Le Timbre d’argent ressuscité à l’Opéra Comique
Le Timbre d’argent De Camille Saint-Saëns Mise en scène de Guillaume Vincent Avec Raphaëlle Delaunay, Hélène Guilmette, Jodie Devos, Tassis Christoyannis, Edgaras Montvidas, Yu Shao Mardi 13, jeudi 15, samedi 17 et lundi 19 juin à 20h Tarifs : De 6 à 135 euros Réservation en ligne ou par tél. au 0 825 01 01 23 (0,15E mn) Durée : 3 h Opéra Comique |
Jusqu’au 19 juin 2017
Comme Alcione et Fantasio donnés cette saison, cet opéra de Camille Saint-Saëns n’avait pas été joué depuis un siècle. Grâce à l’Opéra Comique en coproduction avec le Palazetto Bru Zane, cette histoire faustienne d’argent et de crime revit aujourd’hui dans la mise en scène de Guillaume Vincent avec le brillant Francois-Xavier Roth à la baguette. Un conte fantastiqueEt si tout cela n’était qu’un cauchemar ? Jules Barbier et Michel Carré, librettistes de l’oeuvre, imaginent un héros romantique, Conrad, au nom germanique, amoureux fou du modèle de son tableau, Circée, qu’il recrée comme Pygmalion à travers un personnage de danseuse de cabaret. Comme dans le mythe de Faust, le problème de Conrad, qui est pauvre, comme tous les artistes du XIX° siècle, est son désir de succès et de richesse. Alors qu’il sombre dans un sommeil dépressif, il demande à Spiridon, son médecin, de lui offrir un remède miracle. Une sonnette magique, en argent, fera couler devant ses yeux un flot d’or à chaque fois qu’il en frappe le timbre, en même temps qu’une personne chère sera frappée de mort. L’argent contre le crime, la spirale du péché est ici entièrement orchestrée par le médecin magicien aux allure de Méphistophélès qui propulse le héros dans l’enfer du Mal. Une partition luxuriante et bigarrée Plus que l’histoire, plus que le héros qui ballade son mal de vivre à travers la débauche de certains univers glauques avant la rédemption finale, c’est l’orchestre ici qui est le véritable héros de cette oeuvre en forme de patchwork. Le jeune Saint-Saëns, qui était organiste, rêve en 1865 d’une oeuvre révolutionnaire et il juxtapose en elle la symphonie, l’opérette, les choeurs à la Gounod, le chromatisme inspiré de Wagner, à la manière d’un coloriste érudit et prodigieusement doué, épris d’atmosphères cinématographiques et théâtrales qui hésitent entre le réel et le rêve. L’orchestre doit donc être brillant, comme l’est « Les Siècles » dirigés par le passionné François-Xavier Roth, qui met tous ses musiciens, les cornistes en particulier qui sont particulièrement sollicités. L’introduction, longue et riche, qui aurait mérité un brin de spectacle sur scène, témoigne dès le début du savoir faire du compositeur. Des décors de music-hall Guillaume Vincent a lui aussi rêvé sur cette partition à recréer, dans une scénographie qui joue plus de la lumière et des ombres que d’un fantastique à la Gustave Doré. Jouant des rideaux à paillettes, de lustres et de boules miroitantes, il a privilégié l’incarnation muette de la danseuse Fiametta que Raphaëlle Delaunay métamorphose malicieusement et très gracieusement en cocotte de cabaret, en Joséphine Baker, en clown lunaire ou en vamp de casino. A ses côtés et omniprésent sur le plateau, le Conrad d’Edgaras Montvidas reste un peu raide malgré une ample voix de ténor qui peine parfois à faire comprendre les nuances du texte français, très présent pour le coup dans cette oeuvre. Le reste de la distribution est parfait. Tassis Christoyannis, diction et projection optimales, excelle dans ses métamorphoses machiavéliques, cynique ou burlesque; Yu Shao dans un Français lumineux fait preuve d’un beau timbre aux sonorités précises dans le rôle du sage Bénédict, tandis qu’Hélène Guilmette et Jodie Devos, Hélène et Rosa, fiancées respectives de Conrad et de Bénédict, révèlent des tessitures de soprano soyeuses et profondes. Le choeur Accentus, qui assume avec brio une forte présence sur le plateau, est à saluer jusqu’au final très eucharistique. Hélène Kuttner [Crédits Photos : © Pierre Grosbois) |
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