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Élise Vidal : “Je préfère la gestion de projet qu’il y a derrière un spectacle à son côté pailleté !”

Élodie Pochat 2 février 2021
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© Stéphane Kerrad

Directrice de production adjointe au Théâtre Mogador, Élise Vidal nous raconte tout sur son parcours et son métier passionnant au sein du célèbre théâtre des comédies musicales à Paris.

Qu’est-ce qui vous a donné envie de travailler dans le secteur de la musique ?

J’ai suivi un cursus musique-études du CP jusqu’à la 3e avec le Conservatoire CRR de Versailles. Ensuite, j’ai fait un parcours plus classique car je suis rentrée en lycée général, puis j’ai intégré une école de commerce. C’est lors de mon premier emploi que j’ai commencé à me dire que ce que je faisais manquait un peu de sens. C’était une époque où je reprenais la musique, que j’avais mise de côté pendant mes études, donc j’avais envie de travailler dans ce milieu-là. J’ai alors fait mon entrée dans le secteur et depuis j’y suis toujours. J’espère que ça va durer !

Élise Vidal © DR

Quelles ont été vos motivations pour changer de structure et venir au Théâtre Mogador ?

Je n’étais pas particulièrement comédies musicales, je préférais l’opéra ! Avec mon métier d’agent d’artistes aux Concerts Parisiens, j’ai pu développer mon réseau au sein du monde de la musique classique et baroque, mais je n’avais pas accès à l’opéra et mon projet professionnel n’était pas d’être agent. Je voulais être dans la gestion de projet, ce que je fais aujourd’hui, alors au bout de cinq ans, j’ai décidé de changer ! J’ai trouvé un emploi au Lido où j’étais coordinatrice de production et cela m’a permis de travailler sur la création de la nouvelle revue, puis j’ai eu la chance d’obtenir le poste de responsable de production au Théâtre Mogador. Une production de comédies musicales a besoin des mêmes catégories de métier que pour un opéra. On y retrouve la mise en scène, le maquillage, la lumière, le plateau… à l’exception près qu’à l’opéra le son est plus en acoustique (les chanteurs ne sont pas sonorisés). Le poste que j’occupe aujourd’hui est celui que je voulais il y a quelques années et je retrouve la construction de projets qui m’intéressait. Peut-être qu’un jour je travaillerai sur des productions d’opéras, mais pour l’instant, cela me convient parfaitement !

Il n’est donc pas obligatoire d’être expert du monde des comédies musicales lorsque l’on postule au Théâtre Mogador ?

Non, pas forcément. Même s’il est utile d’avoir des connaissances artistiques, puisque l’on négocie des contrats avec les artistes, ce sont des choses que l’on peut apprendre sur le terrain. Je dirai qu’il est plus important d’avoir un bagage technique qu’artistique pour pouvoir comprendre, coordonner, superviser la technique. Au Théâtre Mogador, nous faisons par exemple tout en live : il y a pour la musique un orchestre et non une bande-son. Au-delà de la technique, il faut surtout connaitre le langage de la production, savoir organiser, bien s’entourer, afin que le projet puisse se monter. C’est un travail de l’ombre. C’est toujours mieux d’avoir du goût pour ce que l’on produit bien sûr, mais ce n’est pas nécessaire. Pour ma part, je connaissais surtout les problématiques liées à la musique, mais la comédie musicale c’est aussi de la danse et de la comédie.

© Stéphane Kerrad

Est-ce que vous vous occupez des castings ?

Oui, on les organise, coordonne et assiste car c’est important de savoir à qui on s’adresse pendant les négociations. Les castings sont faits par les équipes artistiques de la production originale, alors même si on peut éventuellement les aiguiller, ce sont elles qui prennent les décisions finales. Artistiquement, elles ont le plus d’expertise et sont donc les plus à-même de connaître les réels besoins du spectacle. Nous, nous faisons la production exécutive, c’est-à-dire que le créateur du spectacle va nous donner les clés pour qu’on puisse l’exploiter au mieux.

Comment se passent les démarches pour monter ces spectacles déjà existants ? Quels en sont les droits d’auteur ?

Il y a des licences de spectacle : la première interdit de toucher à quoi que ce soit (partition, chorégraphie, mise en scène). On peut tout juste traduire et exploiter le spectacle en état avec une production française. Mais il existe aussi des licences qui nous donnent plus de liberté. On achète alors les droits pour la musique, les textes… Ensuite, il y a les créations. Nous n’en avons jamais fait à Mogador depuis que j’y travaille. Grease est ce qui s’en rapprocherait le plus car nous voulions l’adapter au marché français. Ainsi, nous avons refait énormément de choses dans notre production de 2017 : les décors, une grande partie des costumes, nous avons traduit, crée la lumière et le son de toute pièce, refait des éléments de mise en scène avec le metteur en scène original… Il n’y a finalement que la musique, quelques costumes et certains éléments de mise en scène qui sont restés intacts.

Le catalogue des comédies musicales est vaste.  Comment faites-vous pour choisir les productions que vous allez monter ?

Le choix peut se faire à deux niveaux : le plus souvent, des études sont faites sur le marché français, le public et la concurrence qu’il peut y avoir à Paris et en France. Mogador appartient au groupe Stage Entertainment donc il peut nous arriver de récupérer les productions qui ont été faites à l’étranger au sein du groupe. Cela permet à la fois de faire des économies d’échelle et de bénéficier d’une expertise artistique et technique sur le montage de la production. Mais ce n’est pas systématique puisque certaines productions étrangères ne sont pas adaptables en France en fonction de la taille du plateau nécessaire ou du public : le public français qui vient voir des comédies musicales n’est pas encore aussi développé que celui hollandais, allemand ou espagnol. Et puis, il peut arriver que le producteur exécutif et/ou le directeur de Stage Entertainment France et du Théâtre Mogador aillent voir les spectacles à l’étranger et réfléchissent à ce qui pourrait marcher en France. Moi, je récupère le projet une fois qu’il est décidé. Avant, je n’interviens pas.

Vous avez décidé de produire Le Roi Lion pour l’année 2021.

Ce choix a été fait avant la Covid-19 mais c’est un spectacle qui aura d’autant plus de poids à la réouverture car il est chaleureux, emblématique et très coloré. On a donc bon espoir de faire venir le public.

© Stéphane Kerrad
Le Roi Lion au Théâtre Mogador en 2007

Est-ce qu’il y a d’autres théâtres qui produisent comme vous des grandes comédies musicales ?

Il y avait le Châtelet pendant un moment, puis Marigny. Il y a également La Seine Musicale qui a fait Mamma Mia en version tournée, West Side Story l’année dernière et Starmania l’année prochaine. D’autres théâtres qui font de l’accueil peuvent aussi proposer des comédies musicales à la française avec moins de mise en scène mais beaucoup de danse et de chant.

Est-ce qu’il vous arrive aussi de programmer des spectacles que vous n’avez pas produits ?

Oui, depuis quelques années on propose des spectacles pour enfants. Nous avons accueilli Jules Verne en 2015, Tom Sawyer en 2019, Le Tour du Monde en 80 jours en début d’année 2020 et Mon premier Lac des Cygnes qui devrait reprendre cette année. Ces spectacles restent dans les décors de la comédie musicale de Mogador car ces derniers sont tellement lourds et longs à monter qu’il faut les garder à l’année. C’est ce qu’on appelle une boite noire : on recouvre le décor par une tulle noire qui donne l’impression que la scène est vide. Les autres spectacles peuvent alors s’y insérer mais en contrepartie la scène est plus petite. On accueille aussi parfois des événements privés. Nous avons par exemple eu des concerts : Les Rolling Stones, Neil Young, Patrick Bruel…

Combien de temps faut-il pour monter une production ?

Le schéma classique, c’est à peu près une saison. Par exemple pour Chicago, nous avions fait les castings en novembre-décembre, les répétitions à partir de début août pour une première le 18 septembre 2018. C’est donc 9 à 10 mois de production et de préparation. Il nous faut aussi jongler avec deux productions en même temps car notre objectif est d’avoir le minimum de temps mort entre la fin du montage d’un spectacle et le début du suivant.

Et ensuite, est-ce que votre production est reprise ailleurs ?

En général non, mais les décors peuvent être gardés pour être joués dans d’autres pays. On les renvoie dans notre lieu de stockage en Allemagne pour qu’une autre production puisse les récupérer et les adapter, ainsi que les costumes, à ses comédiens et à sa salle. Mais la réadaptation est nécessaire.

Que préférez-vous dans votre métier ?

Il y a deux niveaux : en termes de construction de projets, la partie la plus grisante est celle des répétitions avec le montage technique car le projet touche à sa fin et il y a encore tout à faire ! Il y a des moments clefs comme lorsque l’orchestre arrive, les comédiens qui mettent leur costume, et quand le montage est terminé. C’est source de beaucoup de stress mais aussi de beaucoup d’adrénaline positive ! Il y a vraiment une équipe avec un sens commun et le soir de la première c’est la consécration ! C’est quelque chose d’assez unique que tous ceux qui travaillent dans le spectacle sur de telles productions doivent je pense également vivre. J’aime aussi beaucoup la coordination générale d’équipe : cette année on a par exemple recruté beaucoup de monde pour Le Roi Lion. Je préfère finalement la partie gestion de projet qu’il y a derrière un spectacle à son côté pailleté.

Pour accéder au site du Théâtre Mogador, cliquez ici.

Le Théâtre Mogador est situé au 25 Rue de Mogador – 75009 Paris

Propos recueillis par Élodie Pochat

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