mais je suis tout de suite emportée par l’ambiance bon enfant qui règne ici. Ça parle anglais, français, espagnol. Certains font cuire des tortillas à la cuisine (quand je vous parlais de cliché… celui-là sentait très bon) et on me met une bière dans les mains avant que j’aie eu le temps de me présenter. Quand le propriétaire arrive, on échange les cartes de visite en se promettant de partager à nouveau des bières. Cannes, c’est aussi et surtout ça. Un melting-pot coloré et bruyant, le grand écart permanent entre paillettes guindées et déconcertante humanité. Tout ce que j’aime.

Lucile Bellan

A découvrir sur Artistik Rezo :
– Cannes 2014 : le jury, les attentes,
jour 0, jour 2

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