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Entretien avec Amélie Chatellier, déléguée générale de l’Agence du Court Métrage

Au cœur du Short Film Corner à Cannes nous avons eu l’occasion de poser quelques questions à Amélie Chatellier, déléguée générale de l’Agence du Court Métrage. L’occasion de revenir sur les actions mises en place pour protéger une création cinématographique souvent délaissée et à tort : le court métrage !

Tout d’abord, à quoi ressemblent votre bureau et vos locaux ?

L’Agence du Court Métrage est une association qui fête ses 40 ans cette année et qui loue des locaux depuis 2014 au sud de Paris, ce sont des locaux où toute l’équipe est assemblée. Je dirais que la spécificité des locaux est qu’on a la chance assez exceptionnelle, par rapport au secteur, d’avoir une petite salle de cinéma. D’un point de vue architectural, elle est située au centre du bâtiment, cette salle de projection est très utilisée par les salariés de l’équipe qui peuvent visionner tous les nouveaux films qui entrent dans le catalogue sur grand écran. Elle fait 40 places, c’est une petite salle mais elle a toutes les caractéristiques d’une grande.

La deuxième chose, c’est que l’Agence du Court Métrage est un lieu de conservation pour le 15 000 films de notre catalogue et, dans les sous-sols, il y a des trésors comme des copies 35 mm des films que l’on conserve et bien sûr tous les fichiers numériques.

À quoi ressemble votre quotidien et celui de l’agence ? Est-ce que vos missions sont polyvalentes ou est-ce que chaque poste reste fixe ?

Non, l’équipe de l’agence est plutôt grande, on est 30 et on est tous au service de la même mission qui est la promotion et la diffusion du court métrage “sur tous les écrans et pour tous les publics”. Autour de ça, s’organise une équipe éditoriale qui s’occupe de la diffusion et des ventes des films, une équipe plutôt tournée vers la transmission et l’accompagnement des œuvres, on a une revue de cinéma et une plateforme SVOD. Et puis, on a un service technique qui s’occupe notamment de la numérisation des films. Et la mission principale est l’idée qu’un film a une valeur économique et donc on reverse des droits d’auteur aux artistes que l’on représente.

Cette année, c’est presque 700 000 € de recettes reversées sur toutes nos activités de distribution.

Est-ce que vous voyez un reflet de l’évolution de la société au fil des années et des films qui entrent dans le catalogue ?

Très bonne question ! Les courts métrages sont les premières œuvres réalisées par de jeunes artistes qui entrent dans la création cinématographique, je ne sais pas s’ils sont a fortiori forcément les reflets de la société, mais ils sont en tous cas souvent plus novateurs, plus risqués et plus en phase avec certaines problématiques qui sont celles de la jeunesse. Il y a des thématiques et des sujets qui sont plus en lien avec la jeunesse et les nouvelles générations.

L’agence fête ses 40 ans cette année, quels sont les évènements prévus pour
cet anniversaire ?

L’agence s’est créée en 1983 en effet, dans un grand moment dans l’histoire de la culture avec l’arrivée de Jack Lang au ministère. On a souhaité fêter l’histoire et mettre en avant le futur.

On a eu envie de fêter cet anniversaire en bonne compagnie donc on réalise une tournée à travers les différents festivals de courts métrages dont on est partenaire. On a commencé à Clermont-Ferrand et on terminera là-bas aussi l’année prochaine et entre les deux s’intercalent un certain nombre d’événements et de projections avec différents festivals. À chaque fois, on anime et on construit des séances uniques avec nos partenaires ce qui nous permet de mettre en avant des films très spécifiques de notre catalogue en fonction de la ligne éditoriale du festival où nous sommes.

(Retrouvez la liste des festivals ici)

Est-ce que selon vous, le passage du court au long métrage est inévitable ou est-ce qu’il est toujours possible de faire carrière dans le court métrage ?

Je ne sais pas s’il est inévitable ni même parfois toujours souhaitable. À l’Agence du Court Métrage, on défend le court métrage en tant qu’œuvre cinématographique à part entière donc on ne la juge pas mieux parce qu’un auteur à fait un long. On est là pour promouvoir des talents et qu’un réalisateur sur deux qui fait un long métrage est passé en amont par le court. Le court, c’est l’endroit où l’on fait ses premières armes et où l’on découvre son équipe, mais de fait, tous les cinéastes ne passent pas au long métrage par manque de moyens ou d’envie par exemple.

Par ailleurs, passer au long ne veut pas toujours dire abandonner le format court. La longueur d’un film dépend de la longueur du récit, on apprécie particulièrement quand un réalisateur fait un retour au court métrage parce que c’est le format qui correspond le plus à l’histoire qu’il veut raconter.

On a pu d’ailleurs voir ça avec le cas de Pedro Almodovar qui est venu à Cannes présenter son prochain film qui est un court métrage : Strange Way of Life avec Pedro Pascal et Ethan Hawke.

Entretien avec Amélie Chatellier

On est ici à Cannes, quel est l’intérêt pour vous d’être présent ?

À Cannes on fait plein de choses, on est un partenaire fidèle de l’espace court métrage : le Short Film Corner, on fait à la fois la promotion des films qu’on vient d’acquérir, on en présente 9 cette année dans les différentes sélections (4 à la Semaine de la Critique, 4 à la Quinzaine des Cinéastes et 1 dans la compétition officielle). C’est aussi l’occasion de découvrir les émergents, les jeunes professionnels qui s’insèrent dans le cinéma, c’est l’occasion de leur présenter ce que peut proposer l’agence. On essaye de voir aussi les longs métrages des cinéastes qu’on a pu suivre par le passé, ils sont 23 dans la sélection cette année.

La temporalité entre le court et le long est totalement différente ?

Oui, c’est beaucoup plus doux et étalé dans la longueur, en même temps ce n’est pas aussi spectaculaire, un film qui marche bien c’est un film qui fait 60 projections, par contre ça peut durer pendant 10 ans. On a des classiques de catalogue qui tournent depuis 20 ans par exemple.

Est-ce que l’arrivée de la SVOD et du digital est une opportunité pour la diffusion des courts métrages ?

Oui en effet, le digital constitue une bouffée d’air frais et une grande opportunité pour accélérer la visibilité de nos cours. On a entamé ce chantier en 2017. À l’agence, on joue sur deux jambes, on est à la fois mandataires de droits, ce sont les films qu’on a en distribution et on est partenaires de plus de 45 plateformes en France et à l’étranger et en parallèle on a notre plateforme qui s’appelle Bref Cinéma. Promesse, c’est “le meilleur du court métrage en VOD”. On présente en moyenne une centaine de courts métrages en simultané, les films tournent, ils restent 6 mois avant d’être remplacés à hauteur de 3 nouveaux courts par semaine. Et on réfléchit à développer la TVOD pour acheter les courts métrages individuellement pour ceux qui auraient raté la diffusion d’un court métrage avant son retrait de la plateforme.

Quel est selon vous le lien entre la salle et le court ? Il y a des diffusions qui se font de courts métrages avant des films un peu comme les premières parties d’un concert. Est-ce qu’il est envisageable de diffuser des courts métrages seuls ?

Ça me semble essentiel parce que le court métrage reste une œuvre de cinéma, le court sur grand écran existe lors des festivals par exemple, après, on a dispositif qui s’appelle l’extra-court qui vise à diffuser des courts avant les films. Mais pour des questions de durée des séances on ne peut pas diffuser en avant-séance des films de plus de 6 minutes. Cela représente 12 000 actes de programmation par les salles de cinéma.

Comment est-ce qu’on peut envisager l’intégration de plateformes comme YouTube qui est une plateforme de création ?

Il y a des salles de cinéma qui ont des chaînes YouTube et à qui l’on a pu vendre, par le passé, des courts métrages à diffuser. Après, à l’agence, rien ne s’oppose à faire entrer des productions YouTube dans nos catalogues. Ce sont des productions qui ont moins tendance à venir vers nous en revanche. Mais un film qui a un numéro de VISA (ce qui est le stricte minimum pour inscrire un film à l’Agence du Court Métrage) il n’y a pas grand chose qui s’oppose à ce que les films nous arrivent.

Merci beaucoup à Amélie Chatellier pour le temps qu’elle nous a consacré pendant cette semaine de festival bien chargée, nous vous invitons à suivre l’actualité de l’agence à travers les différents festivals où elle va se rendre pour fêter ses 40 ans et à découvrir le catalogue de Bref Cinéma !

Réalisé par Loïc Vallet et Lou Bulthé-Maingard

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