Solness, le constructeur – Théâtre Hébertot
Dans un décor blanc fonctionnel, celui d’un bureau d’architecte moderne, Solness contemple son empire. Entouré de son personnel, qu’il foule au pied pour mieux se mettre en valeur, et de sa femme (excellente Edith Scob), étouffée par la personnalité solaire de son mari, Solness sent la vieillesse arriver – et refuse de céder à la succession naturelle de la jeune génération. Comme toujours avec Ibsen, la reconnaissance sociale est sous-tendue par des zones d’ombres : c’est la mort de ses fils qui a provoqué la réussite de Solness, et c’est de cette culpabilité que se nourrit le constructeur pour toujours dépasser les limites de l’humain.
D’emblée, Hans Peter Cloos annonce la couleur : il lit Solness comme un comédie, et non comme la tragédie que l’on y voit traditionnellement. Si le parti pris semble intéressant, il s’avère vite, finalement, assez réducteur : Jacques Weber joue Solness comme un monolithe, et s’il convainc dans l’émotion au moment de révéler la mort de ses fils, cet état de grâce ne dure qu’un instant. Le reste du temps, il a tendance à forcer le trait, négligeant les subtilités, les ambiguïtés d’un personnage qu’il aplanit et simplifie à outrance. Dommage, car sa présence, sa diction parfois imparfaite, mais d’autant plus naturelle, confèrent une véritable épaisseur physique à Solness.
La révélation de cette production, c’est Mélanie Doutey, interprète de la jeune Hilde, symbole de lajeunesse qui vient bousculer les convictions du constructeur. Fraîche, naïve, elle virevolte sur la scène comme un elfe rieur, insouciante des conséquences que provoque sa venue. Elle est là pour bousculer, pour redonner à Solness la gloire de sa jeunesse, avant qu’il ne construise son empire sur la destruction de sa famille. Elle causera sa chute, au sens propre comme au figuré… Le duo avec Weber est touchant, mais manque de profondeur : on aurait aimé y sentir plus d’ambiguïté, plus de passion.
Si Hilde ramène Solness à la vie, elle est aussi la raison de sa chute, de sa mort. La mise en scène de Cloos souligne ce paradoxe, sans pour autant mettre en lumière les subtilités du personnage de Solness et de sa relation avec la jeune Hilde. Dommage, car la confrontation entre Jacques Weber et Mélanie Doutey aurait pu faire date. On appréciera cependant de voir à Paris cette pièce d’Ibsen, trop rarement jouée…
Audrey Chaix
enjoy the theatre
Solness, le constructeur
D’Henrik Ibsen
Mise en scène de Hans Peter Cloos
Avec Jacques Weber, Mélanie Doutey, Edith Scob, Jacques Marchand, Thibault Lacroix, Nathalie Niel et Sava Lovov
Durée : 1h40
A partir du 3 septembre 2010
Du mardi au samedi à 21h, le samedi à 17h30
Location au 01 43 87 23 23 ou au guichet du théâtre.
Tarifs : de 10 à 48 €
Théâtre Hébertot
78 bis boulevard des Batignolles
75017 Paris
Métro Villiers (ligne 2 et 3)
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