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Interview – Monia Chokri – Niels Schneider – Les amours imaginaires

1 octobre 2010
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AMOURS

Elle, c’est Monia Chokri. Venant du théâtre, elle a débuté au cinéma dans L’âge des ténèbres de Denys Arcand. Lui, c’est Niels Schneider, déjà vu dans J’ai tué ma mère du même Xavier Dolan. Deux acteurs au centre de ces Amours Imaginaires et qui ont tout pour plaire. Rencontre.

Avez-vous tous les deux débuté vos carrières par le théâtre et le court-métrage ?

Monia : J’ai commencé en faisant le conservatoire de théâtre à Montréal. J’en suis sorti en 2005 et je joue donc depuis cinq ans. J’ai tourné pour plusieurs courts-métrages et j’ai fait une petite apparition dans le film de Denys Arcand, L’âge des ténèbres.

Niels : Moi j’ai fait du théâtre amateur, ce qui m’a donné le goût du jeu, mais je ne viens pas du milieu théâtral à proprement parler. En revanche, j’ai commencé par un long-métrage avant d’aborder le court. C’était avec Tout est parfait de Yves-Christian Fournier.

Abordez-vous de la même façon le court-métrage et le long-métrage ?

Monia : Non, c’est très différent comme travail. Sur un court-métrage, on est là trois à cinq jours avec une équipe réduite, tu travailles avec de très jeunes réalisateurs. Mais c’est vrai que sur Les Amours Imaginaires, on avait aussi peu de moyens mais plus de temps. Il est différent d’interpréter un personnage pendant vingt-cinq jours ou pendant une semaine. J’adore tourner dans des courts-métrages surtout si l’histoire est bonne et avec un bon réalisateur.

Niels : Dans les courts-métrages que j’ai pu faire, le réalisateur souhaitait faire un long-métrage mais n’avait pas forcément les moyens d’en réaliser un. Le court-métrage est un médium en soi et il y un format scénaristique pour cela. Mais cela est une bonne expérience quand l’on se retrouve par la suite sur des plus grands plateaux de tournage. Parfois, on ne se rend pas compte de la difficulté de tourner un court-métrage et des moyens que cela demande. C’est un format que j’aime beaucoup.


Comment vous êtes-vous rencontrés ?

Monia : Par Xavier.

Niels : On ne se connaissait absolument pas, il m’a présenté Monia durant une soirée et nous sommes partis un mois et demi ensemble en road trip.

Monia : De là a découlé le film, notre amitié et notre fraternité.

Vers la fin du film, il y a une scène assez émouvante entre vous deux où le personnage de Monia se confie à Nicolas…

Niels : C’est une scène très forte je trouve.

Monia: Pareil. Elle est d’autant plus puissante qu’il s’agit d’un plan-séquence. C’est vraiment un travail d’équipe où l’on est tous concentrés et où il ne doit pas y avoir la moindre erreur. On a dû faire dix prises avant de la réussir.

Niels : Ce que je trouve avant tout génial dans cette prise, c’est que le personnage de Monia n’a plus d’espoir et elle le sait. Pourtant, elle y va et c’est tragique pour elle.

Monia : Moi, j’ai surtout honte pour le personnage !

Niels : Mois aussi en fait (rire) ! Même si mon personnage est totalement indifférent à ses propos. Il y a quelque chose de cruel dans ce dialogue et surtout dans ma réponse.

maris_et_femmesDe qui vous êtes vous inspirés pour vos personnages ?

Monia : J’avais en tête Judy Davis dans Maris et femmes de Woody Allen. C’est un personnage très froid, très rigide, très cérébral et avec beaucoup de fragilité. Dans l’esthétisme, c’était plus Audrey Hepburn, Anna Karina, toute cette époque des années 50-60.

Niels : Pour moi, c’était Tadzio dans Mort à Venise de Visconti. J’aime son côté sobre, très neutre. Il fait passer des signes plus qu’ambigus voire même de la perversité. J’ai beaucoup pensé au côté nonchalant de Belmondo dans A bout de souffle aussi.


Lors de la première projection du film, avez-vous été contents du résultat et avez-vous aimé vous voir au ralenti ?

Monia : Mon cas est assez particulier car on tournait la journée avec Xavier et on allait voir les rushs chez moi le soir. J’avais donc déjà une idée de ce que cela allait donner. Lors de la première vision, j’ai réussi à voir le film dans son ensemble et à me distancier de mon personnage.

Niels : Je suis incapable de me voir à l’écran, cela me donne presque des boutons ! Je deviens crispé et nerveux, c’est une chose impossible. Je préfère regarder la réaction des gens dans la salle plutôt que me voir.

Y a-t-il pour vous un avant et après Amours Imaginaires ? Vous reconnaît-on plus dans la rue à Montréal par exemple ?

Monia : On ne me reconnaît pas trop, toi beaucoup plus que moi.

Niels : C’est parce que je n’ai pas trop d’appartement ! En fait j’habite à Montréal chez ma copine mais je bouge sans arrêt dehors.

Monia : Il faut dire aussi que physiquement, toi et ton personnage vous vous ressemblez beaucoup. De mon côté, j’ai les cheveux tirés, des robes vintages, les gens font certainement moins le rapprochement quand ils me croisent. Cela m’arrive tout de même mais c’est rare et je suis à chaque fois étonnée.

Le film est sorti en juin dernier au Québec. A-t-il eu un impact sur la jeunesse québécoise ?

Monia : C’est un peu difficile à juger mais il me semble que oui. J’entends plusieurs personnes qui reprennent d’ailleurs certaines phrases du film. Disons que cela a changé quelque chose pour les jeunes cinéastes québécois. Je crois que cela leur a donné de l’énergie pour tourner à leur tour un film sur leurs expériences.

Niels : La musique joue aussi un rôle très important. La scène musicale est plus importante que le cinéma au Québec même s’il y a quelques cinéphiles. Je crois que la plupart des jeunes se sont identifiés dans ce film.

Monia : C’est vrai, c’est un film qui plaît beaucoup aux jeunes cinéphiles. Au Québec, on n’a pas une grande culture du cinéma, les gens ne vont pas beaucoup dans les salles obscures. C’est dur de les y emmener contrairement à ici en France. Je suis par exemple allé voir avec Xavier dimanche soir Notre jour viendra de Costa-Gavras et j’étais impressionné de voir autant de jeunes dans la salle ! Je ne verrai jamais ça au Québec. Les jeunes vont voir surtout des films américains. C’est culturel quelque part. On a plus une culture de la télévision au Québec. C’est là que sont les vraies stars et elles y sont davantage respectées.

Niels : Marc-André Grondin par exemple n’est pas si connu que cela. Avant de venir à Paris, je déjeunais avec un réalisateur qui alpagua la serveuse pour lui demander si elle connaissait Marc-André et cela ne lui disait rien.

Monia : Pareil pour moi. J’étais en province avec un ami qui tourne dans une série TV avec Patrick Huard (grand humoriste québécois) et lorsque l’on rencontrait des gens qui nous demandaient ce que l’on faisait dans la vie, ils se tournaient immédiatement vers mon ami car le cinéma ne leur disait rien. Je leur disais que j’avais tourné avec Denys Arcand et pour eux, c’était limite. Denys est pourtant un grand cinéaste.

Quel est le statut des Amours Imaginaires au Québec ?

Monia : Pour le Québec, c’est un film d’intellectuel et d’auteur. Ici, il me semble qu’il apparaît plus comme un film pop, déjanté.

montCertaines scènes du film font écho à d’autres œuvres cinématographiques comme Les Chansons d’amours de Christophe Honoré et Les Innocents de Bernardo Bertolucci comme on le voit sur ces photos :

Monia : (Rire) Exactement. Et avec le même acteur dans les trois, n’est-ce pas Niels ? C’est Louis que l’on voit à côté de moi non ?

Niels : Ce sont trois films qui ont beaucoup marqué notre génération !

Monia : Ce qui nous rapproche est avant tout la référence à la Nouvelle Vague. Et qu’il y a toujours une brune. Il existe une nostalgie de cette génération même s’il nous ne l’avons pas connu. Celle de nos parents avec tout ce qui rappelle la révolution sexuelle, Godard, Truffaut…

Niels : Quelque chose s’est perdu aujourd’hui…

Monia : C’est assez étrange car la génération X dans les années 80 était aussi complètement différente. Ce qui nous rapproche pourtant est la dépression économique qui nous touche aussi à notre tour. Il faudrait voir ce que vont devenir les jeunes de 10-15 ans dans dix ans, ce serait un bon indicateur. Mais je ne sais pas d’où ça vient.


Deux scènes très esthétiques retiennent particulièrement l’attention : celle des marshmallows pour Niels et celle du monologue de Maris pour Monia…

Niels : La scène de marshmallows est une référence au film de Gregg Araki. Elle était géniale à tourner. L’accessoiriste était au-dessus de moi avec un seau rempli de marshmallows et il fallait qu’il tombe de manière harmonieuse et esthétique donc ce n’était pas si simple que ça !

Monia : La scène du monologue était très difficile pour moi car Xavier qui aime bien les monologues en avait écrit un pour moi. C’est un exercice toujours très difficile car on est habitué dans la vie à avoir un dialogue avec quelqu’un tandis que là, c’était très proche du théâtre. En plus, je devais fumer énormément pour cette scène et j’ai dû prendre deux paquets en une journée ! Ce fut une des scènes les plus difficiles mais dont je suis la plus fière.

Niels : Comme tu le dis, ces scènes sont très esthétiques mais ce que j’adore c’est le contre-pied de certaines séquences utilisant la caméra à l’épaule. Comme lorsque le personnage de Xavier sort du café et m’offre une affiche d’Audrey Hepburn. On est presque dans le documentaire !


nielsPour finir, pouvez-vous commenter ces deux photos-portraits ?

(Pour ses photos, Niels tourne le regard et fait semblant de les déchirer)

Niels : Arf…

Monia : Avoue que vous avez quand même quelque chose de similaire…

Niels : C’est drôle car lorsque j’étais à Cannes, je disais justement à Louis Garrel que j’étais excédé par les gens qui me prenaient pour lui. Il m’a alors demandé si l’on m’avait déjà dit que je ressemblais à Jean Sarkozy car cela lui arrive très souvent !

(Pour sa photo, Monia porte un regarde amusé)

Monia : C’est bizarre et amusant comme rapprochement car malgré le fait que l’on parle d’Audrey Hepburn pendant le film, jamais je n’ai pensé à elle pour mon rôle et jamais on en a parlé. On pensait beaucoup plus à des personnages de la Nouvelle Vague à l’inverse comme Anna Karina.

Propos recueillis par Edouard Brane à Paris le Lundi 20 septembre 2010.

 

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