Gertrud, la soif d’amour – Théâtre Monfort
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Gertrud D’après une pièce de Hjalmar Södergerg Adaptation et Mise en scène de Jean-Pierre Baro Avec Jacques Allaire , Cécile Coustillac, Elios Noël, Tonin Palazzotto et Michèle Simonnet Jusqu’au 13 décembre 2014 Tarifs : de 12 à 25 euros Théâtre Le Monfort |
Jusqu’au 13 décembre 2014
A travers un texte à haute densité romantique et sur un incandescent plateau cinématographique, Gertrud par Jean-Pierre Baro met à vif et avec éclat le tragique combat d’une femme en quête de l’amour mais brisée par les ambitions carriéristes des hommes. Par son choix de scénographie lyrique et cinématographique, Jean-Pierre Baro parvient à dégager magnifiquement la profondeur de ce texte. On aurait pu être quelque peu accablé par ces longues conversations d’un autre temps, mais le metteur en scène les imbrique à la chair et à l’érotisme, créant un spectacle captivant où la parole emporte le public dans une sensualité continue. Gertrud étant une cantatrice, Jean-Pierre Baro compose la scène avec un paysage sonore dominé par l’opéra. Le désespoir amoureux de cette femme en quête d’absolu trouve sa résonance naturelle dans les chants des héroïnes de Puccini ou Verdi et Leoncavallo. Le drame sentimental, subtilement mêlé à des partitions sublimes, est ainsi maintenu dans son paradoxe, montrant que ce qui ne pourrait être que de simples déceptions amoureuses contient le tragique d’une vie. Autour de Gertrud – remarquable Cécile Coustillac-, trois hommes cherchent la réussite professionnelle. Avocat, écrivain, pianiste, très finement interprétés ici, ils désirent et aiment sans doute Gertrud mais ils ne prêtent pas suffisamment attention à l’amour ou alors avec un temps de retard. Que ce soit le mari aveuglé par son ambition politique, l’écrivain célèbre qui fut l’amant, le musicien fêtard qui multiplie les aventures érotiques, tous trois perdent Gertrud. Elle les a désirés ou aimés tour à tour, mais elle part, elle renonce, sans aucune menace suicidaire mais dans un terrible constat de femme émancipée que des hommes ambitieux n’ont pas su aimer quand il le fallait, centrés excessivement sur eux quand elle se donnait, renvoyés à leur solitude malgré leur apparence sociale. Emilie Darlier [Photos : Christophe Raynaud de Lage] |
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L’auteur Söderberg, romancier né en 1869 et célèbre dans les pays scandinaves, développe avec minutie et de consistants échanges entre les protagonistes, l’épaisse couche des sentiments amoureux empêtrés entre le désir, l’arrivisme social et le besoin de conjurer la solitude. Les dialogues ont une texture à la Bergman, ils creusent et explorent chaque méandre des relations amoureuses, ils tendent un miroir à la complexité sentimentale avec une langue fouillée à la fois vaguement désuète et très moderne, précise, éclairant tous les détails de la psychologie en maintenant l’aspect sublime de ces confessions.
Des miroirs constamment installés sur le plateau, plus ou moins discrets et opacifiés, dévoilés progressivement, jouent avec le constant regard que les individus ont sur eux-mêmes. Le public immédiatement est emporté dans une atmosphère cinématographique, s’identifiant avec l’héroïne et pourtant délicatement maintenu en sa propre vision par des changements de décor à vue. Le grand lustre d’opéra, le piano à queue, la vaste salle de réception, chacun des lieux semble se réfléchir dans le déroulement du temps que les protagonistes ne vivent pas au même tempo et contre lequel ils échouent sans tragédie mais avec la terrible beauté furtive d’un plan de cinéma tandis que passe la vie.



