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Cannes en direct – Icônes

17 mai 2010
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Ça n’a pas dû le faire sourire, Thierry Frémaux, ce petit mot d’excuses signé Jean-Luc Godard ! Lundi matin, “suite à des problèmes de type grec” – une formule alambiquée pour désigner une crise, la sienne ? – le cinéaste suisse a finalement préféré la quiétude de son lac Léman aux  tièdes rouleaux de la mer Méditerranée. Sale coup – ou mauvaise vague – pour le délégué artistique du Festival de Cannes : la star des conférences de presse n’est donc pas venue défendre, comme il l’avait pourtant laissé entendre, son nouvel opus, Film socialisme.

 

A la presque mi-temps de cette glorieuse manifestation, cette légende du 7e art aurait pourtant gentiment fait office de “booster” sur la Croisette. Sinon d’accélérateur de passions ! Hé oui, parfois, entre deux projections hélas concomitantes et une bonne demi-heure de queue journalière pour accéder au “saint du saint” (les salles du Palais qui, comme son nom l’indique, est assez peu démocratique en terme d’entrée), on peut avoir tendance à s’essouffler…

 

De fait, puisqu’il s’agit avant tout d’une Quinzaine cinéphile (hum, hum…), disons le tout net : le nouvel opus de Godard en forme de triptyque est assez ennuyeux. Répétitif, faussement provocateur et finalement assez daté, il a dûment été projeté dans le cadre de la sélection “Un certain regard” – puisque c’était l’idée d’origine – et a su drainer, malgré tout, une bonne petite foule moyenne (de journalistes et de gens du métier, pour le grand public… on verra après). Signe, en tout cas, que si Jean-Luc Godard est las du tumulte cannois, il reste un formidable communicant : les festivaliers, ce lundi, ne parlaient bien évidemment que de sa désaffection. Un buzz d’autant plus opportun que Film socialisme sort en salles mercredi prochain (il est également disponible, moyennant finances, en VOD jusqu’à mardi soir sur FilmoTV.fr)…


Bien jouée, cette “bande à part” signée Godard ? On conçoit, évidemment, que ce presque octogénaire, désormais plus célèbre pour ses aphorismes de quasi-gourou que pour sa filmographie, n’ait plus envie d’alimenter ce jeu des célébrités. D’autant plus que ses longs métrages – son dernier en date, une fois encore – ne cessent de questionner l’image, les images, leur sens, leur morale, leur validité. En cette période de crise, de cynisme, de banqueroute et d’exclusion, c’est assez judicieux. En même temps, pour être venu sur la Croisette à moult reprises et depuis fort longtemps, il sait bien le “grand cinéaste”, que s’il y a un lieu et un moment où cette société-spectacle peut éventuellement sembler légitime – à sa place, en tout cas – c’est  à Cannes, pendant son Festival du film.


Car ici, plus qu’ailleurs, quelles que soient les circonstances, la notion d’icône est une réalité ! Godard, précisément, en est une, avec ses fidèles et leurs chapelles. Toujours. Pas la plus détestable, d’ailleurs. Ni la plus fugace (“A bout de souffle” et “Pierrot le fou” restent deux œuvres majeures). Au royaume du glamour et de la fulgurance – même artificielle – nombre de ses semblables,  entendez des demi-dieux de l’Olympe Cinéma – ne bénéficieront pas forcément de la même mansuétude officielle et critique. Ni de la même pérennité.


Un chemin de croix pour Inarritu et Javier Bardem


Prenons, par exemple, le chouchou cannois qu’est le réalisateur mexicain Alejandro Gonzalez Inarritu.   Sélectionné à Cannes par deux fois, d’une façon ou d’une autre (pour “Amours chiennes”, à la Semaine de la Critique, et pour  “Babel” en compétition officielle) : il ne lui manquerait qu’une Palme d’or, selon ses inconditionnels (nombreux), pour que son oeuvre, foisonnante, vibrante, essentiellement bouleversante, soit (enfin) reconnue à sa juste valeur. Pas sûr, néanmoins, que “Biutiful”, son nouveau film projeté lui aussi ce lundi, le conduise, cette année, vers la première marche du podium.


Car cette fois, l’icône (donc) du nouveau cinéma latino donne à voir le chemin de croix très sombre et assez chargé d’un père de famille en marge, dans la Barcelone populaire, qui frôle in fine le calvaire ! Même nanti de l’excellent Javier Bardem – applaudi pendant la projection, c’est dire le degré “d’i-connerie” de certains spectateurs – il est possible que son statut idolâtre rétrograde un tantinet pour le coup. Inarritu est de fait bel et bien un artiste, avec ses hauts, ses bas, ses errances, ses excès, ses doutes. Justes et touchants, de toute façon. Parlants. Bien plus… que le silence d’un certain  monsieur Godard, en tout cas !


Beat Takeshi, Sean Penn… et “Tout ce qui brille”


Alors, si même les surdoués déçoivent, qu’attendre de cette deuxième semaine, toujours selon les critères “icôniques” ? Takeshi Kitano, peut-être ? Acteur-réalisateur-scénariste insaisissable à force d’être multicartes et touche à tout, immense star chez lui au Japon, créateur archi adoubé en France (exposition à la fondation Cartier à Paris, rétrospective au Centre Pompidou, etc) : là encore, on est dans l’adoration. A priori. Car “Outrage”, sa nouvelle proposition signée Beat Takeshi – parodie sanglante, exhaustive et efficace des films de yakuzas – n’a pas fait l’unanimité dimanche soir.


Quant à l’autre étoile absolue de ce firmament somme toute précaire – Sean Penn – la rumeur veut qu’il ait choisi de ne pas se déplacer lui non plus (on l’attend jeudi pour “Fair game” de l’improbable Doug Liman). Comment, quoi, qu’est-ce ? Serait-ce une malédiction ? Ou un brusque sursaut de simplicité (politique) face à la crise dévastatrice alentour (Sean Penn, on le sait, est un homme de convictions et de combats…) ? Ce défaut d’icônes, s’il n’entache pas encore tout à fait cette 63e édition, surprend un peu – c’est déjà ça – et… libère pas mal d’espaces, finalement, à tout ceux et celles qui rêvent de le devenir. Ou de le rester.


On pense, par exemple, à Alain Delon et Claudia Cardinale, venus tous deux fouler le tapis rouge, samedi, à l’occasion de la projection du “Guépard” de Visconti en version restaurée. Opiniâtre tandem. Ou à Géraldine Nakache, Leïla Bekhti et Audrey Lamy qui, dimanche soir, se sont joyeusement prêtées au rituel “flashy” de la montée des marches. Adorable trio. Juste pour mémoire, le titre de leur film, c’est… Tout ce qui brille. En plein dedans, hé, hé…


Ariane Allard

 

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