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Steve Suissa – interview – The Guitrys

11 octobre 2013
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steve suissa

Derrière toutes vos multiples activités, y a-t-il au fond de vous le désir de vous réaliser sur un point particulier ou aimez-vous porter ces nombreuses casquettes ?

J’adore, contrairement aux idées reçues qui consistent à vouloir étiqueter les gens, avoir de nombreux modes d’expression. Au cinéma, on est face à une caméra, des techniciens, des acteurs, des décors, au théâtre on est sur un plateau parfois à deux ou trois seulement, et à l’opéra comme c’est le cas pour La flûte enchantée on se retrouve avec quatre-vingt personnes à diriger. La chance d’alterner tout cela accentue mon idée que j’ai encore beaucoup de choses à apprendre et cette notion me stimule énormément. Je ne voudrais surtout pas tomber dans ce qui pourrait s’apparenter à du mécanisme ou à de la routine. A travers chaque expérience artistique, j’essaye de découvrir quelque chose et de me mettre en danger en allant vers des sujets ou des univers qui sont nouveaux.

Vous avez déjà travaillé avec Eric-Emmanuel Schmitt avec Le Journal d’Anne Franck, vous voilà à nouveau ensemble pour The Guitrys et vous monterez en janvier sa pièce La trahison d’Einstein. C’est un compagnonnage ?

Eric-Emmanuel Schmitt est quelqu’un d’immense, humainement et artistiquement. On parle ensemble à bâtons rompus du texte, du casting, du son, des lumières… C’est très riche de pouvoir travailler avec un auteur vivant et qui plus est, d’une telle importance. Bien sûr que je lis et que j’aime relire Tchékhov ou Shakespeare, mais pouvoir échanger avec un auteur qui est devant vous, cela est passionnant. On peut parler d’un tandem artistique et j’espère que cela va continuer, car j’ai beaucoup de respect pour cet auteur et autant je sais diriger et mettre en scène, autant je ne sais ni donner la parole aux gens ni écrire. Quand je lis les textes d’Eric-Emmanuel Schmitt, je suis heureux que quelqu’un ait pu formuler ces histoires et permettre qu’elles s’incarnent si richement dans des personnages.

Et qu’en est-il de votre rapport avec Sacha Guitry et Yvonne Printemps qui sont les deux stars de la pièce The Guitrys au Théâtre Rive Gauche ?

J’avais lu les pièces de Guitry et je connaissais vaguement son histoire avec Yvonne Printemps, mais je n’en étais pas spécialement proche. Cette aventure m’a permis d’apprendre beaucoup sur lui et c’est ce que j’aime, apprendre. Je me suis documenté, j’ai lu toutes ses interviews, j’ai beaucoup écouté Yvonne Printemps, puis j’ai fait une sorte de voyage dans les Années Folles, et j’ai souhaité faire une mise en scène fidèle mais aussi très moderne, en images, pour retracer les carrières et les destins de ces deux personnages, dont l’histoire d’amour est intemporelle et universelle.

On retrouve dans The Guitrys votre style spécifique qui consiste à imprégner la scène du théâtre d’un sens cinématographique. Vous vous y reconnaissez ?

J’espère imprégner au fer rouge mon travail de metteur en scène de cette marque ! C’est en effet ma caractéristique je pense, mais il y a cependant des sujets qui s’y prêtent plus ou moins. En tout cas, sur chaque mise en scène, j’ai l’impression que c’est en effet une partie de moi à travers laquelle je vais chercher l’émotion, l’intensité et tous ces ingrédients qui font que les acteurs vont être portés et vont pouvoir donner une singularité à l’ensemble du projet. Le plus beau compliment qu’on puisse me faire, c’est effectivement qu’on reconnaisse que je suis le metteur en scène rien qu’à la mise en scène…. avant même de voir mon nom ! Tout cela en plongeant dans des atmosphères très différentes qui vont de L’Affrontement à Bronx en passant bientôt par Einstein. Je suis d’ailleurs assez content de sentir qu’aujourd’hui il existe un théâtre qui réunisse un public allant des jeunes à des spectateurs de plus de 77 ans autour d’un texte. Avec The Guitrys, on a voulu mettre en scène une histoire d’amour exceptionnelle dans les Années Folles tout en proposant une comédie romantique d’aujourd’hui.

Claire Keim et Martin Lamotte sont pétillants et très justes dans The Guitrys. Comment avez-vous travaillé avec eux ?

Selon des données qui reviennent toujours dans ma direction d‘acteurs. Je donne une mise en place, j’organise les lectures, je laisse un espace qui permette de se lâcher puis ensuite je travaille sur les corps. Je suis au corps à corps avec les acteurs, je leurs mets la main sur la nuque ou je leur attrape les chevilles, mais j’ai un rapport instinctif et physique dans le travail de direction.

Et quel est votre rapport personnel à la musique, sachant qu’avec The Guitrys vous abordez la chanson avec un charme très réussi tout en mettant en scène par ailleurs un opéra de Mozart ?

La musique et les odeurs sont les deux sens qui me mettent dans un état très particuliers. Les sons, les parfums, circulent dans mon corps tout entier et cela me transperce d’émotions très fortes. Même quand on n’aborde pas directement le chant comme c’est ici le cas avec Claire Keim qui interprète Yvonne Printemps, la musicalité est pour moi en quelque sorte le battement de cœur d’un personnage. C’est ce qui me met dans un état, une envie, une audace, et c’est par ce biais que je casse toutes les conventions pour travailler sur la sensibilité et l’intensité.

Avec The Guitrys qui est une approche réussie, vous vient-il l’envie de monter ultérieurement une pièce de Sacha Guitry lui-même ?

Pourquoi pas ! En tout cas, c’est un épicurien et d’emblée je l’aime ! Il adore manger, écrire, prendre des risques, c’est un personnage qui me touche. Il a le trac mais il n’a pas peur. Il fait partie des artistes que j’apprécie profondément. Et dans The Guitrys, grâce à l’écriture d’Eric-Emmanuel Schmitt, on aime tout autant Yvonne Printemps. Car même si au début on se demande pourquoi Sacha s’amourache d’une petite garce, très vite on tombe irrésistiblement sous son charme de femme enfant en accord parfait avec le faux dur !

Propos recueillis par Isabelle Bournat

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