Rencontre avec Justine Harbonnier, réalisatrice du film présenté à l’ACID : “Caiti Blues”
Caiti Blues, film réalisé par Justine Harbonnier et présenté à Cannes dans la compétition ACID revient sur la désillusion d’une jeune chanteuse américaine, Caiti. Entre envie d’aventure et rêves qui se brisent, elle doit faire le deuil de certains projets pour s’ancrer dans la réalité de l’industrie musicale. La réalisatrice aborde le désenchantement dans un film qui jongle entre fiction et documentaire. Le film sort en salle le 19 juillet en France.
Nous avons eu l’occasion de l’interviewer et de revenir en quelques questions sur son film.

Interview de le réalisatrice Justine Harbonnier pour son film Caiti Blues
Bonjour, j’aimerais ouvrir cet entretien avec une phrase qu’utilisait David Lynch, il séparait les réalisateurs en deux catégories, ceux qui chassent, courant après leurs acteurs et l’action et les pêcheurs qui laissent le film venir à eux, quelle réalisatrice êtes-vous ? Chasseuse ou pêcheuse ?
Le premier je pense, chasseuse.
Caiti anime une émission sur la radio KMRD, chaque lettre pourrait être utilisée pour qualifier votre film, Motivant, Réaliste, Chaotique pour le K et surtout Désenchanté. Est-ce que ce sont des qualificatifs qui vous semblent justes ? Notamment la question du désenchantement de Caiti par rapport au milieu de la musique et la vôtre face à la réalité des États-Unis ?
Complètement, je pense que c’est un mot clé de ce que j’ai voulu explorer. On la voit petite fille dans ces images VHS dans son côté pétillant, sa manière de se mettre en scène, dans tous ses rêves. Le film fait se rencontrer ces deux temporalités de l’espoir de l’enfant et de la réalisation de la jeune femme. C’est ce qu’essaye de traduire le film : comment fait-on quand on se rend compte que ça ne va finalement pas se passer comme on le pensait et qu’il faut réécrire ses rêves.
Il y a beaucoup d’écho entre le présent et les images d’archives notamment toute une séquence sur la question du corps de Caiti qui est mis en relation avec ses poupées Barbie présentent dans sa chambre et dans les images VHS, est-ce que ce sont des liens qui vous sont venus au montage ou en amont ?
C’est vraiment des trouvailles de montage, un travail d’association. On a beaucoup utilisé le terme de “réservoir poétique” pour désigner les archives. On voulait qu’elles apparaissent dans le film comme des images qui viennent faire écho pas forcément de manière rationnelle mais de manière un peu plus poétique.
Ces archives sont de vraies mines d’or, est-ce que vous aviez l’idée de les inclure à la genèse de la création du film ou est-ce que vous en avez pris connaissance plus tardivement ?
J’ai appris l’existence de ces archives en tournage. C’est sa mère qui m’a donné toutes ses archives, elle avait tout fait numérisé au Wallmart et m’a remis une vingtaine de DVD. J’ai regardé sans trop d’attente et au final j’ai halluciné. C’était une évidence de trouver une place pour cette matière-là dans le film.
Beaucoup d’incrustation de paysages et de plans sur les États-Unis qui ne sont pas courants, est-ce que vous aviez la volonté de montrer la réalité de Caiti et de ses chansons en montrant ces plans de montagnes et de vallées ?
Je suis très contente que vous disiez ça parce que j’avais lors du tournage, la sensation
constante de faire du déjà-vu. Il y a une telle iconographie de ces paysages américains. J’ai
beaucoup réfléchi à la manière de les représenter pour trouver un écho avec les
personnages. Quand apparaissent ces paysages, on est déjà sur un format 4/3 ce qui rompt
avec cette image des paysages désertiques américains filmés en 16:9 ou l’on donne toute la
place au paysage. Là, on est sur un format carré qui peut interpeller. J’essayais de voir
comment ils pouvaient entrer en écho avec l’intériorité du personnage et de se dire que sa
voix puisse exister sur ces paysages. Ce ne sont pas des paysages de cartes postales, ils
sont beaux mais pas uniquement. Ce sont des paysages désertiques, et filmés en plein
hiver sous la neige ce qui donne un aspect un peu dissonant.
C’est un film qui parle d’immobilisme et pourtant les éléments qui poussent Caiti à bouger sont nombreux que ce soit dans les cartes de tarot ou dans les affiches de Dora L’Exploratrice qui disent “Vivez l’aventure”, est-ce que c’est sa volonté à elle ou est-ce qu’elle est bien finalement là où elle est ?
Ça a été ma question mais aussi la sienne pendant tout le tournage. Il y a un désir de mouvement, de partir, un désir d’ailleurs et en même temps une incapacité à pouvoir le faire. Le film restitue cette ambiguïté qui est la vérité de Caiti dans ce rapport au départ. Pendant le tournage, j’ai pensé longtemps que ça allait être la fin du film, qu’elle allait partir de Madrid. Finalement, elle y est encore, elle a écrit la fin seule, elle a réussi à se réinventer là où elle est.
Propos recueillis par Lou Bulthé-Maingard
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