“Denali” : le bouleversant thriller théâtral qui fait salle comble

Au Petit-Marigny, les soirées du lundi et du mardi se remplissent très vite. La raison : un spectacle qui fait le buzz en reconstituant une enquête policière après la disparition d’une jeune fille en Alaska, un fait divers qui a réellement existé récemment. Les spectateurs assistent donc à une pièce de théâtre mise en scène comme une série policière Netflix, oscillant constamment entre les hypothèses et le réel. Impressionnant !

Un fait divers tragique

©Béatrice Livet

En 2019, près de la rivière Eklutna en Alaska, une jeune fille de 19 ans est retrouvée abattue d’une balle dans la nuque. Très vite, la police enquête auprès de sa famille et de ses amis proches, dont Denali, sa meilleure amie et Kayden, le copain de cette dernière, qui disent l’avoir vue pour la dernière fois. Comment et pourquoi cette jeune fille a-t-elle été tuée ? Quel a été le rôle de chacun des jeunes gens interrogés par les détectives, qui les auditionnent tous ? Chacun des jeunes paraît d’une sincérité désarmante, livrant aux adultes missionés pour élucider l’enquête des faits d’une simple banalité. Jusqu’au moment où ces derniers découvrent, dans les téléphones des jeunes gens, des images et des vidéos où ils participent à des jeux étranges, des rituels sordides, inquiétants. Quelle est la part de réel, quelle est celle du fantasme, qui ont pu nourrir de glauques désirs, des pulsions perverses ?

Un spectacle habilement construit

©Béatrice Livet

Nicolas Le Bricquir est un jeune auteur et metteur en scène. Il s’est passionné pour ce fait divers américain qui met en scène des jeunes gens désœuvrés, en quête de reconnaissance et d’argent facile, abreuvés par des réseaux sociaux qui leur font miroiter un monde où les apparences, les images fabriquées, la célébrité, sont un appât idéal. Il s’est inspiré de True Détective, une série policière qui fait fureur depuis sa création en 2014, en construisant son spectacle comme un long interrogatoire entrecoupé de flashbacks. La scène est donc divisée en deux, avec d’un coté l’interrogatoire de police, et de l’autre un écran sur lequel s’inscrivent les photos et les vidéos extraits des téléphones. L’effet est saisissant, tant le rythme est celui d’un thriller à suspense. Mais ce que montre en même temps la pièce, c’est de quelle manière la manipulation des jeunes gens par les réseaux sociaux les pousse à transgresser les questions de morale, de bien et de mal. Comme si leur vie affective et leur manque de perspectives les poussaient à dépasser le réel, pour devenir des héros d’une mauvaise fiction dont ils seraient les auteurs tragiques. Edifiant et glaçant !

Hélène Kuttner