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Flora Kaprielian : “La force du théâtre était bien plus grande que ce que j’imaginais”

Célia Buhlmann 28 mars 2022
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© Christèle Billault

Flora Kaprielian est depuis toujours animée par le théâtre. Comédienne sur les planches et à la barre, elle nous raconte son parcours, de ses études à sa place aujourd’hui, dans le monde du doublage.

Pouvez-vous vous présenter ? 

Je m’appelle Flora Kaprielian. Je suis comédienne.

Titulaire d’une maitrise LEA (Langues Etrangères Appliquées) anglais-espagnol, mention commerce et affaires, j’ai parallèlement à mes études suivi une formation d’art dramatique au Conservatoire national de région de Cergy-Pontoise, où j’ai appris les bases du théâtre classique et contemporain auprès d’Hubert Jappelle.

J’ai ensuite intégré une école de théâtre privée à Paris, sous la direction de Raymond Acquaviva, afin de compléter ma formation et de me confronter à la réalité du métier.

Même si j’ai assuré mes arrières en faisant des études universitaires, j’ai toujours su au fond de moi que je voulais devenir comédienne. J’étais passionnée par le théâtre. J’ai eu la chance d’avoir des parents qui m’ont soutenue dans mes choix, malgré une grosse appréhension au départ. À force de travail et de persévérance, j’ai réussi à les convaincre que ce n’était pas juste un caprice mais que j’étais animée par une envie profonde de faire ce métier.

Grâce à mes connaissances en langues étrangères et mon goût prononcé pour la communication, j’ai travaillé dans plusieurs domaines (aviation d’affaires, hôtellerie, accueil, vente aux enchères…). Je prenais des cours, je travaillais à mi-temps, je jouais au théâtre le soir. Jusqu’au jour où j’ai réussi à obtenir mon statut d’intermittente du spectacle. À partir de là, j’ai enfin pu me consacrer entièrement à mon métier de comédienne.

En plus de votre activité dans le doublage, vous avez joué au théâtre. Quel est votre plus beau souvenir sur les planches ? 

Je n’ai pas un souvenir en particulier. J’en ai des tas. Chaque expérience sur scène est magique et inoubliable. Le contact avec le public, l’émotion qu’on ressent lorsqu’on est sur scène, le dépassement de soi-même, c’est quelque chose de difficile à décrire, mais à chaque fois c’est enrichissant.

Il y a 6 ans, je jouais le week-end dans une comédie humoristique. J’ai perdu mon grand-père la veille de la représentation. Je suis arrivée en larmes au théâtre, j’étais très triste… mais étrangement, j’ai ressenti le besoin de monter sur scène, de jour la comédie, d’être entourée de mes camarades de jeu et de faire rire le public. Le temps de la représentation, je me suis évadée… ça m’a permis de tenir le coup. Je ne pensais pas en être capable, ce jour-là, je me suis surprise moi-même. Mais j’ai aussi compris que la force du théâtre était bien plus grande que ce que j’imaginais…

De quelle façon êtes-vous arrivée dans le monde du doublage ? 

Un jour, un de mes amis proches, ingénieur du son, m’a proposé de venir assister à une séance de jeu vidéo qu’il enregistrait dans un studio parisien. J’y suis allée et j’y ai fait la connaissance d’un comédien, également directeur artistique, qui m’a proposé de venir assister sur ses plateaux de doublage. De fil en aiguille, j’ai rencontré d’autres comédiens, d’autres directeurs artistiques. J’ai commencé à assister régulièrement à des séances de doublage, et de temps en temps je passais un essai à la barre comme on dit dans le milieu. À force de persévérance, au bout de quelques mois, j’ai obtenu mon premier cachet et c’est ainsi que tout a commencé et que j’ai appris le métier.

© Christèle Billault

Est-ce que le doublage est votre activité principale ? 

Oui, mais je fais également de la “voice-over” (traduction française par-dessus la voix originale que l’on entend encore), de la narration, du jeu vidéo, du livre audio, un peu de publicité, et je prends des cours de chant, en vue de préparer des auditions de comédie musicale, un de mes rêves…

Pourriez-vous nous raconter le déroulé d’un enregistrement (doublage) ? 

Lorsque l’on vient enregistrer un rôle sur un plateau de doublage, on ne sait pas toujours sur quel projet on va travailler… D’où l’intérêt d’avoir un-(e) directeur-(trice) qui nous briefe sur l’histoire, le contexte et le personnage à interpréter, que ce soit pour un film ou une série. Bien souvent, c’est le directeur artistique qui caste les comédiens. Donc, à priori, si on a été choisi pour interpréter un personnage, c’est que ce dernier nous correspond. Reste ensuite à interpréter le rôle en essayant de coller le plus possible aux intentions et au jeu du comédien original. On se met au service d’un ou d’une comédienne qui a déjà interprété le rôle, donc notre travail est de proposer une interprétation qui respecte avant tout la version originale, même si on propose forcément une part de nous-même.

Les scènes sont découpées en “boucles”. On visionne chaque boucle une ou deux fois, en version originale, avec la traduction française qui défile sur une bande rythmo (en-dessous de l’image). La bande rythmo est une zone défilante sur laquelle les dialogues sont inscrits, elle défile horizontalement et son défilement est synchronisé sur la vidéo. Cela est possible grâce au travail des détecteurs-adaptateurs qui ont travaillé en amont.

Puis, l’ingénieur du son repasse la scène mais cette fois-ci, sans le son, en enregistrant la voix du comédien qui se trouve à la barre, face au micro.

On essaye de ne pas dépasser deux ou trois prises par boucle… C’est le directeur ou la directrice artistique qui décide si le résultat convient ou non. Tant qu’il ou elle n’a pas ce qu’il ou elle veut, on recommence. Mais on ne reprend pas forcément la totalité, on garde ce qui est bien fait et on refait uniquement les passages qui nécessitent d’être améliorés. L’ingénieur du son tient donc également un rôle essentiel. Parfois, on enregistre seul face à la barre (ce qui fut le cas avec la pandémie), et d’autres fois on peut se donner la réplique à plusieurs.

Combien de temps faut-il pour parvenir au résultat souhaité ? 

Aujourd’hui, les délais d’enregistrement sont très courts, surtout pour les séries.

De manière générale, il faut être très concentré et efficace, d’où le fait que les comédiens de doublage sont triés sur le volet. Il n’y a pas de règles sur le nombre de prises nécessaires. Le résultat doit être au rendez-vous donc on refait la prise tant qu’elle n’est pas bonne. Mais si vous voulez qu’on vous rappelle, mieux vaut être performant !

© Christèle Billault

Votre CV… Y a-t-il des personnes que vous doublez depuis un certain temps ? Si oui, lesquelles et pour quelle réalisation ? 

J’ai doublé quelques comédiennes plusieurs fois sur différentes choses, mais cela ne veut pas dire pour autant qu’elles me sont attitrées. Ce n’est pas parce que je les ai doublées sur un film ou une série qu’on fera forcément appel à moi sur d’autres projets.

Cependant, on me parle souvent de la comédienne Alisha Boe, que j’ai doublée dans le rôle de Jessica Davis dans la série 13 Reasons Why (à partir de la saison 2 !). J’ai également doublé Jodie Sweetin dans la série La fête à la maison 20 ans après, dans le rôle de Stephanie Tanner. Et plus récemment, j’ai doublé la comédienne Megan Tandy dans la série Batwoman, dans le rôle de Sophie Moore.

Pour les curieux, l’essentiel de ma voxographie est visible sur ma page RSdoublage.

Ainsi, pour des raisons de confidentialité, je ne suis pas autorisée à divulguer les projets sur lesquels je travaille actuellement.

Quelles qualités citeriez-vous comme essentielles pour faire du doublage ? 

La réactivité, la concentration, l’humilité, la persévérance, le sens de l’écoute, la sensibilité artistique et le goût du travail. Et surtout, pour faire du doublage, il faut être comédien-ne. Ensuite, il y a toujours un petit facteur chance… Être au bon endroit au bon moment, il faut y croire !

Page RSdoublage de Flora Kaprielian


Propos recueillis par Célia Buhlmann

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