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Interview Charlotte Garson, rédactrice en chef adjointe des Cahiers du Cinéma

Charlotte Garson à gauche sur l'image

Cette année à Cannes nous avons pu faire la rencontre de Charlotte Garson et la questionner sur son parcours en tant que critique cinéma aux Cahiers du
Cinéma, magazine de référence dans le milieu du 7e art. Nous avons pu évoquer son parcours, ses attentes pour cette édition 2023 et en apprendre plus sur le métier de critique de cinéma.
Bonne lecture…

Depuis quand êtes-vous aux Cahiers du Cinéma ?

J’ai écrit de 2001 à 2013. Je suis partie quelques années pour revenir en tant que rédactrice en chef adjointe il y a trois ans, en mai 2020.

Vous êtes dans une revue consacrée au cinéma, à partir de quand est-ce que vous avez commencé à vous forger votre cinéphilie ?

Je pense plutôt enfant qu’adolescente ce qui fait que, contrairement à certains collègues qui aiment les films d’après les années 60, assez violents, les films de genre, ma cinéphilie est beaucoup plus portée sur le cinéma classique américain.

Qu’est-ce qui vous est venu en premier, le journalisme ou le cinéma ?

Le cinéma ! Et l’écriture, mais sous la forme d’études littéraires. On apporte autant de soin à l’écriture qu’à la cinéphilie elle-même dans nos quotidiens. Quant au journalisme, il est un peu éloigné de l’exercice de la critique même s’il y a une partie journal dans les Cahiers du Cinéma.

Est-ce que dans la rédaction de vos critiques vous avez des rituels que ce soient des rituels extérieurs à l’exercice d’écriture : un bureau, un stylo, un carnet ou autre ou des rituels dans la manière d’organiser votre rédaction ?

La première chose, c’est que je prends des notes pendant la projection, qui sont presque illisibles évidemment. C’est une façon d’inscrire quelque chose du film et je m’en sers après quand je dois me remémorer la part de description pour faire revivre un film. Une fois que je commence à écrire je n’ai pas de plan ni de marche à suivre mais en écrivant j’essaye de tirer un fil d’analyse ou un élément particulier du film. Essayer de tirer quelque chose de particulier qui sort du flot.

Est-ce qu’il y a à Cannes une compétition qui attire plus votre attention que
les autres ?

La compétition m’intéresse toujours et puis la Quinzaine qui s’appelle cette année la Quinzaine des cinéastes et non plus des réalisateurs. Et qui a changé de directeur cette année, Julien Rejl. On est toujours curieux quand quelqu’un arrive de voir ses propositions. Ici elles sont assez radicales avec des cinéastes très peu connus, souvent débutants. Je suis particulièrement curieuse de la sélection cette année.

Est-ce qu’il y a un élément spécial ou particulier sur votre bureau ?

Il y a énormément de papiers en tout genre, beaucoup d’anciens numéros des Cahiers de toutes les époques, des stylos parce qu’on continue d’écrire à la main et des pages de carnets.

Est-ce qu’il y a une émission, un auteur, un écrivain, un critique qui vous a
aidé à forger votre manière d’écrire ?

Il y en a plusieurs. On revient toujours aux textes d’André Bazin, c’est un peu ancien mais il a une écriture limpide qui pouvait écrire plusieurs textes sur un même film en fonction des supports et des approches. Il a été critique et théoricien du cinéma avec un langage métaphorique mais pourtant très clair.

Pour nous, Cahiers du Cinéma, reste une référence. Plus récemment, quand je suis arrivée aux Cahiers du Cinéma, le rédacteur en chef était Charles Tesson et j’aime beaucoup la façon dont il écrit. Il y a des plumes qui sont dans l’analyse et la pédagogie et c’est ce qui m’intéresse.

Comment vous viennent les références que vous glissez dans vos critiques ? Est-ce qu’elles sont toutes répertoriées dans votre tête ou est-ce que vous replongez dans des notes pour faire des liens ?

C’est malheureusement dans mon cerveau, j’ai une assez fâcheuse tendance à le faire. Comme nous nous corrigeons à trois, puisqu’on est trois dans la rédaction, parfois on enlève des références et des parenthèses, il en reste encore beaucoup aux Cahiers du Cinéma. C’est vrai que souvent je pense par rapprochement, ce qui est bien et pas bien parce que l’objet lui-même ne doit pas être une idée à partir d’autres films. J’ai des notes qui sont aussi des notes d’intuitions.

Est-ce que vous êtes complètement maître dans le choix des films dont vous parlez ou est-il est possible que la rédaction vous demande le traitement d’un film en particulier ?

Depuis que je suis dans la rédaction en chef c’est plutôt nous qui attribuons les films et les sujets à la rédaction mais la particularité aux Cahiers du Cinéma c’est que les rédacteurs en chef écrivent aussi, on reste critiques. Il faut faire un choix, y compris pour soi. Il n’y a en tout cas pas de pression qui seraient liées à de la publicité ou un partenariat ou des liens financiers. On est entièrement libres d’écrire ce qu’on veut, c’est plutôt l’autocensure à laquelle il faut réfléchir et les limites d’analyses. Il y a une autocensure qui est de ne pas écrire sur un film parce qu’on n’aurait pas vu les précédents de la réalisatrice ou du réalisateur, notre idée de la critique ce n’est pas ça, la critique c’est de réagir à chaud sur une expérience de visionnage qu’on vient d’avoir et sa propre culture. L’idée qu’il pourrait y avoir des spécialités à l’intérieur des Cahiers du Cinéma n’est pas tellement la nôtre.

Est-ce qu’on peut se permettre d’inclure dans la rédaction d’une critique des
sentiments personnels ou est-ce que par essence la critique est totalement
objective ?

On ne peut pas rester objectif, je pense que la subjectivité est consubstantielle à toute écriture critique, donc il ne faut pas s’inquiéter elle y sera la subjectivité. C’est vrai que je n’utilise pas le “je” parce que j’estime que la subjectivité sera présentée par le choix de ce dont je parle dans le film qui est restreint par rapport au reste du film. Il y a quand même un horizon d’objectivité, si ça peut dire quelque chose. C’est à dire que l’ambition n’est pas seulement de dire si le film nous a ému ou pas, quelles humeurs il nous a fait traverser mais quand même d’en faire quelque chose, qu’est-ce que je peux dire du film au-delà de moi et de mon ressenti.
La personne qui vous lit se fiche de la personnalité de celui qui écrit, il faut retranscrire ce que le lecteur a pu voir pendant son visionnage mais qu’il n’avait peut-être pas réussi à formuler.

Propos recueillis par Lou Bulthé-Maingard et Pierre Gaffié

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